Vivre en Martinique - Interview with Soledad

Vivre en Martinique - Interview with Soledad

In this episode, Gaelle interviews Soledad, a young woman born in France but who grew up in La Martinique. Her personal experience enlightens us to the reality of life in one of France's overseas territories (Outre-Mer). Is the culture the same? Does she feel French? Are the opportunities the same? A fascinating conversation to complement the 2 episodes released on Outre-Mer in previous weeks.

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Transcript of Interview Soledad-la vie en Martinique.mp3

Gaelle:
Bonjour à toutes et bonjour à tous et bienvenue dans ce nouvel épisode de LanguaTalk Slow French. Aujourd'hui, nous avons une invitée spéciale, elle s'appelle Soledad. Bonjour Soledad.

Soledad:
Bonjour Gaëlle.

Gaelle:
Comment vas tu?

Soledad:
Ça va très bien, merci.

Gaelle:
Alors est ce que tu pourrais te présenter rapidement s'il te plaît?

Soledad:
Alors oui, je m'appelle Soledad, je suis Martiniquaise, mais j'ai aussi beaucoup vécu à l'étranger. Et donc en ce moment, je vis au Liban depuis plus de six ans maintenant.

Gaelle:
Donc le Liban, c'est Lebanon. Donc à côté d'Israël, la Syrie, ... Très bien. Et donc tu as dit que tu es Martiniquaise. C'est intéressant. Tu n'as pas dit que tu es Française, mais c'est la même chose en fait! Ou pas?

Soledad:
Oui, c'est vrai.

Gaelle:
Donc aujourd'hui, nous interrogeons Soledad parce que justement elle est... Elle est née en Martinique, elle est martiniquaise et c'est dans la suite de nos deux épisodes sur les outre mer. [english]. Où est la Martinique?

Soledad:
Alors déjà je veux juste revenir sur un petit truc. Je ne suis pas née en Martinique en fait. Mais j'y ai grandi et ma famille, ma mère, est martiniquaise.

Gaelle:
D'accord, -so you grew up- elle a grandi -she grew up- en Martinique. Ok.

Soledad:
Moi j'ai grandi en Martinique. Ma mère est martiniquaise, palestinienne, donc c'est pour ça qu'on y a vécu. Alors où est la Martinique? La Martinique se trouve dans les Antilles, les Antilles françaises plus précisément. Donc c'est au niveau des Caraïbes, c'est en dessous de Haïti, la Dominique (République Dominicaine). Voilà, c'est dans l'arc antillais.

Gaelle:
Et donc c'est une île.

Soledad:
Voilà. C'est une île qui n'est pas très grande. C'est une île qui fait 1000 à peu près 1000 kilomètres carrés, donc c'est 60 kilomètres de long et 30 de large.

Gaelle:
D'accord.

Soledad:
Donc c'est vraiment tout petit. Mais on en a une très forte... la population est très nombreuse. On a, je crois, à peu près 360 000 personnes, ce qui fait une une densité de 300 personnes par kilomètre carré. Ce qui est, je crois, une des densités les plus fortes en France.

Gaelle:
Ok! Donc beaucoup de gens sur un petit territoire.

Soledad:
C'est ça.

Gaelle:
Et donc on va continuer un peu avec la description de l'île. Tu as dit c'est une petite île, c'est dans les Caraïbes. Donc en terme de climat, comment... comment c'est? C'est chaud?

Soledad:
Alors c'est un climat... Oui, c'est chaud! C'est un climat tropical. Donc on a une saison sèche et une saison des pluies. Alors avec le changement climatique, les saisons ne sont plus tout à fait les mêmes. Mais normalement, on a six mois de saison sèche et six mois de saison des pluies. Donc on a aussi beaucoup de cyclones - Hurricane -.

Gaelle:
Hurricane OK. Donc oui, plus fort que tornado. OK.

Soledad:
Voila. Et et on a un climat qui est globalement assez agréable avec du vent, avec des journées très très ensoleillées. Il pleut beaucoup mais c'est toujours des petites averses et donc on a une végétation qui est très verte, énormément de fleurs. Et d'ailleurs la Martinique, un des noms de la Martinique, c'est l'île aux fleurs parce qu'on a vraiment beaucoup de fleurs et une végétation très dense, un peu "jungle".

Gaelle:
Ok, donc c'est une très belle île, c'est un endroit, j'imagine qu'on a dans la tête quelque chose de très agréable.

