Donc j'imagine que chez vous aussi, c'est un déconfinement partiel, progressif, un déconfinement en plusieurs étapes. En Pologne, on est déjà à la troisième phase du déconfinement. On peut sortir librement, les parcs et les jardins publics sont rouverts. Beaucoup de personnes sont retournées au travail. La plupart des magasins fonctionnent normalement.
Par contre, tout le monde est obligé de porter un masque. C'est pas très agréable. D'ailleurs, on voit souvent des gens porter leurs masques soit autour du cou ou seulement accrochés à une oreille pour pas être gêné mais pour pouvoir le remettre rapidement s'ils voient des policiers. C'est pas très malin vu que si on porte son masque comme ça, ça bloque pas la propagation des germes. Mais il faut croire que certaines personnes ont plus peur de se prendre une amende que d'attraper le coronavirus.
D'ailleurs, connaissant mes compatriotes, j'imagine que c'est pareil en France. Mais bon, je vais pas m'étaler sur le sujet. On a des choses plus intéressantes à découvrir aujourd'hui. Ah oui, ça, c'est une bonne expression. S'étaler sur un sujet, ça veut dire en parler en détail et en général pendant un certain temps.
Donc c'est plutôt utilisé de manière négative. On dit bon, on va pas s'étaler sur le sujet. Autrement dit, on va pas en parler plus longtemps. On va pas entrer dans les détails. Comme je vous l'ai dit, j'ai pas envie de vous assommer une fois de plus avec le coronavirus, donc je vais pas m'étaler sur le sujet.
Néanmoins, on va quand même s'intéresser à une question qui s'y rattache, qui touche ce problème, celle des systèmes de santé. Il y a plusieurs personnes qui m'ont écrit pour me demander de parler du système de santé français, mais je savais pas comment traiter ce sujet de manière intéressante, du moins jusqu'à il y a quelques semaines. Maintenant, avec la crise actuelle, je pense qu'on a un bon angle d'attaque. Avant de se plonger dans ce sujet passionnant, je vais laisser la parole à une cinéphile qui va vous recommander ses films français préférés.
Bonjour Hugo, je m'appelle Bashop, je suis turc et j'habite au Canada. Je suis des podcasts presque depuis que j'ai commencé à apprendre le français et je les aime beaucoup ils ne sont pas seulement des enregistrements français avec lesquels je peux entraîner français mais aussi une trésorerie d'où je peux obtenir beaucoup des informations chaque fois. Aujourd'hui j'ai entendu ton podcast d'où vient nos gouttes et j'étais curieuse sur le film les gouttes des autres j'avais regardé pendant quelques semaines les films français j'ai regardé par exemple le prénom bienvenue chez les ch'tis le nom des gens et un film québécois monsieur qui était tout très bon film. Donc j'ai regardé aussi les gouttes des autres et après les avoir entendus dans ton podcast et je l'ai trouvé magnifique, il est calme, simple et émotionnel. Je me suis rendu compte que j'aime les films français, je continuerai les regarder.
Donc si tout pouvait donner plus de suggestions de films, je serai heureuse. Et voilà, merci beaucoup pour ce podcast.
Bachak, je te remercie pour ton message et tes recommandations de films. Je suis sûr que ça va inspirer d'autres auditeurs. Si vous voulez retrouver les films qu'a mentionné Bachak, je vous invite à consulter la transcription de l'épisode. Personnellement, je dois vous avouer que je regarde assez peu de films français. Ma culture cinématographique francophone est plutôt limitée.
J'ai vu le prénom, un des films recommandés par Bashac et j'ai trouvé ça pas mal. Mais sinon, je réfléchis. Est-ce que j'ai vu quelque chose d'intéressant dernièrement Alors avec ma copine, on a regardé le premier épisode d'une nouvelle série belge sur Netflix qui s'appelle Into the Night. Je sais pas pourquoi le titre est en anglais d'ailleurs mais pour être honnête, j'ai trouvé ça très mauvais donc je peux pas vous la recommander. Non là, je sèche un peu.
