Peut-être que vous avez lu le roman ou écouté la lecture de Camus sur YouTube que j'avais posté Dans ce cas, il n'y a pas de suspense pour vous. Mais ça peut quand même être intéressant. Surtout que je raconte cette histoire d'une façon simplifiée. Donc si jamais le texte original était trop difficile pour vous, aujourd'hui ça devrait aller. Je vous conseille aussi d'utiliser la transcription sur mon site inner french point com pour vous aider.
D'ailleurs, j'en profite pour vous dire que j'ai changé le format des transcriptions. Maintenant, c'est plus facile de naviguer sur la page et d'écouter en même temps. Donc si vous avez le temps, allez voir sur le site et dites-moi ce que vous en pensez. Mais pour le moment, je vais vous rappeler rapidement ce qui s'est passé. Notre héros s'appelle Meursault et c'est lui qui nous raconte son histoire.
Au début du roman, sa mère meurt, mais ça ne semble pas beaucoup l'affecter. Le jour après l'enterrement de sa mère le lendemain, il rencontre une jeune femme, Marie, et commence une relation avec elle. Tout va bien jusqu'à ce que le voisin de Meursault, Raymond, l'entraîne dans une histoire de règlement de comptes avec un groupe d'arabes. Car les événements se passent en Algérie quand ce pays était une colonie française. Raymond a frappé la sœur d'un arabe et celui-ci veut se venger.
À cause de cette histoire, Meursault tue cet homme avec un revolver un après-midi sur une plage. Mais on ne comprend pas vraiment pourquoi il le fait. Lui-même ne comprend pas vraiment son acte. C'est au moment de ce meurtre que nous nous sommes arrêtés la dernière fois. Aujourd'hui, nous allons vivre le procès de Meursault qui doit être jugé pour son crime.
Huit jours après mon arrestation, j'ai été interrogé par le juge d'instruction. Il m'a regardé avec curiosité. Il a voulu savoir si j'avais choisi un avocat. J'ai reconnu que non et que je n'en avais pas besoin car je trouvais mon affaire très simple. Il a souri en disant C'est un avis.
Pourtant, la loi est là. Si vous ne choisissez pas d'avocat, nous en choisirons un pour vous. J'ai trouvé ça très pratique. Tout cela me semblait être un jeu. Le lendemain, un avocat est venu me voir à la prison.
Il m'a dit que mon affaire était délicate mais qu'il ne doutait pas du succès je lui faisais confiance. Je l'ai remercié et il m'a dit Il m'a expliqué qu'on avait pris des renseignements sur ma vie privée. On avait su que ma mère était morte récemment à l'asile et que j'avais fait preuve d'insensibilité le jour de l'enterrement de maman. Vous comprenez m'a dit mon avocat. Ça me gêne un peu de vous demander cela, mais c'est très important.
Et ce sera un gros argument pour l'accusation si je ne trouve rien à répondre. Il voulait que je l'aide. Il m'a demandé si j'avais été triste ce jour-là. Cette question m'a beaucoup étonné. Répondu cependant que j'avais un peu perdu l'habitude de m'interroger et qu'il m'était difficile de répondre.
Sans doute, j'aimais bien maman, mais cela ne voulait rien dire. Tous les êtres saints avaient plus ou moins souhaité la mort de ceux qu'ils aimaient. Ici, l'avocat m'a coupé et a paru très agité. Il m'a fait promettre de ne pas dire cela pendant le procès. Il a réfléchi, il m'a demandé s'il pouvait dire que ce jour-là, j'avais dominé mes sentiments naturels.
Je lui ai dit non parce que c'est faux. Il m'a regardé d'une façon bizarre, comme si je lui inspirais un peu de dégoût. Il est parti avec un air fâché. J'aurais voulu le retenir et lui expliquer que j'étais comme tout le monde, absolument comme tout le monde. Mais tout cela, au fond, n'avait pas grande utilité et j'y ai renoncé par paresse.
