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Épisode 127, les français croient-ils en Dieu Salut à toutes et à tous et salut Ingrid

Salut Hugo, salut tout le monde

Comment ça va aujourd'hui

Ça va, on est vendredi, c'est bientôt le week-end, donc je suis contente.

Et t'as prévu d'aller à la messe ce dimanche

Non, bien sûr que non. Ça fait très très longtemps que je ne suis pas allée à l'église le dimanche, que je préfère dormir, Donc voilà. Et toi

Non, moi, je suis jamais allé à la messe, ni le dimanche, ni pour Noël. C'est quelque chose que je vois seulement dans les films, en particulier dans les films américains. Et quand j'étais petit, je me souviens que j'avais l'impression que tout le monde faisait ça aux États-Unis, mais qu'en France, ça n'existait pas. Et plus tard, j'ai découvert que si, il y a des Français qui vont à la messe le dimanche, mais il n'y en a pas beaucoup. Et surtout, il y en a de moins en moins.

J'ai lu dans un article qu'aujourd'hui il y a environ 3% des Français qui disent « aller à la messe » au moins une fois par mois. Donc ça fait pas beaucoup.

Oui Et tu pensais que ça servait à quoi Ces belles églises qu'on a partout dans le pays, évidemment qu'il y a des messes, mais c'est vrai qu'il n'y a pas souvent beaucoup de monde lors de ces événements. D'ailleurs, on n'a pas dit ce que c'était la messe, mais ça s'écrit M-E-S-S-E, et c'est la réunion dans l'Église catholique, pendant laquelle les fidèles se retrouvent, prient et pendant lequel le prêtre, donc le responsable de l'Église, en général lit un texte, explique quelque chose sur la religion, etc.

Exactement. Si on s'intéresse plus généralement à cette question de la croyance, je te propose de répondre directement à la question de cet épisode parce qu'il y a un sondage qui a été publié en 2021, il y a donc deux ans, dans lequel on voit qu'aujourd'hui une majorité de Français, 51%, disent ne pas croire en Dieu. Ça, ça a été un petit événement, ce sondage, parce que c'était la première fois qu'il y avait une majorité de Français qui étaient non-croyants. Jusqu'ici, notamment en 2011, il y a dix ans, il y avait encore 56% de Français qui étaient croyants. Là, on voit vraiment que la tendance s'est inversée.

Enfin, pas vraiment la tendance d'ailleurs, mais plutôt le rapport de force peut-être. Il y a plus de non-croyants en France aujourd'hui que de croyants.

Ouais, c'est une tendance qui est constante depuis très longtemps. Si on regarde les chiffres, avec les années, il y a de moins en moins de personnes qui croient en Dieu, de moins en moins de personnes qui se reconnaissent dans une religion et de moins en moins de personnes qui pratiquent une religion, donc qui vont à la messe, qui font des rituels, etc. Donc ça, c'est plutôt constant, Mais c'est la première fois, effectivement, que les non-croyants sont majoritaires.

Exactement. Mais d'un autre côté, depuis une dizaine d'années, certains observateurs, notamment des sociologues, disent qu'il y a un retour du religieux en France, notamment dans les débats politiques. Par exemple, c'est quelque chose qu'on a pu observer durant certains grands débats sur des questions de société, notamment le mariage pour tous, quand la France a voté une loi pour légaliser le mariage homosexuel en France, mais aussi sur quoi d'autre

Notamment sur la PMA, la procréation médicalement assistée. J'avais fait un épisode justement là-dessus. C'est un sujet sur lequel il y a beaucoup de personnes religieuses qui se sont exprimées. Donc, en général, sur les débats concernant la bioéthique, donc tout ce qui est débat moraux par rapport aux avancées scientifiques, on a souvent la religion qui prend une place importante avec des croyants et des représentants politiques qui représentent les croyants, qui veulent faire passer ou au contraire empêcher certaines lois au nombre de valeurs qui sont définies dans la religion. Et puis la religion vient souvent dans le débat quand il s'agit de parler de l'islam, comme il y a de plus en plus de musulmans en France, et puis qu'en parallèle, il y a eu des attentats faits par les islamistes.

