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Salut à tous, c'est l'épisode trente-neuf et aujourd'hui on va parler d'amour. Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien et que vous êtes prêts pour ce nouvel épisode. Ici à Varsovie, il fait très beau en ce moment mais il fait un peu froid et on a même eu de la neige la semaine dernière. Il a beaucoup neigé. Les polonais me disent que c'est un peu bizarre d'avoir de la neige au mois de mars, mais moi je trouve que c'est plutôt sympa.

Tant qu'il y a du soleil, la neige ne me dérange pas. À part ça, j'ai publié ma première vraie vidéo sur YouTube il y a deux semaines. Si vous ne l'avez pas encore vue, je vous invite à y jeter un coup d'œil. Il suffit d'aller sur ma chaîne YouTube qui s'appelle tout simplement Hinner french. Bref, dans cette vidéo, j'essaye de répondre à une question que mes élèves me posent très souvent, surtout ceux qui viennent de commencer leur apprentissage.

Cette question c'est Bon, vous vous en doutez, il n'y a pas de réponse universelle. Donc j'ai essayé de donner des éléments pour vous aider à répondre vous-même. Mais surtout, à la fin de la vidéo, je vous explique pourquoi je pense que ça ne vaut pas la peine de se poser cette question. D'ailleurs, j'en profite pour remercier toutes les personnes qui ont laissé des commentaires sous la vidéo. Pour moi, c'est génial car ça me permet de mieux vous connaître et de comprendre comment je peux vous aider.

Pour les autres, allez faire un tour sur la chaîne YouTube DinnerFrench et surtout abonnez-vous. Comme ça, vous recevrez une notification à chaque fois que je publierai une nouvelle vidéo. Je vais essayer de le faire deux fois par mois, de publier deux nouvelles vidéos par mois et je vais traiter des sujets assez différents de ceux du podcast. Par exemple, dans la prochaine vidéo, je vais analyser un extrait d'un film français. J'espère que ça va vous plaire et que ça sera un bon complément au podcast.

En plus, il a les sous-titres en français et en anglais. Donc si vous regardez mes vidéos, dites-moi ce que vous en pensez pour m'aider à améliorer et n'hésitez pas à commenter les vidéos. Mais rassurez-vous, même si je fais des vidéos, je vais continuer notre podcast. Donc vous entendrez toujours ma voix régulièrement. Alors je vous ai dit en introduction qu'on allait parler d'amour.

C'est une idée que j'ai eue grâce à une de mes élèves qui s'appelle Catherine et qui vit aux États-Unis. Catherine m'a fait découvrir une sociologue qui s'appelle Eva Illouz et qui a publié un livre très intéressant en deux-mille-douze dont le titre est Pourquoi l'amour fait mal Alors je me suis dit que ça ferait un sujet parfait pour notre podcast. Pour commencer, quelques mots sur Eva Illouz. Donc c'est une intellectuelle et universitaire israélienne qui s'est spécialisée dans l'étude sociologique des sentiments. Elle est née au Maroc mais ses parents ont déménagé en France quand elle avait dix ans.

Ensuite, elle a fait des études très prestigieuses et une carrière universitaire brillante. Elle est diplômée de l'université Paris dix mais aussi de l'université de Pennsylvanie et elle a enseigné à Princeton. Et depuis deux-mille-quinze, c'est la directrice de l'école des hautes études en sciences sociales à Paris. Elle est considérée par certains magazines comme une des intellectuelles les plus influents au monde. Elle s'est beaucoup intéressée à l'influence de notre société et de notre culture sur nos sentiments.

Et en particulier, dans le livre qu'elle a publié en deux-mille-douze, Pourquoi l'amour fait mal, elle s'intéresse à la souffrance amoureuse. Vous connaissez peut-être cette expression faire mal qui veut dire provoquer de la douleur. Par exemple, si vous êtes en train de cuisiner quelque chose et que vous vous brûlez, vous pouvez dire, aïe, ça fait mal. Ici, comme il s'agit d'amour, vous comprenez que cette expression peut être utilisée pour une douleur physique ou une douleur psychique. Donc, c'est intéressant de se demander pourquoi étudier la souffrance amoureuse d'un point de vue sociologique.