Peu de temps après, j'ai à nouveau été interrogé par le juge d'instruction. Mon avocat n'avait pas pu venir, mais j'ai dit que je pouvais répondre seul. Alors le juge a déclaré Ce qui m'intéresse, c'est vous. N'ai pas bien compris ce qu'il entendait par là et je n'ai rien répondu. Il y a des choses, a-t-il ajouté, J'ai dit que tout était très simple.
Il m'a demandé de lui raconter à nouveau la journée où j'ai commis mon crime. Je lui ai tout répété Raymond, la plage, la dispute, encore la plage, le soleil et les cinq coups de revolver. Après un silence, il s'est levé et m'a dit qu'il voulait m'aider, que je l'intéressais et qu'avec l'aide de Dieu, il ferait quelque chose pour moi. Mais avant, il voulait me poser encore quelques questions. Sans transition, il m'a demandé si j'aimais maman.
J'ai dit oui, comme tout le monde. Toujours sans logique apparente, le juge m'a alors demandé si j'avais tiré les cinq coups de revolver à la suite. J'ai réfléchi et précisé que j'avais tiré une seule fois d'abord et après quelques secondes les quatre autres coups. Pourquoi avez-vous attendu entre le premier et le second coup a-t-il alors demandé. Je n'ai rien répondu.
Pourquoi Pourquoi avez-vous tiré sur un corps à terre Là encore, je n'ai pas su répondre. Pourquoi Il faut que vous me le disiez. Pourquoi Je me taisais toujours. Alors le juge a pris un crucifix dans son bureau et il l'a brandi face à moi. Il m'a dit très vite et d'une façon passionnée que lui croyait en Dieu, que sa conviction était qu'aucun homme n'était assez coupable pour que Dieu ne lui pardonne pas, mais qu'il fallait pour cela que l'homme reconnaisse sa faute.
Il me faisait un peu peur. Il m'a demandé si je croyais en Dieu. J'ai répondu que non. Le juge a eu l'air très déçu et fatigué. Il m'a demandé si je regrettais mon acte et j'ai dit que j'éprouvais plutôt un certain ennui.
J'ai eu l'impression qu'il ne me comprenait pas. Par la suite, j'ai souvent revu le juge d'instruction. Mais j'étais accompagné de mon avocat à chaque fois. On ne s'occupait pas vraiment de moi. On me demandait juste de préciser certains points de mes déclarations précédentes.
Personne n'était méchant avec moi, tout semblait naturel et bien réglé. J'avais l'impression ridicule de faire partie de la famille. En prison, j'ai d'abord été avec d'autres détenus, puis on m'a mis seul dans une cellule. Un jour, on m'a annoncé que j'avais une visite. J'ai pensé que c'était Marie et oui, c'était bien elle.
Nous nous sommes retrouvés au parloir, il y avait beaucoup de détenus et leurs familles. Tout le monde parlait très fort. Marie m'a demandé si j'étais bien et si j'avais tout ce que je voulais. J'ai répondu que oui. Elle m'a dit qu'il fallait espérer que je serais libéré et qu'on se marierait.
J'ai répondu, tu crois Mais c'était difficile de l'entendre à cause des autres conversations autour de nous. Au bout d'un moment, des gardiens sont venus me chercher pour me ramener dans ma cellule. J'ai regardé Marie une dernière fois. Elle souriait, mais elle avait l'air tendue. Pour moi, le plus difficile en prison, c'est que j'avais des pensées d'homme libre.
Par exemple, j'avais envie d'aller à la plage ou de fumer des cigarettes. Je pensais aussi beaucoup aux femmes. Pas à Marie ni à une femme en particulier, mais à toutes les femmes avec lesquelles j'avais couché. Petit à petit, je me suis habitué à la vie en prison. J'attendais la promenade quotidienne ou la visite de mon avocat.