Soledad:
Oui. C'est une île très carte postale avec on imagine les grandes plages de sable blanc, les cocotiers, la mer très bleue. On a aussi, comme en fait c'est une île volcanique, donc c'est une île qui s'est créée après... voilà après l'éruption d'un volcan. Donc toute la partie nord de l'île, en fait, les plages ont du sable noir parce que c'est du sable volcanique. Ce qui est très beau aussi. Et toute la partie au sud, c'est du sable blanc. Et eh oui, on a de la chance d'avoir de très très belles plages.

Gaelle:
OK. Donc un pays de carte postale -post card-. Très bien! Et donc tu es arrivée en Martinique, tu avais quel âge?

Soledad:
Alors j'y suis arrivée pour y vivre quand j'avais quatre ans.

Gaelle:
D'accord. Et donc, tu as des souvenirs de ton arrivée ou ...?

Soledad:
Oui, oui, oui. J'ai des souvenirs très précis de mon départ de France, j'habitais à Bordeaux et de mon arrivée. Et en particulier je me souviens très bien du bruit parce qu'en Martinique, le soir, la nuit, il y a beaucoup d'animaux qui font du bruit. Il y a beaucoup d'insectes et il y a en particulier des grenouilles qui font un bruit qui est très fort. Et je me souviens de la première nuit ou je suis arrivée, je me suis dit : "jamais je vais réussir à dormir ici!". J'avais quatre ans et vraiment je me souviens je me suis dit "c'est pas possible, ça fait trop de bruit!".

Gaelle:
Trop de bruit -too noisy!

Soledad:
Voilà. Et en fait, je me suis non seulement habituée, mais après ça a été dur de dormir sans le bruit des grenouilles.

Gaelle:
So "grenouille" just = "frog". Donc Ok, très bien. Et donc tu es restée de tes quatre ans jusqu'à quel âge?

Soledad:
Jusqu'à mes 18 ans.

Gaelle:
D'accord. Oui donc vraiment toute ton enfance en Martinique.

Soledad:
Voilà. Jusqu'à ce que je passe le baccalauréat et que je parte faire mes études.

Gaelle:
Très bien. Et donc on sait que politiquement, administrativement, la Martinique c'est un département français. Donc j'avais expliqué dans un autre podcast qu'en terme de lois, en terme de règles, c'est comme en métropole ou en Hexagone. Mais culturellement, est ce que c'est la même chose ou est ce que c'est très différent?

Soledad:
Alors culturellement, je pense que c'est très différent parce qu'on n'a pas du tout eu les mêmes influences que la population en France hexagonale, en métropole. Parce qu'il y a eu plusieurs vagues d'immigration en Martinique. Alors déjà, il y a eu les esclaves qui sont arrivés dans les années 1670 quelque chose...

Gaelle:
Donc les esclaves juste c'est "slaves".

Soledad:
Exactement. Donc toutes ces personnes qui venaient d'Afrique, qui étaient donc forcées de venir, ont apporté avec elles leur culture, leurs traditions, leur langue, leur religion, leur musique. Ensuite, on a eu différentes vagues de migrations qui se sont succédées avec des personnes qui sont venues d'Inde, de Chine et aussi beaucoup de gens qui sont venus du Moyen-Orient, des Syriens, des Palestiniens, des Libanais. Et puis on a eu aussi beaucoup d'Européens, beaucoup d'Italiens, des Français et donc, et on a eu des Espagnols aussi. Donc tout ça a fait qu'il y a eu vraiment, je pense, une sorte de mélange entre plein de cultures différentes. Et on a aussi le fait qu'on est très influencés quand même par les îles qui sont autour de nous, donc les Caraïbes en général et par les Amériques qui ne sont pas très loin.

Soledad:
Donc tout ça fait que le propre de la culture créole. Donc ce qu'on appelle créole, c'est en fait cette culture aux Antilles, que ce soit en Martinique, en Guadeloupe, en Haïti. Donc c'est le créole, ça désigne la culture, mais aussi la langue qu'on utilise. La culture créole, ce qui la définit, c'est ce mélange en fait. C'est toutes ces influences qui viennent au final du monde entier et qui se retrouvent dans la langue, dans la cuisine, dans la musique, dans la façon de danser, de parler et de vivre. Et pour ça, je pense que culturellement, même si bien sûr, on est très influencés par la France, parce qu'on a un système scolaire français, un système administratif français. Mais je pense que si on parle de la culture, on a quand même quelque chose qui est très spécifique à la Martinique et aux Antilles.

