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Épisode quatre-vingt-huit, pourquoi les français sont-ils antivaccins Salut à toutes et à tous, je suis très content de vous retrouver pour ce premier épisode de deux-mille-vingt-et-un peut-être que vous entendez que le son est un peu différent parce que j'ai acheté un nouveau micro donc si je me suis pas trompé dans les réglages la qualité audio devrait être meilleure qu'avant. D'autant plus que maintenant, il y a un ingénieur du son qui va s'occuper de monter, d'éditer les épisodes. Cet ingénieur du son, c'est Chris, un Américain qui est aussi un fidèle auditeur du podcast. Donc j'en profite pour le saluer vu que c'est lui qui va monter cet épisode. Bienvenue dans l'équipe Chris.

Maintenant pour bien commencer l'année, on va essayer d'être optimiste. Espérons que deux-mille-vingt-et-un sera moins chaotique que deux-mille-vingt. Voilà, on n'en demande pas trop, on n'est pas trop exigeant. Et si possible bien sûr espérons qu'on viendra à bout de cette pandémie. À vrai dire, on a quelques raisons d'être optimiste, notamment les vaccins qui ont commencé à arriver un peu partout.

D'ailleurs le mot vaccin est sur toutes les lèvres depuis quelques semaines, tout le monde ne parle que de ça, mais en France, mes compatriotes n'ont pas hâte de se faire vacciner contre le covid. En fait, ils sont plutôt sceptiques. Oui, on est comme ça, nous les Français, on n'aime pas se réjouir trop vite, on a besoin d'être convaincu. Selon les sondages, grosso modo, un Français sur deux ne veut pas du vaccin contre le Covid. Alors ça fait beaucoup.

Si la moitié des Français refusent de se faire vacciner, on va avoir du mal à atteindre l'immunité collective. Mais en même temps leurs arguments pour justifier ce refus semblent assez raisonnables. Ils disent qu'ils ont peur des effets secondaires de ces vaccins, que les laboratoires n'ont pas assez de recul pour bien en mesurer les risques qu'ils ont des doutes sur leur efficacité. Le problème, c'est que leur scepticisme ne concerne pas uniquement ce vaccin. En deux-mille-dix-huit, l'ONG britannique Welcom a mené une grande étude pour comparer l'attitude des citoyens de cent-quarante-quatre pays sur les questions de santé publique.

Une des questions de ce sondage c'était pensez-vous que les vaccins sont sûrs Autrement dit que les vaccins ne sont pas dangereux. Et vous savez qui a le plus souvent répondu non à cette question Les Français bien sûr. Un tiers autrement dit trente-trois pour cent des Français pensent que les vaccins ne sont pas sûrs. Pour comparer, la moyenne mondiale pour cette question, c'était sept pour cent, donc cinq fois moins que les Français. Alors ça peut sembler paradoxal parce que la France est le pays de Louis Pasteur, l'homme qui a inventé le vaccin contre la rage et popularisé la technique de vaccination.

La France, c'est aussi l'un des pays il y a le plus de vaccins obligatoires pour les enfants. Depuis deux-mille-dix-huit, il y a onze vaccins obligatoires en France, alors qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni, d'après mes recherches, il n'y en a aucun. Il y a seulement des recommandations, mais les parents sont libres de choisir. Donc voilà, c'est plutôt bizarre non Pourquoi les Français ont-ils cette défiance, cette désapprobation vis-à-vis des vaccins Est-ce qu'ils ne font plus confiance à la science En fait, vous allez voir que c'est un phénomène assez récent qui s'est développé ces dix dernières années. Avant ça et pendant longtemps, les Français étaient très favorables à la vaccination.

Alors pour tout vous dire en choisissant ce sujet, je pensais que ça ne me prendrait pas trop de temps. Je me disais que c'était un bon thème pour commencer tranquillement l'année, mais je me suis vite rendu compte que la vaccination, c'est une question beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. C'est un sujet très sensible qui suscite beaucoup d'émotions parce qu'il touche à notre corps ou à celui de nos enfants. C'est à la fois un choix personnel et une question de santé publique. Bref, c'est difficile d'en parler calmement.