J'ai pensé que finalement, on pouvait s'habituer à tout. En fait, je n'étais pas trop malheureux. Toute la question, encore une fois, était de tuer le temps. Je passais mon temps à me souvenir de mon ancienne vie et à dormir. Je dormais de seize à dix-huit heures par jour.
C'était la même journée qui se répétait encore et encore. Ainsi, le temps a passé. Après onze mois d'instruction, mon procès est arrivé. Ça m'intéressait de voir un procès. Je n'avais jamais eu l'occasion d'en voir dans ma vie.
La salle était remplie. J'ai vu les jurés assis en face de moi qui m'observaient. Il y avait aussi beaucoup de journalistes. Tout le monde se parlait comme dans un club où l'on est heureux de se retrouver. J'avais l'impression d'être de trop, comme un intrus.
Mon avocat est arrivé. Est allé vers les journalistes, a serré des mains. Ils ont plaisanté, ri et avaient l'air tout à fait à l'aise. Les trois juges sont entrés et le procès a commencé. Comme je ne connaissais pas les règles d'un procès, je n'ai pas très bien compris tout ce qui s'est passé ensuite.
Le président m'a questionné avec calme. Il a raconté ce qui s'était passé le jour de l'incident en me demandant de confirmer les faits. C'était assez long car il racontait ça avec beaucoup de détails. Ensuite, il m'a posé des questions sur maman. Il m'a demandé pourquoi je l'avais mise à l'asile.
J'ai répondu que c'était parce que je manquais d'argent pour la faire garder et soigner. Il m'a demandé si cela avait été difficile et j'ai répondu que ni maman ni moi n'attendions plus rien l'un de l'autre et que nous nous étions habitués à nos nouvelles vies. Le président a dit alors qu'il ne voulait pas insister sur ce point et il a demandé au procureur s'il ne voyait pas d'autres questions à me poser. Celui-ci a dit qu'il voulait savoir si j'étais retourné sur la plage avec l'intention de tuer l'arabe. J'ai répondu que non et que c'était simplement le hasard.
Le procès s'est interrompu pour le déjeuner. L'après-midi, tout a recommencé avec l'audition des témoins. C'est d'abord le directeur de l'asile de maman qui a été interrogé. Il a dit qu'il avait été surpris de mon calme le jour de l'enterrement, que je n'avais pas voulu voir maman et que je n'avais pas pleuré une seule fois. J'ai senti tous les regards se poser sur moi.
Pour la première fois depuis des années, j'ai eu une envie stupide de pleurer parce que j'ai senti combien j'étais détesté par tous ces gens-là. Pour la première fois, j'ai compris que j'étais coupable. Ensuite, on a fait venir les témoins cités par la défense. La défense, c'était moi. D'abord Céleste, le patron du restaurant.
On lui a demandé si j'étais son client et il a dit oui, mais c'était aussi un ami. On lui a demandé encore ce qu'il pensait de mon crime. Il a dit pour moi, c'est un malheur. Un malheur, tout le monde sait ce que c'est, ça vous laisse sans défense. Bien pour moi, c'est un malheur.
Il allait continuer, mais le président lui a dit que c'était bien et qu'on le remerciait. Céleste s'est alors retourné vers moi. Il avait l'air de me demander ce qu'il pouvait encore faire. Moi, je n'ai rien dit. Je n'ai fait aucun geste, mais c'est la première fois de ma vie que j'ai eu envie d'embrasser un homme.
C'était ensuite au tour de Marie. Elle semblait très nerveuse. Tout de suite, on lui a demandé depuis quand elle me connaissait. Elle a indiqué l'époque où elle travaillait chez nous. Après, le procureur lui a demandé quand avait commencé notre liaison.
Elle a indiqué la date. Le procureur a remarqué que c'était le lendemain de la mort de maman. Puis il a demandé à Marie de résumer cette journée où je l'avais connue. Marie ne voulait pas parler, mais devant l'insistance du procureur, elle a parlé de notre après-midi à la plage, de la comédie que nous avions vue au cinéma et de la nuit chez moi. Quand elle a fini, le silence était complet dans la salle.