Gaelle:
Très unique. Très unique aux Antilles. Très bien. Et donc tu parles du système éducatif, du système scolaire, c'est intéressant. Est ce que ce sont... c'est exactement le même système? Est ce que vous avez exactement les mêmes cours, les mêmes classes et en particulier les cours d'histoire? Est ce que c'est la même histoire que vous apprenez?

Soledad:
Alors. Donc moi j'ai, j'ai oublié de dire mon âge quand je me suis présentée, mais j'ai 32 ans maintenant. Donc mes années d'école remontent un petit peu. Mais en tout cas, à l'époque, on avait le même système scolaire, le même programme, mais on était censé avoir des cours d'histoire justement adaptés. Alors dans les faits...

Gaelle:
Oui "On était censé" means "we were supposed to". So we are waiting for the "but".

Soledad:
Exactement! Mais dans les faits, en réalité, on avait une très très très petite part du programme dédiée à ça. On avait un minuscule livre qui retraçait ce qu'on appelle la traite négrière -slave trade- et le commerce triangulaire. C'est ce qu'on a appelé en fait le commerce des esclaves quand il s'est mis en place au XVIIᵉ siècle, entre la France (enfin, l'Europe), l'Afrique et les Antilles. Ça faisait ce triangle autour de l'Atlantique, de l'océan Atlantique. Donc on avait un petit livre d'histoire sur ça. Mais par contre, déjà, c'était vraiment une très petite part du programme qui était dédiée à ça. Il y a des profs, des professeurs qui n'en parlaient même pas, qui ne prenaient pas le temps parce que je suppose qu'ils avaient aussi un programme à tenir. Ce n'est pas forcément facile. Mais déjà, on en parlait pas beaucoup. Et puis ensuite, on ne parlait absolument pas de la suite. De ce qui arrivait après l'abolition de l'esclavage. On parlait très peu justement du rétablissement de l'esclavage sous Napoléon, et on parlait très peu de la colonisation et ensuite de la période après 1946 où les îles, les anciennes colonies sont devenues des départements et tout ce qu'on a appelé les lois d'assimilation qui ont créé énormément de problèmes aux Antilles, beaucoup de frustrations, beaucoup de problèmes socio économiques,... Tout ça, on n'en parlait jamais.

Gaelle:
Oui, donc, en théorie, une histoire, des cours d'histoire un peu adaptés, mais adaptés seulement pour l'histoire très ancienne, très lointaine.

Soledad:
C'est ça.

Gaelle:
So we can kind of detach ourselves from (it) "Oh yes it was a long time ago!". Mais les vrais problèmes actuels, modernes, ça, on n'en parlait pas.

Soledad:
Pas du tout. Et même en fait, dans la société martiniquaise, les... Parce qu'après 1946, il y a eu beaucoup de protestations, de grèves, de mouvements de révolte en Martinique et en Guadeloupe. Et même ça, au sein de la société, on en parlait très peu. Moi, j'ai appris très très tard qu'il y avait eu telle ou telle révolte, tel ou tel évènement, alors que c'est des choses qui étaient très importantes. Il y a eu des morts, il y a eu une répression. On en parle pas du tout.

Gaelle:
Ça, c'est vraiment très intéressant. [english]. Il n'y a pas une attention particulière à l'histoire locale moderne et même pour les populations locales. Donc ça, c'est intéressant dans un système scolaire qui était presque identique, avec très peu d'adaptations.

Soledad:
Voilà.

Gaelle:
Et quand on habite en outre mer, donc en Martinique en particulier, est ce qu'on a le sentiment d'être français ou non? On a le sentiment d'être différent, d'être Martiniquais.

Soledad:
Alors c'est une question très intéressante. Je pense que, en premier lieu, on se sent martiniquais et c'est dû à déjà le fait qu'on est si loin de la France métropolitaine, de l'Hexagone. C'est quand même à 8000 kilomètres, c'est 8 h d'avion. Et puis c'est un avion qui coûte très cher. C'est pas des billets low cost. Donc il y a énormément de gens qui ne sont jamais... Qui ne sont jamais allés, en fait en Hexagone, en vivant en Martinique ou en Guadeloupe. Donc déjà, je pense que ça, ça fait qu'on se sent avant tout Martiniquais. Et ensuite on se sent français mais on se sent un peu français traiter différent que les Français de France avec des guillemets. Parce qu'il y a... il y a beaucoup de choses qui ont fait dans l'application, la mise en place des politiques publiques françaises en Martinique, qui ont fait que les gens se sont sentis traités différemment.