Donc on va essayer de comprendre les arguments des deux camps sans tomber dans la caricature. Si la moitié des Français ont peur du vaccin J'imagine que dans votre pays aussi, il y a des personnes qui ne sont pas favorables à la vaccination. Peut-être que vous-même, vous avez des doutes. Donc j'espère que cet épisode vous permettra d'en apprendre davantage. Avant de commencer, je vous rappelle que la transcription de l'épisode est disponible sur InnerFrench point com et vous trouverez aussi les sources des articles et des études que je cite sur la page de l'épisode.

Allez, c'est parti. Je vais pas vous détailler toute l'histoire de la vaccination, mais je peux au moins vous dire que depuis son invention, elle a toujours eu des détracteurs. Et quand on sait comment ça fonctionne, ce n'est pas étonnant que les gens en aient eu peur, surtout au début avec les premières expérimentations. C'est vrai, la vaccination, ça consiste à injecter un virus pour en être protégé ensuite. Enfin, pour être plus clair, on injecte soit un virus affaibli, soit déjà mort pour que le corps apprenne à reconnaître le danger et à créer des anticorps, autrement dit des protéines immunitaires pour pouvoir mieux résister aux vrais virus plus tard.

On peut se demander comment quelqu'un a eu une telle idée. En Occident, on considère que l'inventeur du vaccin, c'est un médecin anglais Edward Jenner. Pendant plusieurs siècles en Europe, il y avait une maladie qui faisait des ravages, la variole qu'on appelait aussi parfois la petite vérole. C'était une maladie très contagieuse et souvent mortelle qui frappait surtout les jeunes enfants. Elle était facile à identifier parce que les malades avaient des pustules, des gros boutons qui apparaissaient partout sur le corps.

À la fin du dix-huitième siècle, Edward Jenner était docteur dans la campagne anglaise et il a remarqué que certaines personnes semblaient immunisées contre la variole. Ces personnes avaient un point commun elles avaient toutes été contaminées par une autre maladie, la vaccine. La vaccine, c'était une forme de variole qui affectait principalement les vaches, mais qui était bénigne pour les êtres humains. Autrement dit, une maladie sans gravité, sans danger pour nous. Et pour votre culture générale, sachez que le nom de cette maladie vaccine, il vient du mot latin vaca qui veut dire vache.

Bref, quand Edward Jenner a découvert ça, il a eu l'idée de prélever, de prendre du pus d'une personne qui était malade de la vaccine et de l'inoculer à un enfant. Après ça, il a essayé de contaminer cet enfant avec la variole mais il était immunisé. C'est comme ça qu'Edward Jenner est devenu le premier médecin en Europe à expérimenter scientifiquement la vaccination. Grâce à sa découverte, les Anglais ont pu protéger leurs enfants de la variole. Mais en France, bien sûr, il est hors de question qu'on célèbre un anglais alors on a choisi un autre héros pour la vaccination Louis Pasteur.

Environ un siècle après la découverte de Jenner, Pasteur s'est inspiré de ses recherches pour approfondir la méthode de vaccination avec d'autres maladies. Il est principalement connu pour avoir inventé le vaccin contre la rage, une maladie qui était assez commune chez certains animaux sauvages et mortelle pour l'homme. Néanmoins, pour Pasteur comme pour Jenner, il a fallu du temps avant de réussir à convaincre leurs collègues de l'efficacité de leurs méthodes. Par exemple, même si Pasteur était déjà un scientifique très respecté quand il a découvert le vaccin contre la rage, Il a été très critiqué par certains médecins, notamment parce que lui, il avait une formation de chimiste, pas de médecin. Donc certains médecins ne croyaient pas aux résultats de ces recherches.

Ils disaient que Pasteur avait juste de la chance et que la vaccination était une chose dangereuse qu'il fallait interdire. Les institutions catholiques étaient assez réticentes à cette idée, elles aussi, mais pour d'autres raisons. Ce qui les dérangeait, c'était le principe même de la vaccination, injecter le mal pour faire le bien. Pourtant Pasteur était lui-même catholique, mais au dix-neuvième siècle, les institutions catholiques n'étaient pas toujours convaincues des bienfaits, des bénéfices de la science. Comme vous pouvez l'imaginer, l'opinion publique était assez dubitative elle aussi.