Malheureusement, c'est un sujet qui souvent est utilisé pour mettre des tensions ou pour mettre en opposition différentes catégories de Français suivant leur religion. Donc, ça donne une impression. Et alors, Hugo, tu as parlé d'observation des sociologues, mais je ne sais pas ce que t'en penses personnellement. Moi, j'ai l'impression de voir, de constater personnellement que dans les médias, on parle souvent quand même, ça revient souvent à la question de la religion, de la France qui est soi-disant chrétienne, etc. Etc.

Donc, c'est assez étonnant, finalement, de voir que la grande majorité des Français ne croient même pas en Dieu. On va parler de ça, justement, aujourd'hui.

Ouais, exactement. Donc, vous voyez que ça touche à plein de questions passionnantes. On va pas pouvoir tout développer en détail, mais en tout cas on va essayer de vous donner un panorama de la situation pour que vous compreniez mieux la place des religions en France et comment elle s'exprime dans la vie quotidienne des Français aujourd'hui

Alors pour commencer, on peut peut-être résumer un petit peu quelle est la place de la religion en France, en politique et dans la société en général. Donc la France, c'est un pays d'Europe et comme la plupart des pays d'Europe, c'est un pays qui a une histoire chrétienne. C'est un pays dans lequel la religion catholique a eu une importance très importante et était la religion officielle pendant très longtemps. Notamment à l'époque de la monarchie, le roi était le représentant de l'Église dans le pays et on croyait qu'il avait été envoyé, choisi par Dieu.

Exactement. Et on disait aussi que la France, ou en tout cas, c'était comme ça que la France était surnommée, on l'appelait la fille aînée de l'Église. La fille la plus âgée de l'Église. Ça montre un peu l'importance de la France dans le paysage chrétien européen.

Et oui, et d'ailleurs, on disait « la fille aînée » aussi parce que c'était un pays qui avait quand même une certaine indépendance religieuse par rapport au Vatican, par rapport au pape. Donc, c'était un peu l'idée que d'un côté, on avait les parents de l'Église catholique qui était donc en Italie Et on avait la fille aînée, la rebelle, celle qui faisait ses propres choix en France. Et ça, ça fait aussi partie de l'histoire de la France, une espèce d'indépendance par rapport à la religion catholique à l'échelle mondiale.

Ça, c'est les Français. On est toujours obligés de tout faire à notre sauce et de tout décider et d'être dans le conflit et l'opposition. D'ailleurs, il me semble que c'était à la fin du 15e siècle on a choisi nos propres papes. Donc, il y avait les papes au Vatican et les papes en France, à Avignon. C'est d'ailleurs pour ça qu'Avignon est surnommée la cité des papes.

En France, on voulait choisir nos propres papes parce qu'on ne voulait pas être sous l'autorité du Vatican.

Donc voilà, déjà, ça partait mal pour être respectueux de la tradition catholique et continuer dans cette tradition pendant longtemps. Ce qui fait qu'il y a eu, on peut citer, on ne va pas vous résumer toute l'histoire des religions en France parce que déjà, on n'est pas compétent et ce ne serait pas hyper intéressant, je pense. Mais on peut citer deux événements qui ont marqué l'histoire de la non-religion en France, qui ont fait que la France est devenue un peu moins catholique, et en tout cas la religion catholique est devenue moins officielle. Alors le premier événement, c'est évidemment la Révolution. La Révolution française a été un moment anti-monarchique, on a décidé d'éliminer le roi et de se débarrasser, de faire partir la noblesse.

Et en même temps, Ça a été un moment extrêmement anticlérical, donc contre le clergé, contre les prêtres, contre l'institution religieuse. Et donc, avec l'arrivée de la République, il y a eu une envie d'avoir des institutions qui n'aient rien à voir avec l'Église catholique, en changeant notamment le calendrier, même s'il a été rétabli depuis, et en arrêtant d'enseigner la religion à l'école, etc., etc.

Exactement. Et les révolutionnaires ont aussi pillé les églises françaises pour récupérer tous les biens dans les églises et parfois les vendre pour pouvoir continuer de financer aussi la Révolution. Donc voilà, ça c'était le premier moment important de cette séparation des Français avec la religion catholique. Et le deuxième c'est 1905, avec cette célèbre loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État. Avec cette loi, officiellement, l'État français n'était affilié à aucune religion et il a affirmé son indépendance vis-à-vis de l'Église catholique.