Gaelle:
Un peu comme des citoyens un peu inférieurs?

Soledad:
Oui, un peu des citoyens de seconde zone comme on peut, on peut dire. Si je peux trouver des exemples un peu pour lesquels... enfin qui montrent que les personnes se sentent traitées différemment. On va dire qu'en Martinique comme en Guadeloupe, on a un problème d'infrastructures. On a un vrai problème, en Guadeloupe, surtout de distribution de l'eau potable.

Gaelle:
So drinking water.

Soledad:
Donc voilà, ce sont des départements qui ont un... où il y a énormément de pluies tout au long de l'année. Donc le problème n'est pas la sécheresse. Le problème, c'est que les infrastructures ne sont pas adaptées, ne sont pas bien maintenues en l'état. Et ça fait des années que ça dure et pour autant il n'y a pas grand chose qui est fait pour résoudre ce problème. On a aussi un gros problème au niveau de l'hôpital, en Martinique ou en Guadeloupe. En Guadeloupe, l'hôpital a brûlé en 2017. Depuis 2017, il n'a pas été réparé.

Gaelle:
Parce qu'il y a juste un hôpital? Non!

Soledad:
Il y a un hôpital principal avec les gros services et en Martinique, c'est pareil, un hôpital principal. Ensuite, il y a des petits hôpitaux de périphérie avec certains services, mais pas tout. Et donc voilà, les hôpitaux ne sont pas vraiment maintenus. Il y a un manque de bonne gestion, un manque de fonds.

Gaelle:
Les fonds, ça veut dire l'argent.

Soledad:
Et puis... Et puis, il y a aussi des gros problèmes économiques, en fait en Martinique et en Guadeloupe, qui mènent à des problèmes sociaux et sociétaux. Et la plupart du temps quand les gens, quand les gens se révoltent ou essayent de faire quelque chose. La réaction en général du gouvernement français, c'est d'envoyer des policiers, des militaires pour, pour, pour une répression qui est souvent perçue comme injuste. Donc c'est vrai qu'on se sent français, mais un peu à part.

Gaelle:
C'est très intéressant d'avoir ton témoignage, ta ...la réalité, comment elle est vécue, comment elle est ressentie directement là bas. Mais tu as dit que c'est assez classique d'aller faire ses études en métropole, en Hexagone. Toi, par exemple, à 18 ans, tu es allée étudier en Hexagone. Est ce que c'est parce qu'il n'y a pas des universités en Martinique ou parce que c'est mieux d'aller en Hexagone? Pourquoi?

Soledad:
Alors quand moi j'étais petite, il y avait très peu de possibilités d'études supérieures en Martinique. Tout le monde partait, c'était vraiment la norme. Après le bac, tout le monde partait. Et en fait, en fait quand j'ai grandi et depuis que je suis partie, il y a beaucoup de choses qui se sont mises en place. En particulier, il y a une faculté de droit, il y a une faculté de lettres. En Martinique et en Guadeloupe, il y a les premières années de faculté de médecine. En Guadeloupe maintenant, il y a une faculté de sciences, de biologie, de mathématiques. Donc maintenant, il y a des choses qui se sont mis en place. Mais c'est quand même assez récent. C'est dans les 20 dernières années.

Gaelle:
Oui c'est incroyable. Ça veut dire qu'avant, il n'y avait aucune option pour les populations locales d'étudier après 18 ans. C'était obligé de voyager.

Soledad:
Obligé. C'était obligé. Et il y avait même des partenariats entre les académies, entre l'académie de Bordeaux et l'Académie de Martinique. Il y avait un accord. Toutes les ...tous les Martiniquais allaient faire leurs études à Bordeaux. C'est pour ça qu'il y a beaucoup de Martiniquais à Bordeaux maintenant.

Gaelle:
D'accord!

Soledad:
Voilà. Et donc oui, on était obligée de partir. Ensuite, même maintenant qu'il y a des choses qui se sont mis en place, c'est vrai que même si je pense qu'au niveau qualitatif, les études sont bonnes, ce n'est pas trop mal on va dire, mais on essaye toujours, c'est un peu plus prestigieux de pouvoir aller en France hexagonale pour faire ses études supérieures. Même si ça entraîne un déracinement, un déracinement total en fait.