Vous devez plutôt chercher sur Internet. Il y a plein de sites avec des classements, des meilleurs films francophones ou des listes avec tous ceux qui sont disponibles sur Netflix dans votre pays. Je pense que ça, ça vous sera plus utile que mes recommandations. Allez, on ferme la page cinéma et on passe à notre sujet du jour. En général, le système de santé, c'est pas forcément un sujet qui passionne les foules.
En fait, on s'y intéresse seulement quand on en a besoin et dans la plupart des cas, ce n'est pas un moment très agréable. Par exemple, quand on se retrouve aux urgences après un accident, quand on doit voir un spécialiste et que le prix de la consultation est une mauvaise surprise. Bref, on veut que ça fonctionne quand on en a besoin et on ne veut pas devoir payer trop cher pour avoir accès à tous ces services. Mais le système de santé, c'est bien plus que ces moments-là. Chaque jour, la vie d'innombrables personnes en dépend pour faire naître les bébés dans de bonnes conditions et réduire au maximum la mortalité infantile, pour soigner les maladies plus ou moins graves qu'on attrape à tous les âges, mais aussi pour que les personnes âgées puissent finir leur vie dans la dignité.
En fait, notre vie, la vie de chaque individu, de chaque famille est intimement liée au système de santé. D'après l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, vous savez cet organe des Nations unies, le système de santé a un double objectif. Premièrement, un objectif de qualité atteindre le meilleur niveau de santé moyen possible. Et deuxièmement, un objectif d'équité, celui de réduire au maximum les écarts, les différences entre les individus. C'est-à-dire d'assurer à chacun la même qualité de soin sans discrimination.
Comme vous le savez, la performance du système de santé dépend en grande partie du gouvernement, donc de choix politiques. C'est très visible dans les moments de crise comme celui qu'on est en train de vivre actuellement, mais ça n'a pas toujours été comme ça. Pendant longtemps, la santé était exclusivement une affaire privée. Par exemple, dans les monarchies d'ancien régime, les rois se préoccupaient pas vraiment de la santé de leur sujet. Si on tombait malade ou qu'on avait un accident, c'était notre problème, pas celui du roi.
Mais petit à petit, avec la création de l'état moderne, la santé est devenue une affaire publique. En particulier, depuis la seconde moitié du vingtième siècle, dans les pays développés, les citoyens considèrent qu'ils ont un droit à la santé, un droit à la santé qui relève en grande partie de la responsabilité de l'État. Mais cette évolution cache des stratégies très différentes d'un pays à l'autre, notamment en fonction du parti politique au pouvoir. Il y a la question du rôle du secteur public, du secteur privé dans ce système de santé, mais aussi surtout la question de son financement. Tout ça fait que ce fameux droit à la santé n'est pas le même partout.
Par exemple, moi, en tant que français, quand j'étais petit, je pensais qu'aller chez le médecin et recevoir des médicaments, c'était quelque chose de gratuit, que si on avait un accident, on était directement conduit et soigné à l'hôpital sans avoir besoin de payer quoi que ce soit. Plus tard, je me suis rendu compte que c'était loin d'être le cas dans tous les pays du monde. Je me souviens que la première fois où j'ai entendu parler du système de santé américain, j'ai été assez surpris. Bref, c'est vrai qu'en France, l'État joue un rôle très important dans beaucoup de domaines et notamment dans celui de la santé. D'ailleurs, vous avez peut-être entendu dire que la France a le meilleur système de santé du monde.
C'était la conclusion d'une étude internationale menée par l'OMS. En deux mille, l'OMS a fait une étude pour analyser les différents systèmes de santé dans le monde pour comparer leur efficacité Et c'est la France qui est arrivée en tête du classement. Cocorico. Évidemment, ce résultat a été beaucoup partagé dans les médias français et il a fait la fierté de mes compatriotes. Bon, peut-être pas autant que nos deux victoires en coupe du monde, mais quand même, c'était plutôt une bonne nouvelle.
Le problème, c'est que la situation s'est beaucoup dégradée depuis. Car oui, comme je vous l'ai dit, cette étude a été publiée en deux mille il y a déjà vingt ans depuis de l'eau a coulé sous les ponts comme on dit. C'est la même expression en anglais et j'imagine dans d'autres langues de l'eau a coulé sous les ponts autrement dit les choses ont changé la situation a évolué J'ai pas réussi à trouver d'études plus récentes de l'OMS je crois pas qu'ils en aient publié d'autres depuis la première édition faite en deux mille. Mais dans les classements plus récents réalisés par d'autres institutions, la France arrive en général entre la quinzième et la vingtième place. Les pays qui sont en tête maintenant, c'est plutôt la Suisse, les Pays-Bas ou encore Singapour.