Parce qu'évidemment, à cette époque, la principale religion, et de loin en France, c'était cette religion catholique. Et ensuite, tout au long du XXe siècle, il y a eu une espèce de combat en France pour affirmer cette indépendance vis-à-vis des catholiques et, un peu plus tard, vis-à-vis des musulmans qui sont arrivés après la Seconde Guerre mondiale avec ces mouvements d'immigration. Ça a remis un peu sur le devant de la scène cette question de la laïcité, de la séparation de l'Église et de l'État. D'ailleurs, on va faire un épisode sur la laïcité, je pense

Ouais, en fait, à l'origine, on voulait faire un épisode sur la laïcité parce que c'est vraiment un sujet hyper important dans les débats publics. Mais on s'est dit qu'avant de vous parler de ça en profondeur, il fallait d'abord qu'on fasse un panorama un peu plus simple de des religions qui sont présentes en France et du lien qu'ont les Français avec leur religion. Donc voilà, ça, on le garde pour plus tard. Mais en attendant, peut-être qu'on peut passer à un panorama un peu simple avec quelques statistiques sur les différentes religions, les croyants, les non-croyants, etc.

Alors, On va se baser sur une étude de 2019 il y aura le lien dans la description si vous voulez la retrouver qui fait une synthèse des différentes religions en France des croyants et des non-croyants. Alors si on schématise un peu on a un tiers de personnes croyantes, un tiers de personnes non croyantes ou athées. A-T-H-E-E Tu peux expliquer ce que c'est une personne athée

Un athée, c'est une personne qui ne croit pas en Dieu et qui pense que toutes les religions se valent dans le sens aucune religion n'a la vérité. Voilà, qui ne croit en rien. Ou en tout cas, qui ne croient en rien de religieux ou en lien avec Dieu.

Exactement. Et on peut dire même que c'est des personnes qui sont convaincues que Dieu n'existe pas.

Ouais. En gros, ouais, c'est ça. Je pense que c'est l'idée d'un Dieu, comme il est présenté dans les religions, ça leur paraît être une invention totale.

Donc un tiers de croyants, un tiers de non-croyants ou d'athées et le reste, on a 15% d'agnostiques. Les agnostiques, aussi tu peux définir

Les agnostiques, c'est des personnes qui pensent qu'on ne peut pas savoir, que donc peut-être qu'une religion a raison, peut-être qu'il y a un dieu, mais jamais on pourra le savoir, donc ils se reconnaissent dans aucune religion en particulier tout en ne leur donnant pas tort.

Et le reste, c'est des personnes indifférentes ou des personnes qui n'ont pas voulu répondre à la question. Je reprends un tiers de croyants, un tiers de non-croyants ou athées et le dernier tiers, c'est soit des personnes agnostiques, soit des personnes indifférentes. Voilà, des personnes qui n'ont pas vraiment de position claire ou figée ou publique sur cette question. Et ce qui est assez marquant aussi, c'est que la France est le quatrième pays qui compte le plus d'athées dans le monde, derrière la Chine, le Japon et la République tchèque. Donc les Français sont vraiment, ou en tout cas une partie importante des Français est vraiment convaincue que Dieu n'existe pas.

Et si on fait un focus un peu plus important sur la religion principale, qui est donc la religion catholique, Il y en a beaucoup moins qu'avant. Depuis les années 80, la part des catholiques a été divisée par deux. Et aujourd'hui, seulement 15% des 18-29 ans, donc des adultes les plus jeunes, se déclarent catholiques. C'est presque autant que les jeunes qui se déclarent musulmans. Ils sont 13% à se déclarer musulmans.

Donc voilà, ça montre qu'il y a eu vraiment des gros changements ces dernières années. On est passé d'une France plutôt de tradition catholique, avec la plupart des Français qui se reconnaissaient comme catholiques, à une France beaucoup ne croient en rien et que parmi ceux qui croient, finalement on a chez les jeunes autant de catholiques que de musulmans.

Donc globalement, il y a une baisse de la croyance religieuse en France et une forte baisse du nombre de catholiques. Et en parallèle, il y a plutôt une augmentation de la part des autres religions, notamment parmi les personnes croyantes. Alors, dans le sondage, il y avait une question. On demandait aux personnes si elles pensent avoir un lien avec certaines religions. Donc, pour moi, c'est pas très clair cette formulation.