Quand les médecins ont dit à leurs patients qu'ils devaient leur injecter une petite dose d'un virus pour les protéger, la réaction n'était pas toujours enthousiaste et franchement je les comprends. Même moi, je me rappelle que mes visites chez le médecin pour mes vaccins quand j'étais petit, c'était pas une partie de plaisir. Ma mère m'expliquait que c'était pour ne pas tomber malade plus tard, mais moi, je pensais seulement à la douleur de la piqûre. Alors entre avoir mal tout de suite ou tomber malade plus tard, j'aurais choisi la seconde option si j'avais eu le choix. Mais heureusement, je n'avais pas le choix, c'était ma mère qui décidait pour moi donc j'ai bien reçu tous les vaccins obligatoires et j'ai jamais attrapé ces maladies.

Finalement, c'était ça le meilleur argument pour convaincre les sceptiques, l'efficacité des vaccins. C'est grâce aux vaccins que des maladies comme la variole, la diphtérie, la polio ou la tuberculose ont complètement ou quasiment disparu, en tout cas dans les pays riches. Et pour accélérer leur diffusion, il y a des pays qui ont même décidé de les imposer à leurs citoyens. Par exemple, en mille-neuf-cent-deux, la France a rendu le vaccin contre la variole obligatoire. Mais justement, aujourd'hui, un siècle plus tard, dans certains pays riches, les doutes concernant la vaccination reviennent.

L'étude de l'ONG britannique Welcome que j'ai déjà citée montre que ce sont les habitants des pays riches qui font le moins confiance aux vaccins, particulièrement en Europe. Comme il n'y a pas eu de grande épidémie depuis longtemps, du moins jusqu'à l'arrivée du Covid l'année dernière, les habitants ne voient pas l'intérêt de se faire vacciner. C'est un phénomène que les chercheurs appellent l'effet de laisser aller. En français, l'expression laisser aller, elle est plutôt négative, elle désigne une forme de négligence. Par exemple, si quelqu'un néglige son apparence physique, ses vêtements, on dit qu'il se laisse aller.

En ce moment, comme on est obligé de rester à la maison, on a tendance à se laisser aller. On reste en pyjama toute la journée, on prend pas de douche tous les jours, mais on utilise aussi cette expression pour dire que quelqu'un ne fait pas d'efforts au travail. Vous savez, si vous avez un collègue qui va bientôt quitter l'entreprise parce qu'il a trouvé un autre poste, les derniers jours, il travaille plus beaucoup. Il vient au bureau, mais il ne fait pas grand-chose. Donc à ce moment-là, son chef peut dire, il y a du laisser-aller.

Bref, dans les pays riches, les gens n'ont plus peur des épidémies donc ils ne se font pas toujours vacciner, ils négligent leurs obligations. C'est pour ça que les chercheurs utilisent le terme d'effet de laisser aller. Au contraire dans les pays pauvres ces maladies contagieuses sont encore très présentes, le niveau de confiance vis-à-vis de la vaccination est beaucoup plus élevé. Par exemple, l'étude de Welcom montre que la quasi-totalité des habitants du Bangladesh et du Rwanda ont confiance dans la sûreté et l'efficacité des vaccins. Souvenez-vous que trente-trois pour cent des Français pensent le contraire.

Cette tendance dans les pays riches est aussi due à l'apparition de groupes antivaccins qui se sont rapidement développés grâce à internet, mais ça, on va en reparler un peu plus tard. D'ailleurs, cette défiance explique en partie pourquoi certaines maladies qui avaient disparu sont en train de réapparaître comme la rougeole par exemple. La rougeole, c'est aussi une maladie qui touche les enfants et qui fait apparaître des taches rouges sur la peau. Ça ressemble un peu à la variole, mais c'est beaucoup moins dangereux. Grâce au vaccin, la rougeole avait quasiment disparu.

Mais depuis quelques années, le nombre de cas augmente dans certains pays. Par exemple en France, il y a eu une épidémie de rougeole entre deux-mille-huit et deux-mille-douze. Elle a fait seulement quatorze morts parce qu'on dispose de traitements efficaces. Mais si tous les enfants avaient été vaccinés correctement, ces décès auraient pu être évités. Même si on entend des critiques contre les vaccins dans les pays riches, elles restent assez marginales sauf en France.

Comme je vous l'ai dit en introduction, mes compatriotes ont pas mal de doutes concernant le vaccin, mais en fait c'est une tendance récente qui est apparue il y a une dizaine d'années. Donc maintenant on va essayer de comprendre ce qui s'est passé. Jusqu'au début des années deux mille, la France faisait partie des bons élèves en matière de vaccination. Il y avait seulement entre huit et dix pour cent de la population qui exprimait des réticences. Rappelez-vous qu'aujourd'hui ce taux a triplé, il est passé à trente-trois pour cent.

