L'apprentissage, vous savez, c'est l'action d'apprendre. Alors pour faire ça, je prépare des sujets qui me semblent intéressants et je vous en parle de façon simple. Mon but, c'est que vous oubliez que vous êtes en train de faire du français et que vous appreniez de nouvelles choses. D'ailleurs, il y a deux semaines, vous avez peut-être reçu un email de ma part. J'ai écrit aux personnes qui sont membres du site InnerFrench, celles qui se sont inscrites pour avoir accès aux transcriptions des podcasts.
Je vous ai écrit pour vous poser trois questions sur votre apprentissage du français et vos difficultés. Et je veux profiter de cet épisode pour remercier tous les auditeurs et les auditrices qui m'ont répondu. J'ai reçu énormément de réponses qui ont été très utiles. Maintenant, j'ai plein d'idées pour vous aider encore plus. Ça va me demander pas mal de travail, mais j'espère pouvoir concrétiser la première idée d'ici la fin du mois.
Je vous en dirai plus à ce moment-là. Ah d'ailleurs, ça c'est une expression très utile, en dire plus à quelqu'un. Vous savez qu'en français, il y a beaucoup d'expressions avec en. Bon, je ne vais pas entrer dans les détails, mais normalement, le pronom en remplace un complément qui est introduit Sauf qu'il y a certaines expressions où en ne remplacent rien de concret. Ils suggèrent simplement quelque chose.
Par exemple, l'expression en dire plus suggère qu'on a d'autres choses à ajouter. Vous pouvez l'utiliser comme ça. Je t'en dirai plus demain. Ou pour le moment, je ne t'en dis pas plus. Et moi, je vous en dirai plus sur mon idée la prochaine fois.
Mais aujourd'hui, je vais plutôt vous raconter une histoire, celle du célèbre roman d'Albert Camus, L'étranger. Je suis presque sûr que vous en avez déjà entendu parler. C'est le deuxième roman francophone le plus lu dans le monde après le Petit Prince. C'est un roman que je recommande à mes élèves car il est assez facile à comprendre. En plus, comme il a été écrit au vingtième siècle, il est plus simple que les romans de Maupassant ou de Zola.
Le problème avec ces auteurs, c'est qu'ils ont un style et un vocabulaire très différent du français actuel, du français contemporain. Donc ils peuvent être vraiment difficiles à lire pour des non francophones. C'est pour ça que je recommande plutôt de lire des œuvres du vingtième siècle et si possible d'après la Seconde Guerre mondiale. Leur style est beaucoup plus proche du français d'aujourd'hui. Alors l'étranger, c'est le tout premier roman de Camus.
Il nous raconte l'histoire d'un homme qui vit à Alger, la capitale de l'Algérie, au moment où ce pays était encore une colonie française. On ne sait pas exactement en quelle année l'histoire se passe, mais on peut imaginer que c'est vers la fin des années trente. Le héros s'appelle Meursault. C'est lui le narrateur, on découvre sa vie à travers ses yeux. Et vous allez voir que Meursault est un peu différent de vous et moi.
À vrai dire, on a l'impression qu'il ne pas grand-chose, que les événements qu'il vit ne l'affectent pas. Il décrit tout ça avec une certaine distance, avec indifférence. C'est aussi pour ça que le roman est facile à comprendre. Moi, j'ai repris une grande partie du texte original, mais j'ai aussi coupé certains passages et réécrit certaines phrases pour que ce soit plus facile à suivre. Il y a deux parties dans ce roman.
Aujourd'hui, je vais seulement vous lire la première et nous ferons la deuxième dans le prochain épisode. Allez, je vous ai assez fait attendre, maintenant il est temps de rencontrer l'étranger. Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile, mère décédée, enterrement demain, sentiment distingué.
Cela ne veut rien dire, c'était peut-être hier. L'asile de vieillards est à Marengo à quatre-vingts kilomètres d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans l'après-midi. J'ai demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les refuser avec une excuse pareille. Mais il n'avait pas l'air content.