D'habitude, pour expliquer la souffrance amoureuse, on utilise plutôt la psychologie ou la psychanalyse. En fait, depuis Freud, on essaie d'expliquer nos comportements et nos émotions en fonction de notre histoire personnelle. Par exemple, si on a vécu un traumatisme pendant notre enfance, les psychiatres pensent que ça va avoir une influence sur notre vie d'adulte. Ce type d'explication est de plus en plus populaire. Dans les magazines, il y a souvent des tests pour mieux se comprendre, pour mieux comprendre sa personnalité.

On nous répète que chaque personne est unique, que chaque personne a sa propre histoire et ses propres problèmes. À côté de ça, il y a aussi la biologie et les neurosciences qui veulent faire de l'amour une science. Certains des chercheurs qui travaillent dans ces domaines considèrent l'amour comme une simple réaction chimique. Ils analysent les sentiments d'un point de vue purement biologique. Mais Eva Illouz, elle, pense que la société et l'histoire ont une très grande influence sur nos sentiments.

Même si nous pensons être uniques, en fait, nous obéissons tous à certaines règles qui sont présentes dans la société et dont nous avons hérité à travers l'histoire. Donc Eva Illouz pense que la souffrance amoureuse a des causes sociales, des causes structurelles. Elle n'est pas d'accord pour dire que c'est simplement une question d'expérience personnelle et qu'on ne peut pas expliquer la souffrance amoureuse seulement à travers la psychanalyse. Ce n'est pas une question purement individuelle, c'est le résultat de l'évolution de notre société. Dans cet épisode, on va essayer d'expliquer la thèse d'Eva Illouz et de voir quelles sont les causes sociales de la souffrance amoureuse.

Dans la première partie, on va s'intéresser aux évolutions historiques. Qu'est-ce qui a changé pendant les derniers siècles et comment cela influence nos relations Ensuite, dans la deuxième partie, on va voir que maintenant, il existe un nouveau marché de l'amour, que les relations peuvent être analysées comme un marché. Et puis pour finir, dans la troisième partie, on va parler du déséquilibre dans les relations entre les hommes et les femmes. On va voir que sur ce marché de l'amour, les hommes et les femmes n'ont pas le même pouvoir. Allez, on y va.

Alors pour commencer cette première partie sur les évolutions historiques, on va écouter un extrait d'une interview d'Eva Illouz. Elle va nous expliquer ce qui, selon elle, a changé depuis le dix-neuvième siècle. Dans cette interview, il y a un mot clé, un mot très important, c'est incertitude. L'incertitude, c'est une situation qui n'est pas certaine, qui n'est pas sûre, dans laquelle on peut avoir des doutes. Et pour illustrer sa théorie, elle utilise l'exemple d'un roman très connu qui s'appelle 50 Shades of Grey.

En français, on dit cinquante nuances de Grey. Je vous précise ça juste pour que vous compreniez bien quand elle en parlera. Alors écoutons Eva Illouz pour quelques minutes. Pourquoi est-ce que l'amour fait mal aujourd'hui

L'amour fait mal parce qu'il est devenu incertain. Je pense que c'est le lieu par excellence de l'incertitude. Incertitude sur les règles à suivre, incertitude sur la nature même de la relation, on ne sait plus s'il s'agit d'une relation purement sexuelle, d'une relation sentimentale, d'une relation qui doit avoir un but institutionnel comme le mariage. Il y a une incertitude sur les sentiments de l'autre, il y a une incertitude sur nos propres sentiments, il y a une incertitude sur la façon de gérer cette tension entre l'autonomie et la dépendance qui est toujours contenue dans une relation amoureuse. Et ce roman donc, à mon avis, a connu un très grand succès parce qu'il met en scène cette incertitude.