En fait, au vingtième siècle, il y avait un fort consensus autour de cette question. Les Français acceptaient la vaccination comme une pratique de la médecine moderne qui permettait de sauver des millions de vies. C'était même une source de fierté nationale grâce à notre héros Louis Pasteur et son célèbre vaccin contre la rage. Alors qu'est-ce qui a changé Je ne sais pas si vous vous en souvenez, ça semble loin aujourd'hui, mais pendant l'hiver deux-mille-neuf, deux-mille-dix, le monde a été frappé par une autre pandémie, la grippe porcine, aussi appelée grippe A, H un, N un. Donc en France, la ministre de la Santé a commandé des dizaines de millions de vaccins assez pour pouvoir traiter soixante-quinze pour cent de la population et elle a lancé une grande campagne de communication pour encourager les Français à se faire vacciner.

Mais rapidement, on s'est rendu compte que cette grippe était beaucoup moins dangereuse que ce qu'on pensait au départ. Résultat seuls huit pour cent des Français ont décidé de se faire vacciner, mais la ministre de la Santé n'a pas pu annuler les commandes de vaccin, donc la note a été salée. Ah oui, ça, c'est une expression familière, une note salée. On dit aussi une addition salée, la note ou l'addition vous savez c'est ce qu'on paye au restaurant à la fin du repas. Quand on dit que l'addition est salée, ça signifie que le repas a coûté cher, en tout cas plus cher que prévu.

Mais on n'utilise pas cette expression uniquement au restaurant, on l'utilise aussi de manière générale pour dire que quelque chose coûte plus cher que prévu. Bref, après avoir acheté tous ces vaccins contre la grippe A pour rien, la note a été salée pour la France. À ce moment-là, des rumeurs ont commencé à se répandre, des rumeurs disant que le gouvernement français avait commandé tous ces vaccins seulement pour enrichir les groupes pharmaceutiques. Ça, cette accusation de collusion entre l'État et des grands groupes industriels, en particulier ici dans le domaine pharmaceutique, c'était pas quelque chose de nouveau. Mais l'ampleur du gaspillage de tout cet argent jeté par les fenêtres dépensé pour rien, ça a beaucoup énervé les Français d'autant plus dans le contexte de crise économique de l'époque.

Au même moment, il y a eu un autre scandale sanitaire, l'affaire du médiator. Le médiator c'était un médicament contre le diabète produit par un laboratoire français le laboratoire Servier qui a été commercialisé pour la première fois en mille-neuf-cent-soixante-seize. C'était un médicament qui coupait la faim, qui coupait l'appétit. Donc des médecins le prescrivaient aussi aux patients qui voulaient perdre du poids. Le problème, c'est que dans les années quatre-vingt-dix, certains experts se sont rendus compte que le médiateur favorisait l'apparition de risques cardiaques.

Il perturbait le bon fonctionnement du coeur. Donc les Italiens l'ont interdit en mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf et les Espagnols en deux-mille-trois. Mais en France, il est resté sur le marché jusqu'en deux-mille-neuf, année l'Agence nationale de sécurité du médicament l'a enfin interdit. Une étude publiée en deux-mille-onze a estimé qu'il y avait eu entre cinq-cents et deux-mille décès liés aux médiators en France. Donc un procès s'est ouvert contre le laboratoire Servier et l'Agence nationale de la sécurité du médicament et cette affaire a été très médiatisée.

Alors le médiator, ça n'avait rien à voir avec les vaccins, mais cette affaire a confirmé les doutes des Français sur les liens entre l'État et les groupes pharmaceutiques. Et là, on arrive au coeur du problème. Si certains Français ont des doutes quant à la sûreté des vaccins, c'est en partie parce qu'ils ne font plus confiance au gouvernement. C'est ça le problème de fond, un manque de confiance. En tout cas, c'est la conclusion d'une étude publiée en novembre dernier, une étude de la très sérieuse fondation Jean Jaurès.