Ça veut pas forcément dire que les personnes sont croyantes mais que... Ça peut impliquer, je sais pas, les traditions par exemple mais qu'en tout cas, on demande aux personnes si elles se sentent liées si elles ont une affinité peut-être avec une religion. Et à cette question quasiment la moitié des Français considèrent qu'ils ont un lien avec la religion catholique. 4% avec l'islam, 2% avec le bouddhisme, 1% pour les religions juives et chrétiennes orthodoxes, Et c'était 3% pour les protestants, il me semble. Donc là, on voit qu'il y a encore une claire domination de la religion catholique parmi les Français.

Pas nécessairement pour la croyance et encore moins pour les pratiques religieuses, mais en tout cas, au niveau culturel, au niveau des traditions et de l'héritage, on pourrait dire. Et parmi le reste, donc on a un tiers des personnes qui se sentent associées à aucune religion et 7% qui ne souhaitent pas répondre.

Et ouais, du coup, on peut dire que la religion catholique reste majoritaire évidemment dans la tradition mais tous ceux qui ont un lien donc avec la religion catholique ne sont pas forcément croyants et tous les croyants n'ont pas forcément un lien avec une religion en particulier. Mais en tout cas, ce qui est plutôt marqué, c'est que ces dernières années, il y a certes moins de croyants en général, mais une proportion de plus en plus grande, même si elle reste faible, de croyants qui sont soit musulmans, soit protestants. C'est deux religions qui sont assez fortes dans le sens elles ont de plus en plus de fidèles et des personnes, surtout, je pense, qui sont vraiment attachées à cette religion, qui non seulement... Qui ne vont pas l'être seulement par tradition, comme c'est le cas de beaucoup de catholiques, mais qui vont vraiment pratiquer et surtout, chez les plus jeunes, ce qui est assez marqué, ils vont vraiment croire en Dieu et en parler, etc., etc.

Ouais, on va revenir là-dessus un peu plus tard. Je sais pas si j'ai mentionné les juifs précédemment, mais on a 1 à 2 % de la population française qui se déclarent juives. Et ça, c'est une part qui est assez stable depuis un siècle en France. C'est une part qui n'a pas vraiment changé. Maintenant, on va s'intéresser peut-être à la question des pratiques religieuses.

Alors souvent, on dit que la France a des racines chrétiennes. C'est quelque chose que les parties de droite notamment aiment beaucoup rappeler. Et c'est vrai que, de manière objective, la religion chrétienne est encore quand même assez présente en France. Notamment quand on regarde les jours fériés. Il y a 11 jours fériés en France, 11 jours pendant lesquels on ne travaille pas.

Et sur ces 11 jours fériés, 6 sont des fêtes d'origine chrétienne. On a le lundi de Pâques, en avril, l'Ascension, qui est 40 jours après Pâques, le lundi de Pentecôte, l'Assomption, la Toussaint et Noël le 25 décembre. Donc rien que ça, ça montre l'influence encore de la religion chrétienne en France. Mais ce qui est drôle d'un autre côté, c'est que bien souvent, on n'a pas vraiment connaissance de la signification religieuse de ces jours fériés. Moi, je sais...

Bon, j'ai une vague idée, mais je sais pas précisément à quoi correspond l'Ascension, le lundi de Pentecôte, etc. Et j'ai lu que c'était le cas pour 90 % des jeunes, il me semble. Donc, dans le calendrier, on voit ces jours fériés qui sont des fêtes d'origine chrétienne, mais on n'a pas vraiment conscience de leur signification.

Oui, c'est vrai que maintenant, c'est devenu des jours juste de fêtes, des jours fériés. Et de manière générale, de toute façon, tout ce qui est pratique religieuse, donc les fêtes, les rituels, etc., C'est pas très présent. Il n'y a que 15 % des Français qui déclarent avoir une pratique très importante. Donc, j'imagine que c'est les personnes qui vont justement aller à la messe pour Pâques, qui vont fêter l'Aïd pour les musulmans, qui vont prier, voilà, des choses comme ça. Il y en a 30%, donc un tiers qui disent qu'ils ont une pratique peu importante.