Alors, en voyant cette contre-performance, on peut se demander pourquoi le système français a tellement chuté Est-ce que c'est lié au budget des hôpitaux Est-ce que tous les meilleurs médecins ont quitté le pays Ou bien s'agit-il d'un problème plus profond Pour tenter de répondre à toutes ces questions, on va d'abord s'intéresser à l'histoire des systèmes de santé modernes. Comment les sociétés ont-elles fait de la santé une affaire publique et plus seulement un problème individuel Ensuite, on verra sur quels grands principes le modèle français repose et comment il fonctionne. Pour finir, on évoquera les problèmes qu'il rencontre depuis quelques années et qui ont été mis en évidence par la crise du Covid dix-neuf. Bref, comme d'habitude, on a un programme assez chargé. Alors ne perdons pas plus de temps, c'est parti.
Pour avoir un système de santé, il y a deux conditions nécessaires. La première, c'est d'avoir des personnes qui savent ou du moins qui croient savoir comment soigner les maladies. Ce verbe soigner, il va être très important pour le reste de cet épisode donc j'espère que vous le connaissez. Je sais qu'il n'est pas facile à prononcer. Ça veut dire s'occuper de rétablir la santé de quelqu'un.
Par exemple le médecin soigne ses patients. On dit aussi guérir. Et le nom, c'est soins. En général, on l'utilise plutôt au pluriel les soins, prodiguer des soins. Bref, si on en croit les archéologues, cette première condition était présente dès la préhistoire.
En étudiant les squelettes de nos ancêtres, on a découvert que déjà à cette époque, les hommes préhistoriques avaient développé des techniques pour essayer de soigner les blessures des membres de leur tribu. Par contre, la deuxième condition nécessaire à la mise en place d'un système de santé, elle a été remplie beaucoup plus tard. Cette condition, c'est d'avoir une société suffisamment organisée pour qu'elle puisse créer des institutions faites spécialement pour protéger la santé des citoyens. On va voir que cette condition n'a été remplie qu'à partir du dix-neuvième siècle. Bien sûr, il y a eu des hôpitaux et des écoles de médecine bien avant le dix-neuvième siècle.
Par exemple, dans la Grèce antique, il existait déjà des écoles de médecine comme celle créée par le célèbre Hippocrate. Et un peu plus tard, les Romains ont inventé les premiers hôpitaux qui étaient surtout des endroits pour soigner les soldats blessés. Mais ces institutions étaient réservées à une petite partie de la population donc on pouvait pas vraiment les qualifier de systèmes de santé. Mais là où les Romains étaient très forts, c'était sur la question de l'hygiène dans les villes. Ils avaient déjà mis en place des égouts.
Les égouts, c'est un système de canalisation pour collecter et évacuer les eaux usées. L'eau sale qui a été utilisée dans une maison par exemple. Les Romains avaient aussi systématisé l'installation de fontaines dans les villes pour avoir de l'eau propre. Toutes ces inventions permettaient d'avoir de meilleures conditions d'hygiène et donc de prévenir les épidémies. Malheureusement, au Moyen Âge, on a complètement oublié ces belles inventions, du moins en Europe.
Car dans le monde arabo-musulman, on a réussi à conserver cet héritage romain. Par exemple, au huitième siècle, les califes ont commencé à faire construire des hôpitaux dans leur ville. Apparemment, il y en avait quarante dans le seul califat de Cordoue en Espagne. Vous imaginez Quarante hôpitaux, c'est énorme. En plus, ces hôpitaux étaient plus développés que ceux des Romains.