Cette étude a essayé d'établir le profil de ces Français qui refusent de se faire vacciner contre le Covid, soit environ la moitié de mes compatriotes. Ici, on ne peut pas les appeler antivaccins parce que ça concerne uniquement un vaccin bien spécifique. Ça ne veut pas dire que ces gens sont fondamentalement opposés à tous les vaccins, qu'ils refusent de faire vacciner leurs enfants contre les autres maladies, et caetera simplement qu'ils n'ont pas l'intention de se faire vacciner contre le covid. Alors dans cette étude, il y a certains résultats qui m'ont surpris. Par exemple que les personnes croyantes, les personnes qui croient en une religion et bien elles font plus confiance au vaccin que la moyenne.

Ça a bien changé depuis le dix-neuvième siècle. L'étude montre aussi que les femmes ont généralement plus peur des effets secondaires du vaccin que les hommes. Ça, ça semble assez logique vu que beaucoup de femmes ont souffert des effets secondaires de la pilule contraceptive et aussi parce qu'elles doivent faire très attention à leur santé quand elles sont enceintes, quand elles attendent un enfant. Mais à votre avis, quel est le principal point commun de ces Français qui ne veulent pas du vaccin contre le Covid En fait, c'est pas la religion ni le sexe, c'est pas non plus la profession ni le niveau d'éducation. Non, d'après cette étude, leur principal point commun c'est la proximité partisane, autrement dit leurs préférences politiques.

Les personnes qui refusent ce nouveau vaccin sont généralement des électeurs des partis populistes, soit de l'extrême droite la candidate Marine Le Pen soit de l'extrême gauche avec Jean-Luc Mélenchon. À première vue, ça peut sembler bizarre puisque ces deux politiciens ont des idées complètement opposées. Mais ils ont une chose en commun ils sont tous les deux antisystèmes. Ils pensent que les partis traditionnels de gauche et de droite ont plongé la France dans une crise profonde, une crise que le parti centriste d'Emmanuel Macron n'a fait qu'aggraver. Ce sont eux qui critiquent le plus durement le gouvernement actuel.

Donc naturellement, les gens qui ne font plus confiance à l'État, bien ils sont séduits par ces arguments. Donc l'auteur de cette étude, le professeur Antoine Bristiel, il pense que cette défiance vis-à-vis du nouveau vaccin, c'est d'abord un problème de confiance entre les Français et leur gouvernement. Ça, ce n'est pas vraiment une découverte puisqu'il y a d'autres études récentes qui ont montré que dans les pays les et ils sont davantage pro-vaccination que et ils sont davantage pro-vaccination que dans les pays cette confiance fait défaut. Malheureusement, en France, les sondages montrent que depuis une vingtaine d'années, les Français font de moins en moins confiance au gouvernement. Ce problème est aggravé par l'attitude paternaliste des responsables politiques, en particulier du président actuel.

Au lieu d'être pédagogue, d'expliquer la situation aux Français et de les laisser choisir, le gouvernement impose des mesures. Par exemple en deux-mille-dix-huit, le nombre de vaccins obligatoires pour les enfants est passé de trois à onze faisant de la France l'un des pays cette obligation est la plus grande et sans vraiment en expliquer les raisons aux parents. On leur a dit c'est comme ça et c'est tout, faites ce qu'on vous dit et ne posez pas de questions. Donc il n'est pas étonnant que certains parents se rebellent et en aient marre de ces vaccins. Le pire, c'est que cette attitude paternaliste obtient rarement de bons résultats.

C'est le cas avec le Covid. La majorité des Français pense que le gouvernement a très mal géré la crise sanitaire. Par exemple, les premières semaines, il y a eu de nombreux messages contradictoires concernant les masques. Au début, le message officiel c'était que les masques étaient inutiles pour ralentir le virus et que ça servait à rien d'en acheter mais en réalité le gouvernement a fait cette déclaration parce que la France n'avait pas de stock de masques suffisants pour le personnel soignant autrement dit les gens qui travaillent dans les hôpitaux et caetera. Donc il a essayé de gagner du temps et bien sûr, quelques semaines plus tard, le message a changé.

Le gouvernement a rendu le port du masque obligatoire pour tous les Français. Ça, c'est seulement un exemple parmi d'autres et la France n'est pas un cas isolé. J'imagine que dans votre pays aussi, il y a beaucoup de personnes qui pensent que le gouvernement a fait des erreurs dans la gestion de cette crise sanitaire. Mais le problème pour les Français, c'est que si l'État joue ce rôle paternaliste, il doit être capable d'assumer ses responsabilités et de vraiment protéger les citoyens. Sinon la confiance disparaît et malheureusement c'est ce qui s'est passé l'année dernière.