Donc le premier, le premier volume de la trilogie, en fait tourne autour d'une question essentielle, c'est de savoir qu'est-ce que Christian Gray qui est ce milliardaire fantastiquement riche, beau, intelligent et sexuellement extrêmement performant. Qu'est-ce qu'il veut de Anna, Anastasia En fait, c'est autour de cette question que tout le premier volume tourne, nous savons qu'elle est amoureuse de lui, nous savons qu'il veut une relation purement sexuelle, mais nous ne savons pas ce qu'il ressent. Et en fait cette question de qu'est-ce qu'il ressent, qu'est-ce qu'il veut, c'est une question à mon avis qui est particulièrement moderne parce que les relations prémodernes étaient beaucoup plus structurées, c'est-à-dire qu'on se posait évidemment la question de savoir qu'est-ce que l'autre ressentait, mais il y avait beaucoup de codes, ces relations étaient très codifiées dans le monde anglo-saxon et en France aussi, elles étaient très codifiées, ce qui faisait qu'il y avait une correspondance assez étroite entre les actes, les mots et la signification institutionnelle de la relation. Cette adéquation entre les codes sentimentaux, les codes romantiques s'est perdu dans la modernité et donc cette incertitude qui est à mon avis au centre de ce roman. Vous voyez Eva Illouz

explique que le que le problème principal maintenant dans les relations, c'est l'incertitude. Justement, dans le roman 50 Shades of Grey, il y a une incertitude sur les intentions du personnage de Christian Grey. Qu'est-ce qu'il attend de l'héroïne Quelles sont ses intentions On ne sait pas du tout ce qu'il ressent. Bon malheureusement je n'ai pas lu ce livre donc je ne peux pas vous en dire plus. Par contre, ce que je peux vous expliquer, c'est la différence entre le verbe sentir et le verbe ressentir.

Je sais que souvent ça n'est pas très clair. Donc pour vous donner une explication simple, le verbe sentir, on l'utilise plutôt pour les sensations physiques et également pour les odeurs. Par exemple, si vous avez mal au dos, vous pouvez dire que vous sentez une douleur au niveau du dos. Et si vous entrez dans une pièce et qu'il y a une odeur désagréable, vous pouvez dire ça sent mauvais, que cette pièce sent mauvais. Tandis que pour les sentiments, on utilise plutôt le verbe ressentir avec un nom.

Par exemple, ressentir de l'amour, ressentir de la peur, ressentir de la jalousie. Mais on peut aussi utiliser le verbe se sentir. Par exemple se sentir bien, se sentir mal, se sentir fatigué, se sentir en forme, et caetera. Donc ici, comme je vous parlais de Christian Grey, je faisais plutôt référence à ses sentiments. Voilà, je ferme la parenthèse sur cette expression et on peut revenir à notre sujet.

Avant, les relations étaient très codifiées, très claires et les comportements, les actes, les paroles et les intentions étaient cohérents. Par exemple, quand un homme voulait demander une femme en mariage, il y avait tout un processus à suivre et ses intentions étaient très claires pour tout le monde. Ce processus était différent à différentes époques et dans différents pays. Mais en général, si un homme voulait demander une femme en mariage, il savait exactement comment il devait faire. Eva Illouz pense aussi que le capitalisme a beaucoup participé à l'évolution de nos relations.

Pourquoi bien parce qu'avant, on était obligé de se marier pour des raisons économiques. Quand on se mariait, on pouvait mettre en commun les patrimoines de la femme et du mari pour s'enrichir. Au contraire, si une personne restait seule, c'était assez difficile pour elle de survivre. Parce que si elle restait seule, ça voulait dire qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfants, donc pour sa retraite, ça devenait compliqué. Mais maintenant, grâce au capitalisme, le mariage n'est plus nécessaire pour notre survie économique.