Le procureur s'est alors levé et, le doigt tendu vers moi, il a articulé lentement. Messieurs les jurés, le lendemain de la mort de sa mère, cet homme allait à la plage, commençait une liaison irrégulière et allait rire devant un film comique. Je n'ai rien de plus à vous dire. Il s'est assis toujours dans le silence. Mais tout d'un coup, Marie a commencé à pleurer.
Elle a dit que ce n'était pas cela, qu'il y avait autre chose qu'on la forçait à dire le contraire de ce qu'elle pensait, qu'elle me connaissait bien et que je n'avais rien fait de mal. Mais on l'a faite sortir de la salle et l'audience a continué. Puis est venu le tour de Raymond qui était le dernier témoin. Le procureur lui a demandé pourquoi la lettre qui était à l'origine du drame avait été écrite par moi. Pourquoi j'avais témoigné en sa faveur au commissariat et pourquoi j'étais sur la plage le jour du crime Raymond a répondu que tout cela était le résultat du hasard.
Mais le juge a dit que cela faisait beaucoup de hasard. Le procureur s'est alors retourné vers le jury et a déclaré, le même homme qui, au lendemain de la mort de sa mère, commençait une relation sentimentale, a tué un homme pour aider son ami proxénète. Mais mon avocat, à bout de patience, s'est écrié. Enfin, est-il accusé d'avoir enterré sa mère ou d'avoir tué un homme Le public a ri. Alors le procureur lui a répondu avec force.
Oui, j'accuse cet homme d'avoir enterré une mère avec un cœur de criminel. Cette déclaration a semblé faire un effet considérable sur le public. J'ai compris que les choses n'allaient pas bien pour moi. L'audience a été levée. Même sur un banc d'accusé, il est toujours intéressant d'entendre parler de soi.
Pendant les plaidoiries du procureur et de mon avocat, je peux dire qu'on a beaucoup parlé de moi et peut-être plus de moi que de mon crime. J'étais parfois tenté d'intervenir et mon avocat me disait alors taisez-vous, cela vaut mieux pour votre affaire. On avait l'air de traiter cette affaire sans moi. De temps en temps, j'avais envie d'interrompre tout le monde et de dire, mais tout de même, qui est l'accusé C'est important d'être l'accusé et j'ai quelque chose à dire. Mais après tout, je n'avais rien à dire.
Le procureur a voulu démontrer que mon acte était un crime prémédité. Il a raconté tous les événements avec une certaine logique. C'est vrai que sa version était assez claire et plausible. Ensuite, il a demandé aux jurés Cet homme a-t-il seulement exprimé des regrets Jamais, messieurs. Pas une seule fois au cours de l'instruction, cet homme l'a semblé ému de son crime.
Il avait raison. Je ne regrettais pas beaucoup mon acte. Mais je ne comprenais pas pourquoi il s'acharnait tellement sur moi. Il a ensuite déclaré que je n'avais pas d'âme ni de morale et que je n'avais rien à faire avec une société dont j'ignorais les règles les plus essentielles. Il a fini sa plaidoirie en disant Je vous demande la tête de cet homme monstrueux.
Quand le procureur s'est rassis, il y a eu un moment de silence assez long. Le président m'a demandé si je n'avais rien à ajouter. Je me suis levé et comme j'avais envie de parler, j'ai dit un peu au hasard d'ailleurs que je n'avais pas eu l'intention de tuer l'arabe, que l'incident était arrivé à cause du soleil. Je me suis rendu compte de mon ridicule en entendant les rires dans la salle. L'audience a été interrompue jusqu'à l'après-midi, puis mon avocat a commencé sa plaidoirie.
Elle semblait interminable. Il a dit que j'étais un honnête homme, un travailleur régulier, fidèle à son entreprise. Pour lui, j'étais un fils modèle qui avait soutenu sa mère aussi longtemps qu'il l'avait pu. Ensuite, la séance s'est interrompue pour que les jurés prennent leurs décisions et on m'a fait sortir de la salle. Mon avocat m'a dit qu'il était confiant.