Ce qui est vraiment inquiétant, c'est qu'aujourd'hui même le personnel soignant ne fait plus confiance au gouvernement. Par exemple, en décembre, une étude a été menée auprès du personnel dans les EHPAD. Les EHPAD, ce sont les établissements pour les personnes âgées dépendantes. Autrement dit, les personnes âgées qui ont besoin d'une aide médicale quotidienne. Cette étude a montré que dans les Ehpad, seul un employé sur cinq voulait se faire vacciner contre le covid, seulement dix-neuf pour cent du personnel de santé.

C'est vraiment problématique vu que les résidents des EHPAD sont très vulnérables donc si les gens qui s'occupent d'eux ne sont pas vaccinés, le risque de contamination augmente. Mais on ne peut pas leur en vouloir, on ne peut pas être en colère contre les employés des EHPAD. Comme je l'ai dit en introduction, les principales raisons évoquées par les Français qui refusent ce vaccin contre le Covid, c'est qu'ils ont peur des effets secondaires et qu'ils doutent de son efficacité. Honnêtement, ce sont des doutes légitimes. Au début de l'épidémie, on nous avait dit que le premier vaccin n'arriverait pas avant au moins deux ans.

Et là, en seulement quelques mois, plusieurs vaccins ont été développés et commercialisés. C'est normal que les gens s'inquiètent des effets secondaires. C'est au gouvernement de rassurer et convaincre les Français, de leur expliquer comment ce vaccin fonctionne, pourquoi les études qui ont été faites par les laboratoires sont fiables, pourquoi la production a été plus rapide que prévue. Mais malheureusement cet effort de pédagogie n'a pas été fait en France donc mes compatriotes sont sceptiques. Justement j'ai une anecdote qui illustre bien ça.

Quand j'ai parlé du vaccin à mon père, il m'a répondu que lui, il se ferait pas vacciner et il a utilisé exactement les mêmes arguments. Les effets secondaires, les doutes sur l'efficacité, sachant que le virus continue de muter. À la fin, il m'a dit que Macron et ses ministres se fassent vacciner les premiers en public avec un huissier pour contrôler qu'ils se font bien injecter le vaccin et pas de l'eau. Et ensuite, moi, j'accepterai de le faire. Donc là, dans sa réponse, on voit bien que le problème de fond, c'est la confiance dans le gouvernement et pas le vaccin en lui-même.

Voilà, c'est juste une anecdote, mais j'y ai repensé en lisant cette étude de la Fondation Jean Jaurès parce que ça a confirmé parfaitement sa conclusion. Justement ces dernières semaines, le gouvernement semble avoir changé son fusil d'épaule, Autrement dit, il a changé de stratégie. Depuis décembre, on voit de plus en plus de campagnes d'informations sur le vaccin contre le Covid et sur la vaccination. Par exemple, en préparant cet épisode, je suis tombé sur des articles publiés sur le site de la mairie de Paris qui racontait l'histoire de la en France, les découvertes de pasteurs, et caetera. Donc les pouvoirs publics adoptent une attitude un peu plus pédagogue.

Mais on peut se demander si ce n'est pas trop tard parce que dans cette guerre d'opinion, il y a un groupe qui a pris beaucoup d'avance, les antivaccins. Ça fait déjà plusieurs années que les antivaccins sont très actifs sur internet et vous allez voir que grâce à la crise du covid, aujourd'hui ils sont plus puissants que jamais. Si les groupes antivaccins ont gagné du terrain, c'est à cause de la politique du gouvernement, mais aussi parce que les Français font moins confiance aux institutions scientifiques. En fait, ce sont deux phénomènes qui sont liés. Plusieurs études montrent que les gens qui rejettent le gouvernement ont aussi tendance à rejeter les médias et les institutions scientifiques.

C'est particulièrement vrai chez les électeurs des partis populistes de droite. Par exemple, un sondage a montré qu'entre le début de la crise du Covid et octobre deux-mille-vingt, la confiance des Français dans les institutions scientifiques a baissé de vingt points. Elle est passée de quatre-vingt-quinze à soixante-quinze pour cent. Bon, ça reste un niveau assez élevé mais la vitesse de cette chute est vraiment alarmante. Comme je vous l'ai dit, une partie des Français pensent que les institutions scientifiques sont au service du pouvoir politique et que le pouvoir politique est lui-même au service des intérêts économiques des grands groupes industriels.