On peut très bien vivre seul, gagner beaucoup d'argent et on n'a pas besoin de partenaires ni d'enfants pour assurer notre futur. Le capitalisme nous a aussi libérés de l'influence de la famille. On peut faire nos propres choix sans demander l'avis ni la permission de nos parents. Donc d'un côté, ça nous offre plus de liberté, mais de l'autre, on a aussi perdu une forme de protection. Avant, la famille offrait une protection parce que l'homme qui faisait sa demande en mariage devait obtenir la permission de la famille.

En général, dans le modèle traditionnel, le modèle d'avant la Seconde Guerre mondiale, les individus étaient plus encadrés et plus protégés par leur famille. Mais le développement du capitalisme a radicalement changé tout ça. Alors maintenant, on va se demander à quoi ressemble le marché de l'amour, ce marché qui a été créé par le capitalisme. Il y a un sociologue allemand très célèbre qui s'appelle Max Weber et qui a inventé une expression très intéressante le désenchantement du monde. Au début du vingtième siècle, Weber a analysé qu'avec le développement du capitalisme, les croyances religieuses et magiques ont reculé.

Elles ont été remplacées par les explications scientifiques. Par exemple, au lieu de dire qu'une tempête a été provoquée par Dieu, on analyse de façon scientifique comment les tempêtes apparaissent. Tous les événements, les choses qui nous entourent, notre environnement doivent être expliquées de façon rationnelle. Et les relations aussi ont perdu leur caractère sacré. Avant, notre place dans la société était déterminée par des facteurs extérieurs à nous.

Les sociétés étaient très hiérarchisées avec différents groupes qui avaient différentes places, droits et privilèges. C'était presque impossible pour un individu de changer de groupe. Dès la naissance, il appartenait à un certain groupe et il y passait toute sa vie. Maintenant évidemment, il y a toujours une hiérarchie mais elle peut changer. En théorie, dans les pays développés, il n'y a rien qui vous empêche de devenir président même si vous venez d'un milieu très pauvre.

Bon, en pratique, on sait très bien que ça a peu de chances d'arriver. Mais légalement, il n'y a rien qui vous empêche de devenir président. Vous avez la possibilité d'essayer. Et c'est la même chose avec les relations. Avant, on était obligé de se marier avec une personne de la même religion, du même milieu, de la même race et du sexe opposé.

Maintenant, on a beaucoup plus de liberté et c'est évidemment une bonne chose. On peut considérer que chaque individu est libre de choisir son ou sa Dans la pratique, on a quand même tendance à se marier avec une personne du même milieu que nous. Mais encore une fois, il n'y a pas de barrière légale si vous voulez le faire. Et finalement, le désenchantement du monde a créé une sorte de marché de l'amour. Les relations imitent le fonctionnement de l'économie avec une offre, une demande et des individus de différentes valeurs.

Mais ça, on va en parler un peu plus tard. En parallèle, le deuxième effet du capitalisme, c'est bien sûr le développement de la société de consommation. Cette société de consommation, elle nous renvoie une image du couple qui est très sexualisée. Par exemple, dans les campagnes de publicité pour la mode ou les cosmétiques, mais aussi dans les films et les romans actuels, il y a toujours une dimension sexuelle très forte. Et en plus de cette sexualisation, on voit aussi une uniformisation de la beauté.

Maintenant, il existe une beauté standard qu'on voit partout dans les médias et les gens essayent de s'en rapprocher le plus possible. Il n'y a pas vraiment de place pour la diversité. Il existe une sorte de culte de la beauté, un culte du corps. Et si on veut avoir une valeur élevée sur le marché de l'amour, on doit se rapprocher de cet idéal de beauté. Donc il y a une forme de pression pour toujours s'améliorer, par exemple en faisant du sport ou de la chirurgie esthétique.