Après quarante-cinq minutes, on m'a à nouveau fait entrer dans la salle pour m'annoncer ma sentence. Le président a dit Vous aurez la tête coupée sur une place publique au nom du peuple français. Puis il m'a demandé si j'avais quelque chose à ajouter. J'ai réfléchi, j'ai dit non. C'est alors qu'on m'a emmené.
Dans ma cellule, je me demandais comment se passerait mon exécution. Je me demandais aussi si des condamnés avaient déjà réussi à s'échapper. Au moins une fois. Dans un sens, je crois que cela m'aurait suffi. Mon coeur aurait imaginé le reste.
Tout cela me semblait ridicule. La sentence aurait pu être complètement différente. Mais j'étais obligé de reconnaître que dès la seconde où elle avait été prononcée, ses effets devenaient certains. J'imaginais le moment où il viendrait me chercher. J'essayais de ne pas y penser, mais c'était plus fort que moi.
Un prêtre est venu me rendre visite. Je lui ai dit que je ne croyais pas en Dieu. Il a voulu savoir si j'en étais bien sûr et j'ai dit que cela me paraissait une question sans importance. Je lui ai dit que ça ne m'intéressait pas. Il m'a demandé si je parlais comme ça à cause du désespoir.
Je lui ai expliqué que je n'étais pas désespéré. J'avais seulement peur. C'était bien naturel. Dieu peut vous aider, a-t-il remarqué. Tous ceux que j'ai connus dans votre cas se sont tournés vers lui.
J'ai reconnu que c'était leur droit. Mais moi, je ne voulais pas qu'on m'aide et je n'avais pas le temps de m'intéresser à ces questions. Il a eu l'air de s'énerver. Il m'a dit que s'il me parlait comme ça, ce n'était pas parce que j'étais condamné à mort. À son avis, nous étions tous condamnés à mort.
Mais je l'ai interrompu en lui disant que ce n'était pas la même chose et que d'ailleurs, ce ne pouvait être en aucun cas une consolation. Certes, a-t-il approuvé, mais vous mourrez plus tard si vous ne mourrez pas aujourd'hui. La même question se posera alors. Comment vivrez-vous cette terrible épreuve J'ai répondu que je la vivrais exactement comme je la vivais en ce moment. Alors le prêtre s'est levé et m'a regardé droit dans les yeux.
Il m'a demandé, n'avez-vous donc aucun espoir et vivez-vous avec la pensée que vous allez mourir Oui ai-je répondu. J'ai senti qu'il commençait à m'ennuyer. Selon lui, la justice des hommes n'était rien et la justice de Dieu, tout. J'ai répondu que c'était la première qui m'avait condamné. Il m'a répondu qu'elle n'avait pas pour autant lavé mon péché.
Je lui ai dit que je ne savais pas ce qu'était un péché. On m'avait seulement appris que j'étais un coupable. J'étais coupable, je payais, on ne pouvait rien me demander de plus. Il m'a répondu que si, on pourrait me demander plus. Le prêtre m'a regardé avec une sorte de tristesse, puis il a demandé si je lui permettais de m'embrasser.
Non, ai-je répondu. Je voulais lui demander de partir, mais il s'est écrié. Non, je ne peux pas vous croire. Je suis sûr qu'il vous est arrivé de souhaiter une autre vie. Je lui ai répondu que naturellement, mais cela n'avait pas plus d'importance que de souhaiter d'être riche, de nager très vite ou d'être plus beau.
C'était du même ordre. Mais lui m'a arrêté et il voulait savoir comment je voyais cette autre vie. Alors je lui ai crié Une vie où je pourrais me souvenir de celle-ci. Et aussitôt, je lui ai dit que j'en avais assez. Il voulait encore me parler de Dieu, mais je me suis avancé vers lui et j'ai tenté de lui expliquer une dernière fois qu'il me restait peu de temps.