Donc forcément, quand les Français font moins confiance au gouvernement, ils font également moins confiance aux scientifiques. Mais les médias ont eux aussi joué un rôle important dans cette évolution. Pendant les premiers mois de la crise du Covid, ils ont mis de l'huile sur le feu. Vous connaissez cette expression Mettre de l'huile sur le feu Je crois que j'ai déjà utilisé dans un épisode. Quand vous mettez de l'huile sur le feu, il s'intensifie, il brûle encore plus fort.

Donc cette expression signifie aggraver une situation, amplifier un problème ou une dispute. Les médias français ont jeté de l'huile sur le feu pour créer la polémique et gagner de l'audience. Ils invitaient des experts qui avaient des avis très contradictoires et pas toujours raisonnables pour montrer que même ces scientifiques ne savaient pas vraiment comment combattre le Covid. Ces polémiques, ces disputes étaient géniales pour attirer les téléspectateurs, mais malheureusement, elles ont dégradé l'image de la communauté scientifique. Par exemple, vous avez peut-être entendu parler du professeur Didier Raoult.

C'est un microbiologiste qui dirige un hôpital à Marseille, un hôpital spécialisé dans les maladies infectieuses. Au début de l'épidémie de Covid, il a essayé un traitement expérimental basé sur l'hydroxychloroquine, une molécule qui est utilisée depuis longtemps pour combattre le paludisme, qui ne coûte pas cher à produire et qui est disponible facilement. Avec son équipe, il a ensuite publié une étude avec des résultats prometteurs. Pendant un moment, on a cru que l'hydroxychloroquine serait un traitement miracle pour sauver la Sa chaîne YouTube a gagné des centaines de milliers d'abonnés. Sa chaîne YouTube a gagné des centaines de milliers d'abonnés.

Sur Facebook, plein de groupes sont apparus pour le soutenir. C'était C'était un personnage rassurant pour les Français, beaucoup plus rassurant que le gouvernement. Il affirmait que le Covid n'était pas une maladie si dangereuse que ça et qu'on pourrait la traiter rapidement si tous les hôpitaux adoptaient son traitement à l'hydroxychloroquine. Mais les autres médecins n'étaient pas convaincus de l'efficacité de ce médicament pour combattre le Covid Après la publication de l'étude réalisée par le professeur Raoult, beaucoup d'experts internationaux ont critiqué sa méthodologie et contesté ses résultats. Ils ont même montré que l'utilisation d'hydroxychloroquine était dangereuse pour certains patients, si bien qu'à la fin du mois de mai, le gouvernement français a décidé d'interdire ce traitement.

Malgré cette interdiction, le professeur Raoult a gardé son aura. Il est même devenu un symbole, un symbole de courage et de résistance face au pouvoir politique. Il a continué de gagner des supporters et de l'influence. Justement sur Facebook, les antivaccins ont rejoint les groupes de fans du professeur Raoult. En fait, jusqu'à la crise du Covid, les antivaccins étaient assez peu nombreux en France.

Ils reprenaient juste certains arguments bien connus, notamment que la vaccination des enfants augmente le risque d'autisme. Je ne vais pas entrer dans la polémique ici. Cet argument a déjà été démenti par des dizaines d'études. Mais voilà, avec le développement des réseaux sociaux, la communauté des antivaccins a commencé à se fédérer et le covid lui a permis de faire des nouveaux adeptes, autrement dit de convaincre de nouvelles personnes. En quelques semaines, des chaînes de youtubeurs antivaccins ont gagné des centaines de milliers d'abonnés.

Ces youtubeurs sont devenus plus populaires que certains médias traditionnels. Sur Facebook, les groupes de soutien au professeur Raoult se sont progressivement transformés en groupes anti masque puis anti vaccins. Mais pourquoi ces groupes ont-ils grandi aussi vite bien tout simplement grâce aux algorithmes. Facebook et YouTube adorent ce type de contenu polémique parce qu'il provoque beaucoup de réactions et d'interactions. Par exemple, les gens voient une théorie selon laquelle le gouvernement a interdit le traitement du professeur Raoult pour que les groupes pharmaceutiques puissent s'enrichir en vendant un vaccin et forcément ça provoque des réactions.