Le déracinement, ça veut dire "to be uprooted". Oui, justement, est ce que tu peux nous dire comment s'est passée ton arrivée en Hexagone? Est ce que c'était un choc culturel? Est ce que c'était facile?

Soledad:
Alors pour moi, c'était pas trop difficile parce que mon père étant bordelais.

Gaelle:
So "Bordelais", c'est quelqu'un qui habite à Bordeaux.

Soledad:
Voilà. Et ma famille étant aussi de Bordeaux, ma famille du côté de mon père, j'allais à Bordeaux régulièrement durant toute mon enfance. Donc je connaissais la ville puisque j'ai fait mes études là bas. Je connaissais, je n'étais pas complètement perdue au niveau de la culture. Mais quand même, même en ayant eu cette introduction à la culture française, j'ai quand même pas très bien vécu mon arrivée à Bordeaux. Pour différentes raisons. D'abord, c'est vrai que la société est complètement différente. Les gens sont différents et les gens ne réagissent pas pareil. Ils ne rigolent pas aux mêmes blagues, ils ne s'amusent pas de la même façon, ils ne mangent pas de la même façon, ils ne pensent pas de la même façon. C'était très différent et je ne m'attendais pas, alors même que je connaissais, j'étais déjà allée en France, j'ai de la famille à Bordeaux - je ne m'attendais pas à trouver ça si différent. Ça m'a fait un peu un choc. Et et puis il y avait après quelque chose qui, moi, m'a un peu interpellé. Et c'est assez marrant. C'est que, ayant grandi en Martinique et étant un peu métissée.

Gaelle:
Alors métissé ça veut dire que la couleur de ta peau, -your skin colour-, ce n'est pas blanc blanc.

Soledad:
Voilà, c'est ça. Comme moi, ma mère est à moitié martiniquaise et à moitié palestinienne. J'ai une peau un peu ...un peu bronzée. Donc j'ai toujours, j'ai toujours été "a bit tanned" et quand je suis arrivée en France, je me suis découverte beaucoup moins bronzée. Parce qu'après deux, trois, quatre mois d'hiver, bien sûr, ma peau n'avait plus la même couleur. Et là, j'ai eu une sorte de crise identitaire à me dire: "Mais de quelle couleur je suis en fait?".

Gaelle:
Oui. Est ce que je suis blanche ou est ce que je suis bronzée?

Soledad:
Oui! quelle est ma couleur? Alors je n'étais pas blanche. J'avais une espèce de couleur jaune curie, un peu pas très jolie. On dirait à moitié que tu es malade tout le temps! Mais, mais c'est un souvenir qui restera parce qu'avec du recul, c'est marrant et c'est une anecdote un peu rigolote. Mais mon arrivée n'a pas été très facile. Je m'intégrais, je pense que je m'intégrais bien, mais j'avais un peu du mal et j'avais aussi beaucoup de mal avec le manque de couleur dans le quotidien, les gens qui s'habillent toujours en noir, en gris, en bleu marine. Moi, mon premier manteau que j'ai acheté, il était rose. Alors, bien sûr, je ne l'ai jamais mis! Mais j'avais cette idée: "Mais pourquoi on ne met pas de couleur? Je ne comprends pas!".

Gaelle:
Et en hiver, c'est encore plus. Parce que en été, en France hexagonale tu peux, il y a de la couleur. Mais en hiver, c'est vrai, c'est très triste les couleurs.

Soledad:
C'est vrai que j'ai pas précisé et je suis arrivée en septembre et donc l'hiver a commencé en octobre, fin octobre. Donc j'étais directement dans l'hiver. Et mon arrivée n'a pas été facile, j'ai eu aussi beaucoup de mal avec la façon de faire la fête à Bordeaux. Les soirées étudiantes, c'est beaucoup d'alcool. En Martinique, c'est vrai qu'on boit de l'alcool, mais tout tourne autour de la danse. Quand tu t'amuses, quand tu sors, c'est parce que tu vas danser.

Gaelle:
Mais pas pour boire particulièrement.

Soledad:
Voilà. Tu bois, mais tu vas danser. Tu n'es pas là juste pour boire et et être malade au bout de 2 h. Donc l'arrivée n'a pas été très facile.