Je ne voulais pas le perdre avec Dieu. Il a essayé de changer de sujet en me demandant pourquoi je l'appelais monsieur et non pas mon père. Cela m'a énervé, je lui ai répondu qu'il n'était pas mon père. Il était avec les autres. Non, mon fils, a-t-il dit en mettant la main sur mon épaule.
Je suis avec vous, mais ne pouvez pas le savoir parce que vous avez un cœur aveugle. Je prierai pour vous. Alors, je ne sais pas pourquoi il y a quelque chose qui a explosé en moi. Je me suis mis à crier. Je l'ai insulté et je lui ai dit de ne pas prier.
Je l'ai attrapé par le col. Il avait l'air si certain, n'est-ce pas Pourtant, aucune de ses certitudes ne valait un cheveu de femme. Il n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, sûr de tout, plus sûr que lui, sûr de ma vie et de cette mort qui allait venir.
Oui, je n'avais que cela. Mais du moins, je tenais cette vérité autant qu'elle me tenait. J'avais eu raison. J'avais encore raison. J'avais toujours raison.
J'avais vécu de telle façon et j'aurais pu vivre de tel autre. J'avais fait ceci et je n'avais pas fait cela. Je n'avais pas fait telle chose alors que j'avais fait cette autre. Et après C'était comme si j'avais attendu pendant tout le temps sept minutes. Rien, rien n'avait d'importance et je savais bien pourquoi.
Lui aussi savait pourquoi. La mort des autres, l'amour d'une mère, son Dieu, les vies qu'on choisit, tout cela n'avait aucune importance. Comprenait-il Comprenait-il donc Tout le monde était privilégié. Il n'y avait que des privilégiés. Autres aussi, on les condamnerait un jour.
Lui aussi, on le condamnerait. Des gardiens sont arrivés pour nous séparer et m'ont menacé. Le prêtre les a calmés et m'a regardé un moment en silence. Il avait les yeux pleins de larmes. Il s'est retourné et il est parti.
J'ai retrouvé le calme. J'étais épuisé et je me suis endormi. Puis j'ai été réveillé par des sirènes. Elles annonçaient des départs pour un monde qui maintenant était à jamais indifférent. Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai pensé à maman.
Elle avait essayé de recommencer sa vie à l'asile. Personne, personne n'avait le droit de pleurer sur elle. Et moi aussi, je me suis senti prêt à tout revivre. Comme si cette grande colère m'avait purgé du mal, vidé d'espoir, devant cette nuit chargée de signes et d'étoiles, je m'ouvrais, pour la première fois, à la tendre indifférence du monde. J'ai senti que j'avais été heureux et que je l'étais encore.
Pour que tout soit consommé, pour que je me sente moins seul, il me restait à souhaiter qu'il y ait beaucoup de Ainsi se termine l'étranger d'Albert Camus. C'est un livre essentiel si vous voulez comprendre sa philosophie. Pour Camus, la vie des individus, l'existence humaine en général n'ont pas de sens ni d'ordre rationnel. Mais c'est une chose difficile à accepter pour nous et c'est pour ça que nous essayons toujours de donner une signification à nos actions, à trouver un sens rationnel. Vous avez vu que le héros, Meursault, n'est pas logique dans ses actes, comme sa décision de se marier ou celle de tuer l'arabe.
Cependant, la société, la justice cherche des explications rationnelles aux actions irrationnelles de Meursault. L'idée que les choses se passent parfois sans raison fait peur à la société. Elle y voit une menace. Personnellement, je ne sais pas si Camus a raison, notre existence est totalement absurde. Mais c'est vrai qu'il est plus rassurant de lui donner un sens.
Je vous laisse sur cette grande question philosophique. Si vous avez une réponse, écrivez-moi pour me la dire. Je suis très curieux de savoir ce que vous en pensez. En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on se retrouve dans deux semaines pour un nouveau Merci de m'avoir écouté et à bientôt.