Les gens qui lisent ça sont en colère, alors ils partagent cette théorie avec tous leurs contacts pour les informer du complot. Ce contenu devient viral comme le covid, donc Facebook et YouTube gagnent plus d'argent grâce à la publicité. Résultat les réseaux sociaux donnent encore plus de place à ces contenus et la communauté continue de grandir. En même temps, chaque personne se retrouve de plus en plus enfermée dans sa bulle, une bulle qui renforce quotidiennement ses croyances avec des nouveaux articles, des nouvelles vidéos. Bon j'ai résumé ce mécanisme mais si ça vous intéresse et que vous voulez en savoir plus, je vous conseille de regarder le documentaire de Social Dilema sur Netflix qui explique bien tout ça.

J'en profite juste pour vous dire quelques mots sur un autre documentaire qui a fait polémique en France à la fin de l'année dernière, un documentaire intitulé Hold-up ou Hold-up comme on le prononce à la française. En gros, c'est un documentaire de deux heures quarante-cinq qui fait la synthèse de toutes les théories du complot concernant le covid. Il commence par critiquer la façon dont le gouvernement a géré la crise sanitaire et progressivement il présente des arguments pour montrer qu'en réalité, c'est le gouvernement lui-même qui a créé le Covid avec l'aide des grandes entreprises pharmaceutiques et technologiques. Selon les auteurs de cette théorie, les personnes les plus riches de la planète, notamment Bill Gates, ont inventé ce virus pour ensuite forcer les gens à se faire vacciner car dans ce nouveau vaccin, il y a des nanoparticules qui permettront à Bill Gates et aux grandes entreprises de contrôler les gens grâce à la 5G. C'est une théorie qu'on appelle le nouvel ordre mondial.

Alors je vous avoue que j'ai pas regardé ce documentaire donc peut-être que je caricature un peu mais d'après les résumés que j'ai lus, c'est l'idée centrale. Ça peut vous sembler ridicule mais ce documentaire a eu un énorme succès. Il a été vu des millions de fois en quelques jours grâce encore une fois aux réseaux sociaux. Il a eu une telle influence sur l'opinion publique que les médias traditionnels ont décidé d'en parler et de démentir les arguments un par un. Mais évidemment, comme cette théorie affirme que les médias aussi font partie du complot, ça n'a fait que renforcer leurs arguments.

Et surtout, ça a renforcé la méfiance et la défiance d'une partie des Français contre le gouvernement. Voilà, j'espère que maintenant vous comprenez un peu mieux pourquoi les Français sont aussi divisés sur la question de la vaccination en général et du vaccin contre le Covid en particulier. Vous voyez que c'est une question complexe qui ne concerne pas seulement la médecine. Dans le contexte actuel, il semble impossible de convaincre les antivaccins les plus radicaux. Pour le reste et la majorité de l'opinion publique, le combat s'annonce difficile aussi.

Si le gouvernement continue sa gestion autoritaire et paternaliste de la crise, par exemple en rendant le vaccin contre le Covid obligatoire ou en créant un passeport spécial pour donner plus de droits aux personnes vaccinées, la défiance des Français risque d'augmenter. En plus, les adeptes des théories du complot auront des arguments supplémentaires pour prouver que l'État est au service des grands groupes pharmaceutiques. Au contraire, la bonne stratégie serait de rassurer et d'éduquer les Français sur cette question puis de les laisser choisir librement de se faire vacciner ou non. Le succès de la campagne de vaccination dépend plus que jamais de la confiance que les Français ont dans leur gouvernement. On peut être optimiste parce que la tendance semble être en train de s'inverser.

Dans un sondage publié le quatorze janvier, cinquante-six pour cent des Français déclaraient avoir l'attention de se faire vacciner contre le Covid. C'était le premier sondage dans lequel une majorité de Français étaient favorables au vaccin. Mais les résultats continuent de changer d'un sondage à l'autre donc pour le moment rien n'est encore joué, rien n'est sûr. À l'heure j'enregistre cet épisode, environ un million de Français se sont fait vacciner sur une population totale de soixante-sept millions, les prochaines semaines seront décisives. Voilà, on va s'arrêter là.

Bravo d'avoir écouté jusqu'au bout. Je pense que ce n'était pas un épisode facile. J'espère que vous avez appris des choses intéressantes. Merci pour votre fidélité et on se retrouve dans quelques semaines pour un nouvel épisode. À bientôt.

Podcast: InnerFrench
Episode: E88 Pourquoi les Français sont-ils anti-vaccins ?