Bref, vous avez compris que chaque individu a une valeur en fonction de sa beauté, mais aussi d'autres critères comme sa richesse ou son statut. Et l'objectif, c'est de trouver un partenaire qui ait une valeur égale ou supérieure à la nôtre. Tous ces individus, autrement dit nous, constituent un marché, le marché de l'amour. C'est très visible avec les applications de rencontre comme Tinder par exemple. Ces applications donnent accès au marché de l'amour.

Vous devez créer un profil pour montrer votre valeur. Ensuite, vous définissez vos critères pour chercher un partenaire. Et vous avez accès à la description des autres personnes, un peu comme des produits. Vous pouvez voir leurs photos, leur style de vie et ensuite vous décidez si oui ou non vous avez envie de les rencontrer. C'est un peu la même chose que quand vous voulez acheter une nouvelle voiture.

Vous comparez les différents modèles et vous achetez celui qui correspond le mieux à vos besoins. Vous voyez, à ce niveau-là, il n'y a plus du tout de magie, de magie de la rencontre amoureuse par exemple. Maintenant la rencontre amoureuse, c'est quelque chose de très pragmatique. Avec ces applications, on a l'impression que le choix est infini. Vous pouvez voir des profils de personnes du monde entier.

Donc en théorie, vous avez accès au marché mondial des personnes qui cherchent l'amour. Le problème avec ça, c'est qu'on a tendance à instrumentaliser l'autre personne. Avant de la rencontrer, on a une liste de critères et on veut que notre futur partenaire corresponde à tous ces critères. Finalement, il n'y a pas vraiment de place pour cette personne parce que dans notre tête, on a déjà une image idéale d'elle. Ensuite, si la personne ne répond pas à suffisamment de critères et qu'on n'est pas satisfait de la relation, on peut simplement chercher un autre partenaire.

Comme quand on n'est pas satisfait d'un service avec une entreprise. Et ça évidemment, c'est quelque chose qui est très difficile à gérer dans les relations amoureuses. C'est difficile d'essayer de construire une relation. Il y a plus d'instabilité parce qu'au moindre problème, c'est plus facile d'arrêter la relation et de chercher un autre partenaire que de surmonter les obstacles. Ah, ça, c'est une autre expression intéressante.

Surmonter un obstacle. Ça veut dire dépasser une difficulté. C'est le verbe surmonter, surmonter un obstacle ou un challenge. Bref, en plus de ces obstacles, on doit aussi prouver en permanence notre valeur. On doit prouver à notre partenaire que notre valeur est suffisante pour ne pas le perdre pour qu'il ou elle ait envie de rester avec nous.

Alors d'après Eva Illouz, ces nouvelles attitudes vis-à-vis des relations amoureuses, ce nouveau marché de l'amour, ont changé la nature de la souffrance amoureuse. Avant, la souffrance amoureuse était liée à la frustration. La frustration parce que souvent, la société ne nous permettait pas d'aimer la personne qu'on voulait. Il y avait beaucoup d'obstacles à surmonter. Des obstacles liés à notre milieu, à notre famille ou à la famille de notre partenaire.

L'exemple le plus célèbre peut-être, c'est l'histoire de Roméo et Juliette. Deux personnes qui s'aiment passionnément mais qui ne peuvent pas vivre cet amour à cause de leur famille. Mais maintenant, cette souffrance amoureuse est très différente. Quand on ne trouve pas de partenaire, on a tendance à se remettre en question. On se dit qu'on n'est pas assez bien, que notre valeur n'est pas assez élevée.

On ne peut pas blâmer notre famille ni notre milieu d'origine parce qu'en théorie, nous sommes libres de mener la vie que nous voulons. Donc si on n'est pas capable de trouver un partenaire, ça veut dire qu'on n'est pas assez bien. Et cette souffrance est d'autant plus forte qu'on a l'impression que trouver l'amour, c'est une chose essentielle pour notre estime de soi. L'estime de soi, c'est la vision, la perception qu'on a de nous-mêmes, tout simplement. Partout dans la culture occidentale, autour de nous, on nous dit que pour être heureux, il faut être en couple.