Ils étaient spacieux avec différentes parties pour les différents malades. Mais en plus, ils étaient équipés d'une pharmacie et d'une bibliothèque. En neuf-cent-trente-deux, il y a même un calife, le calife Al Mukra dire qui a créé un examen obligatoire pour avoir le droit d'exercer la médecine. Les élèves pouvaient se préparer à cet examen soit en étudiant auprès d'un maître qu'ils devaient payer, soit en allant dans une école hospitalière. Un peu comme les étudiants de médecine maintenant qui font leur internat dans un hôpital.
Cette deuxième option est très vite devenue la plus populaire et grâce à ça, les hôpitaux arabes ont permis de rassembler la pratique et l'enseignement de la médecine. Mais dans l'Occident chrétien, il a fallu attendre jusqu'au dix-huitième siècle pour voir la création d'un modèle similaire. Premièrement, parce qu'une grande partie du savoir antique avait été perdue. Deuxièmement, parce que les connaissances qui avaient été conservées étaient la propriété des monastères et donc de l'église. Or, l'église jugeait que beaucoup de ses connaissances étaient contraires au dogme chrétien, ce qui fait qu'elles n'étaient pas utilisées pour soigner les malades.
Au treizième siècle, les premières universités sont apparues mais comme elles étaient contrôlées par l'église, elles avaient plutôt pour rôle d'enseigner la doctrine chrétienne que de conduire des recherches scientifiques. C'était le même problème avec les hôpitaux qui étaient de plus en plus nombreux mais dont la mission était surtout d'aider à organiser les pèlerinages et d'accueillir les pauvres mais pas de les soigner. Les choses ont commencé à changer en Europe avec la Renaissance aux quinzième et seizième siècles. Là, on peut dire que l'esprit scientifique s'est enfin réveillé. Les grands intellectuels ont redécouvert les connaissances des Grecs et des Romains de l'Antiquité et le dogme religieux a progressivement été remis en cause, était questionné.
Par exemple, les médecins se sont mis à transgresser les interdits qui concernaient le corps humain. Ils ont enfin osé pratiquer la dissection des cadavres, une chose qui jusque-là était considérée comme sacrilège. Grâce à cette nouvelle pratique, les connaissances anatomiques ont progressé de manière spectaculaire et elles se sont diffusées grâce à une autre invention majeure de cette époque l'imprimerie. En parallèle de ces progrès scientifiques, les gouvernements ont été obligés de mettre en place des premières mesures de santé publique car tout au long du Moyen Âge, la peste a fait des ravages en Europe. La peste, vous savez, c'est cette maladie très contagieuse qui se transmet des animaux à l'homme.
D'ailleurs, c'est le titre d'un célèbre roman d'Albert Camus. Une des plus célèbres peste de l'histoire, c'est la peste noire du quatorzième siècle, une pandémie qui a tué un quart de la population d'Europe occidentale en quelques années. Pour combattre la peste, des grandes cités italiennes comme Venise et Gênes ont commencé à imposer des mesures d'isolement. Elles ont inventé la méthode de la quarantaine qui, comme vous le savez, est toujours utilisée de nos jours. Bref, ces mesures se sont avérées assez efficaces pour limiter la propagation des épidémies de peste.
Donc elles ont été reprises dans le reste de l'Europe au seizième siècle avec la mise en place des premières vraies politiques sanitaires. Ces politiques consistaient à isoler systématiquement les personnes contaminées ou qui risquaient de l'être, à construire des hôpitaux spéciaux pour les confiner, mais sans les soigner et à nettoyer radicalement tous les lieux infectés, voire même à brûler toutes les affaires des malades. Ce qui est intéressant, c'est que ces mesures contre la peste sont les ancêtres de tous les règlements sanitaires qui ont été créés ensuite pour lutter contre les épidémies, comme on peut le voir actuellement avec le Covid dix-neuf. Comme je vous l'ai déjà dit, c'est au dix-huitième siècle que les hôpitaux européens cessent d'être simplement des lieux de charité pour les pauvres pour devenir des institutions chargées de soigner les malades et d'enseigner la médecine. En France, ce changement commence évidemment avec la révolution de mille-sept-cent-quatre-vingt-neuf.
Les révolutionnaires décident de nationaliser les hôpitaux qui, grâce à ça, ne sont plus sous le contrôle de l'église. Mais la transformation en un lieu de pratique de la médecine sera assez lente. Elle durera pendant tout le dix-neuf.