Alors là, j'imagine que c'est ceux qui vont prier à Noël ou peut-être qui vont se confesser une fois par an, quelque chose comme ça. Et après, on a presque la moitié qui a une pratique inexistante. Alors, pareil, les chiffres, c'est un peu, voilà, ça se croise. On a quand même moins de personnes qui ont une pratique inexistante que de personnes qui ne croient pas en Dieu, parce que j'imagine qu'il y a énormément de personnes qui sentent qu'ils ont un lien avec le catholicisme, qui font certains rituels et pourtant, qui ne croient pas en Dieu. Donc, on a...

Voilà, c'est assez complexe comme sujet. Et en même temps, je trouve que c'est vraiment intéressant de voir comme ces chiffres se croisent. Effectivement. Mais en tout cas, les pratiques religieuses ne sont plus très importantes. Pareil, si on regarde les baptêmes, les enfants ne sont plus du tout aussi baptisés qu'avant.

Pareil pour les mariages, on n'en a plus que la moitié qui sont religieux. On n'est pas un pays la religion prend une place importante dans la vie quotidienne.

Parmi les baptêmes, c'est assez marquant parce que dans les années 70, il y a 50 ans, trois quarts des petits Français étaient baptisés Et en 2018, ils étaient seulement un quart. Moi, par exemple, je ne suis pas baptisé et mes frères ne sont pas baptisés non plus. Et c'est quelque chose que j'ai découvert assez tard, cette question religieuse. On n'en parlait pas du tout dans ma famille, mais à l'école primaire, j'avais quelques amis qui faisaient leur catéchisme. Faire son catéchisme, c'est recevoir une éducation religieuse à l'école.

Et quand j'ai appris qu'ils faisaient leur communion et que pendant leur communion, ils recevaient plein de cadeaux, j'ai commencé à me demander pourquoi moi j'étais pas baptisé et je faisais pas ma communion. Mais après, il me disait que le catéchisme c'était assez ennuyeux, que c'était comme l'école mais encore moins intéressant. Donc bon, je me suis dit que ça valait peut-être pas la peine de me convertir.

Moi, figure-toi que je n'ai pas été baptisée quand j'étais bébé parce que mes parents n'étaient pas catholiques. Je crois que mes deux parents ont été baptisés bébés et ont été, ont faire leur catéchisme, etc. Mais ensuite, un petit peu avant notre naissance, avec mes sœurs, ils se sont convertis au protestantisme. Donc, c'est assez curieux. Je ne suis pas du tout représentative des Français, parce qu'on l'a dit, il n'y a que 3% de protestants en France.

Mais donc, j'ai été élevée dans la religion protestante. Moi, J'allais à l'église pratiquement tous les dimanches. Parfois, j'y allais même d'autres jours de la semaine, quand il y avait des événements, des réunions, etc. Et donc, je me suis fait baptiser à l'âge de 16 ans, Parce que chez les protestants, le baptême, c'est pas pour les bébés. C'est une question personnelle.

On peut le faire quand on commence à être adulte et puis on doit faire des cours de préparation pour montrer qu'on a bien compris la Bible, etc. Etc. Donc, là, je regarde tout ce qu'on dit. C'est assez intéressant pour moi parce que mon parcours avec la religion est vraiment minoritaire en France, pas du tout représentatif des Français.

Et comment ça a évolué ton rapport avec la religion protestante

Là, maintenant, je suis athée, donc comme on l'a défini. Je ne crois pas du tout en Dieu ni en aucune religion et je n'ai pas du tout de doute là-dessus, dans le sens ça a été pour moi une conversion. Tout comme on se convertit à une religion, je me suis convertie à l'athéisme quand j'avais, je pense que j'avais 18 ou 19 ans, peut-être 20, max 20. Et je me rappelle très bien, ça a été quelques mois de recherche sur les autres religions. J'ai lu des bouquins de sociologie de la religion.

Ça s'est croisé aussi avec ma conversion au féminisme, si on peut dire comme ça. Mais donc, il y a plusieurs choses. Pareil, j'ai eu des changements de politique, etc. Et à un moment, je me rappelle très bien, j'étais à l'université, au rayon religion de la bibliothèque et j'ai fait une petite prière, même si je croyais plus en Dieu. C'était une manière un peu symbolique de marquer le fait que c'était fini et que je ne croyais plus en la cohérence de cette religion dans laquelle j'avais grandi.