Si vous êtes seul, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec vous. Ça veut dire que vous n'avez pas le droit d'être heureux. Maintenant, on va attaquer la dernière partie, celle qui concerne la place des hommes et des femmes sur ce marché de l'amour. Je vous ai dit en introduction que le rapport de pouvoir entre les hommes et les femmes est déséquilibré. J'insiste sur ce mot déséquilibré parce que je sais qu'il est difficile à retenir.

Il est formé sur le mot équilibre, un mot très utile. L'équilibre, c'est quand les choses sont stables. Par exemple, on parle de l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Quand votre vie professionnelle et votre vie personnelle sont plus ou moins égales, qu'elles ont la même importance, qu'il n'y en a pas une qui prend plus de place que l'autre. Donc quand je dis que le rapport de pouvoir entre les hommes et les femmes est déséquilibré, ça signifie que les hommes et les femmes n'ont pas le même pouvoir sur le marché de l'amour.

À mon avis, ce n'est pas quelque chose qui vous surprend. Vous avez sûrement suivi l'actualité avec l'affaire Harvey Weinstein. La question du harcèlement des femmes est le mouvement MeToo. Toute cette affaire a montré que les hommes ont un pouvoir sur les femmes dont ils profitent pour par exemple avoir des relations sexuelles. Mais c'est une chose sur laquelle on a fermé les yeux pendant longtemps.

Pourtant, à la fin des années soixante avec la révolution sexuelle, on a pensé que les relations entre les hommes et les femmes allaient s'équilibrer. Avec la contraception, on a voulu enfin donner aux femmes la possibilité de mieux maîtriser leur sexualité et d'avoir plus de liberté. Mais en réalité, cette révolution sexuelle n'a pas tenu ses promesses. En fait, on pourrait presque dire qu'elle a donné encore plus de pouvoir aux hommes. Certes, les femmes peuvent maîtriser leur sexualité, mais c'est aussi beaucoup plus facile pour les hommes d'avoir des rapports sexuels sans conséquences.

Et d'après Eva Illouz, les femmes ont toujours envie d'avoir des enfants alors que les hommes pas forcément. En plus, c'est évident que les hommes peuvent attendre plus longtemps que les femmes avant d'avoir des enfants. Donc il y a une pression qui est plus forte pour elles. Au contraire, les hommes profitent beaucoup de la situation. Ils peuvent multiplier les partenaires sexuels et quand ils font ça, ils augmentent aussi leur valeur.

Vous savez que la société considère qu'un homme qui a beaucoup de rapports sexuels avec des femmes différentes est un don juan. Juan. Alors qu'au contraire, une femme qui a beaucoup de partenaires sexuels perd souvent de sa valeur aux yeux des hommes. Juste pour que les choses soient claires, moi je ne suis pas du tout d'accord avec ça. Mais je vous parle simplement de la façon dont c'est perçu dans nos sociétés.

C'est en train de changer mais ça prend beaucoup de temps. En attendant, les hommes utilisent ce pouvoir pour profiter au mieux du marché de l'amour. Et ça, ça crée souvent de la souffrance amoureuse chez les femmes. Je vous ai présenté la thèse d'Eva et Louz dans les grandes lignes. Si ça vous intéresse et vous voulez en savoir plus, je vais mettre des liens dans la description de l'épisode sur mon site.

Vous pourrez regarder l'interview dont je vous ai diffusé un extrait et d'autres articles. Voilà, on va s'arrêter là. Comme d'habitude, n'oubliez pas que la transcription complète du podcast est disponible sur mon site inner french point com. Et si vous voulez m'aider, vous pouvez laisser une évaluation sur iTunes ou Facebook. Merci beaucoup pour votre soutien.

On se retrouve dans deux semaines. À bientôt.

Podcast: InnerFrench
Episode: E39 Pourquoi l’amour fait mal