Gaelle:
C'est très intéressant comme... Donc oui, et peut-être que les gens pensent que tu es "rentrée" en hexagone. So you came back from where you belonged. Mais peut-être que ce n'était pas ton sentiment?

Soledad:
Pas du tout. Non, mon sentiment, c'est que je partais. C'est que je partais et c'est toujours mon sentiment d'ailleurs, quand je... Je ne vais pas en Martinique très souvent parce que c'est très loin et surtout en vivant au Liban. Mais quand j'y vais, je rentre chez moi.

Gaelle:
So you come home.

Soledad:
Quand je vais en France, je vais en France. Je rentre pas.

Gaelle:
Non, c'est ça! La Martinique, c'est ton pays, c'est ta maison, it's home. Where la France hexagonale, c'est la France. Ce n'est pas ... c'est un autre pays.

Soledad:
C'est ça.

Gaelle:
C'est très, très intéressant. Ok, we don't have that much time so I need to wrap up. Est ce que tu pourrais nous présenter un auteur martiniquais ou une autrice martiniquaise qui a écrit des livres vraiment, que tu voudrais nous conseiller?

Soledad:
Oui. Alors il y a un auteur que moi j'aime beaucoup parce que je le trouve facile à lire et qui écrit des romans. Donc ça peut correspondre si des gens veulent lire des romans.

Gaelle:
Ce roman, ça veut dire de novels.

Soledad:
Voilà. Il s'appelle Raphaël Confiant et il a écrit beaucoup de romans sur la société martiniquaise et en particulier sur la société des années 30, 40, 50. Et donc c'est assez intéressant pour si on veut avoir une approche sur ce qu'était la société martiniquaise. Il a aussi écrit certains livres sur certaines communautés. Il a écrit un livre qui s'appelle "La rue des Syriens", qui raconte l'arrivée des Moyen-Orientaux en Martinique. Il a écrit un autre livre qui s'appelle "Case à Chine" qui parle l'arrivée qui parle de l'arrivée des chinois.

Gaelle:
[english].

Soledad:
Donc c'est... Ces romans sont assez intéressants. Et après bien sûr, je pourrais parler très vite fait de Frantz Fanon ou d'Aimé Césaire.

Gaelle:
But maybe in a full episode about it.

Soledad:
Voilà. Donc, si jamais vous voulez lire ça, Frantz Fanon, c'est un peu difficile. Mais Aimé Césaire, il y a un livre qui est très facile, très court. C'est "le discours sur le colonialisme". C'est ...c'est assez accessible, je pense, et ça vaut la peine.

Gaelle:
On pourrait conclure en disant que la littérature martiniquaise est très, très riche en fait. Qu'il y a beaucoup, beaucoup d'auteurs de romans -novels- ou de livres non fictionnels qui sont très, très importants, notamment sur la réflexion, sur la pensée, sur le colonialisme, c'est vrai, sur le racisme. Donc je mettrais toutes ces références dans les notes pour les auditeurs. Merci beaucoup Soledad.

Soledad:
Merci à toi.

Gaelle:
C'était un vrai plaisir et je vous souhaite à tous une très bonne journée et je vous dis à la semaine prochaine. Salut.

Merci. Et à la prochaine.

Learning tips:

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Look out for these words, and learn them:

  • Grandir = to grow up
  • Une forte densité de population = a high population density
  • Saison sèche et saison des pluies = dry season and rainy season
  • Climat tropical = tropical climate
  • Des cyclones = hurricanes
  • Un journée ensoleillée = a sunny day
  • Une végétation dense = dense vegetation
  • Plage de sable = a sandy beach
  • Paysage de carte postale = postcard landscape
  • Le bruit = the noise
  • Les grenouilles = the frogs
  • Etre censé = to be supposed to
  • Dans les faits = in reality
  • La traite négrière = slave trade
  • Le commerce triangulaire = the triangular trade
  • Les esclaves = the slaves
  • Des citoyens de seconde zone = second-class citizens
  • L’eau potable = drinking water
  • Un déracinement = an uprooting
  • Etre métissée = being mixed race
  • Bronzée = tanned
  • Une crise identitaire = an identity crisis

Références littéraires :

  • Raphaël Confiant, « Rue des Syriens »
  • Raphaël Confiant, « Case à Chine »
  • Aimée Cesaire, « le discours sur le colonialisme »
  • Frantz Fanon


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