Et bon, c'est vrai que moi, j'ai toujours tendance à être un peu, on va dire, extrême. C'est soit j'y crois et j'y crois à fond et je crois en tout. Donc, quand j'étais religieuse, je l'étais vraiment. Je donnais même des cours pour expliquer la Bible aux enfants. Je lisais la Bible, mais en faisant des comparaisons, même avec les versions originales, j'allais chercher les traductions en hébreu, en araméen, etc.

Et quand j'ai commencé à douter du fait que tout le système n'avait pas l'air, n'avait plutôt l'air d'être inventé par des hommes. En fait, j'ai complètement, à un moment donné, décidé avec raison de ne plus croire et de ne plus aller à l'Église, etc. Et après, j'ai arrêté. Mais je reste respectueuse et très compréhensible du sentiment religieux. Je sais ce que c'est.

Je comprends ce que c'est qu'avoir la foi, qui est quelque chose qui est presque de l'ordre sentimental et vraiment profond. Donc voilà. Mais j'ai une position assez particulière en France par rapport à la religion.

Tu peux expliquer pour toi la différence entre la croyance et la foi

La croyance, je pense que c'est quelque chose qui est de l'ordre d'une... Pas vraiment d'une rationalité, mais ça se passe quand même au niveau de l'intelligence, de la raison. On peut croire en la science, par exemple, on peut croire en un programme politique, etc. Alors que la foi, c'est un ordre presque sentimental. Ça se passe dans le cœur et c'est quelque chose qui est de l'ordre d'un sentiment et qui provoque des émotions, etc.

Et c'est quelque chose pour lequel j'ai beaucoup de respect, dans le sens je suis anticléricale parce que Je ne supporte pas les systèmes dans lesquels il y a une, deux ou quelques personnes qui donnent des ordres sur ce que les gens devraient faire ou pas. Mais par contre, je suis aussi contre les critiques très vives de la religion devant les personnes qui y croient, parce que je sais que c'est quelque chose qui entre vraiment dans la composition profonde de la personne.

Oui, c'est toujours une question de respect et de tolérance, finalement.

Mais pareil, dans les deux côtés, je trouve qu'il y a de l'impolérance. Du côté des athées qui ne savent pas du tout ce que c'est que de croire en quelque chose de façon profonde comme ça. Et du côté des religieux qui prennent la religion plus comme un système de valeurs pour dicter des lois plutôt que comme un sentiment personnel.

Oui, d'ailleurs, moi, je dois confesser que pendant assez longtemps, j'ai été un athée assez radical et pas très tolérant. J'en ai un peu honte maintenant. Mais comme je l'ai dit, dans ma famille, globalement, on est plutôt athées. Et un de mes grands-pères était aussi anticlérical. Il détestait les prêtres.

Je me souviens que quand Ma tante s'est mariée à l'église parce qu'elle a voulu se marier à l'église. Mon grand-père a refusé de rentrer. Il n'a pas assisté à la cérémonie. Il avait vraiment cette posture qu'il tenait jusqu'au bout. Moi, j'étais pas aussi radical que lui.

J'ai assisté au mariage de ma tante à l'église, mais j'avais pas une opinion très favorable des personnes religieuses. Aussi, je pense, parce que j'en avais pas beaucoup autour de moi, donc je comprenais pas vraiment ce que c'était que d'avoir la foi, d'avoir, comme tu l'as expliqué, cette croyance intime, cette croyance profonde. Donc voilà, j'avais une image assez négative jusqu'à ce que je commence à méditer il y a quelques années. Pour moi, la méditation, c'est pas forcément... Au départ, en tout cas, c'était pas quelque chose de spirituel, mais petit à petit, j'ai commencé à me poser quelques questions métaphysiques.

Et j'ai compris qu'on pouvait se poser ce genre de questions et que la religion y a apporté certaines réponses. Des réponses qui peuvent donner un sens à la vie, un sens supérieur à simplement notre existence matérielle sur cette planète. Donc aujourd'hui je dirais que j'ai mis de l'eau dans mon vin. Mettre de l'eau dans son vin, ça veut dire adoucir son discours, être moins radical. J'ai mis de l'eau dans mon vin, je suis plus tolérant.

Et je trouve aussi que c'est assez intéressant de parler avec des personnes qui ont adopté une religion parce que souvent il y a une réflexion profonde derrière et voilà c'est toujours intéressant d'avoir des points de vue différents parce qu'on est tous face à ces questions métaphysiques. On se demande pourquoi on est sur Terre et chacun essaye d'y apporter la réponse qu'il trouve la plus pertinente.

Il y a quelque chose que j'ai vu dans l'étude de l'IFOP qu'on citait au début sur les Français qui ne croient pas en Dieu. Il citait aussi des chiffres sur les conversations par rapport à la religion. Et il y a quelque chose qui est assez marqué, c'est qu'en France, la religion, c'est quelque chose qui est un peu tabou, dans le sens on n'en parle pas beaucoup entre amis, on n'en parle vraiment presque pas du tout au travail. Les personnes qui sont religieuses en parlent beaucoup plus, mais entre elles, en famille par exemple, etc. Et c'est quelque chose que moi, j'ai noté parce que, par exemple, là, ce que je te dis sur mon passé religieux, moi, je trouve ça très intéressant.

Ça ne me dérange pas du tout d'en parler, mais en général, presque tous mes amis, je dirais même 100% de mes amis, sont athées. Alors après, ça c'est... Voilà, on se réunit avec des personnes qui ont les mêmes opinions politiques, etc. Et beaucoup, en fait, se rappellent que j'ai ce passé, entre guillemets, ou que j'ai cette connaissance approfondie de la religion, mais assez tard. Parce que, comme ce n'est pas beaucoup dans les conversations, Les gens ne le savent pas forcément.

Et voilà, je trouve qu'il y a beaucoup de conversations de plus en plus autour de la spiritualité, autour de la quête de sens, comme tu dis, etc. Mais le religieux est quand même tabou en France et beaucoup plus que dans d'autres pays. Je sais que, par exemple, aux États-Unis, au Brésil, c'est la religion, un sujet de la vie, de tous les jours dont on parle, comme si c'était n'importe quoi d'autre, quoi, le travail ou les enfants. Les gens se demandent quelle est leur religion. Mais c'est des pays presque tout le monde a une religion, justement.

En France, soit on part du principe que les autres n'ont pas de religion, sont athées, soit on part du principe qu'ils ont une religion et que c'est leur vie privée, que ça ne nous regarde pas et on ne veut pas qu'ils nous en parlent.

Exactement, ouais. On ne veut pas le savoir. Et c'est vraiment lié à cette question de la laïcité, à l'origine, c'est cette séparation de l'Église et de l'État. Mais en tant que religieux ou que personne croyante, on peut avoir l'impression que, comme tu dis, c'est quelque chose qui appartient à la sphère privée. Ça doit rester chez nous.

On ne doit pas en parler à l'extérieur. On ne doit pas en parler au travail. Et c'est vrai que jusqu'à ce qu'on prépare cet épisode, moi, j'étais pas du tout au courant. On n'avait jamais parlé de ça, de ton passé, de ton histoire avec le protestantisme. Et pour moi, ça a vraiment été une découverte.

Je ne m'y attendais pas du tout par rapport aux discours que tu as en général. Donc cet épisode nous a vraiment permis de mieux faire connaissance et d'en savoir un peu plus l'un sur l'autre. Donc c'est chouette. Peut-être qu'on va s'arrêter ici. Je pense qu'on a déjà fait facilement une demi-heure et vous avez peut-être entendu qu'une de mes chats commence à avoir faim.

Je ne sais pas si vous l'avez entendu miauler.

J'ai entendu moi le miaulement. Et puis c'est le week-end, on ne va pas à la messe, mais c'est l'heure de partir pour se reposer.

Exactement, exactement.

Bon ben on espère que cet épisode vous a plu, que maintenant vous comprenez mieux quelle est la place de la religion en France. La prochaine fois, ou peut-être dans quelques semaines, on ne sait pas, mais on vous en dira plus bientôt sur la laïcité, qui est un sujet quand même très important du débat public en France.

Merci à toutes et à tous. Merci pour votre attention. N'hésitez pas à laisser un commentaire pour nous dire ce que vous avez pensé de l'épisode. Et à bientôt

À bientôt Salut

Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

Podcast: InnerFrench
Episode: E127 Les Français croient-ils en Dieu ?