Je lui ai même dit, ce n'est pas ma faute. Il n'a pas répondu. Je pensais alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. Je n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses condoléances, mais il le fera sans doute après-demain quand il me verra en deuil.
Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas morte. Après l'enterrement, au contraire, ça sera une affaire classée et tout semblera plus officiel. Je devais prendre l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé au restaurant chez Céleste comme d'habitude.
Ils avaient tous beaucoup de peine pour moi et Céleste m'a dit, on n'a qu'une mère. J'ai couru pour ne pas manquer le départ du bus. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Quand je suis arrivé à l'asile, le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. C'était un petit vieux.
Il a consulté un dossier et m'a dit Madame Meursault est entrée ici il y a trois ans, vous étiez son seul soutien. J'ai cru qu'il me reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a interrompu. Vous n'avez pas à vous justifier. J'ai lu le dossier de votre mère.
Vous ne pouviez pas subvenir à ses besoins. Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes et tout compte fait, elle était plus heureuse ici. J'ai dit, oui, monsieur le directeur. Il a ajouté, vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge.
Vous, vous êtes jeunes et elle devait s'ennuyer avec vous. C'était vrai. Quand elle était à la maison, maman passait son temps à me suivre des yeux en silence. Dans les premiers jours où elle était à l'asile, elle pleurait souvent. Mais c'était à cause de l'habitude.
Au bout de quelques mois, elle aurait pleuré si on l'avait retirée de l'asile. Toujours à cause de l'habitude. C'est un peu pour cela que dans la dernière année, je n'y suis presque plus allé. Et aussi parce que cela me prenait mon dimanche sans compter l'effort pour aller à l'autobus, prendre des tickets et faire deux heures de route. Puis le directeur m'a dit, je suppose que vous voulez voir votre maire.
Je me suis levé sans rien dire et il m'a accompagné jusqu'au bâtiment où se trouvait maman. Une fois à la porte, le directeur m'a quitté. Je suis entré mais je n'ai pas voulu voir le corps de maman. Le concierge est arrivé lui aussi et nous avons commencé à bavarder. La nuit est tombée rapidement et les amis de maman, les autres patients de l'asile, sont venus nous rejoindre.
Nous ne nous sommes pas parlé. Une des femmes a pleuré pendant un long moment. Je fumais et buvais du café. Puis j'ai fini par m'endormir. Quand je me suis réveillé le matin, le concierge a fait sortir les vieux qui dormaient encore là et il m'a conduit chez lui pour boire un café au lait qui était très bon.
Quand je suis sorti, le soleil brillait. C'était une belle journée qui se préparait. Ça faisait longtemps que j'étais allé à la campagne et je sentais quel plaisir j'aurais pris à me promener s'il n'y avait pas eu maman. Le directeur m'a à nouveau appelé dans son bureau. Il m'a fait signer plusieurs papiers, puis il m'a annoncé que tout était prêt pour l'enterrement.
Il m'a dit qu'il assisterait à l'enterrement et je l'ai remercié. Il faisait de plus en plus chaud. Tout l'enterrement s'est passé avec tant de précipitations, de certitudes et de naturel que je me souviens seulement de quelques images. Je me souviens surtout de ma joie quand l'autobus est revenu à Alger et que j'ai pensé que j'allais me coucher et dormir pendant douze heures. En me réveillant, j'ai compris pourquoi mon patron avait l'air mécontent quand je lui ai demandé mes deux jours de congé.
C'est aujourd'hui samedi. Mon patron tout naturellement a pensé que j'aurais ainsi quatre jours de vacances avec mon dimanche et cela ne pouvait pas lui faire plaisir. Mais d'une part, ce n'est pas ma faute si on a enterré maman hier au lieu d'aujourd'hui et d'autre part, j'aurais eu mon samedi et mon dimanche de toute façon. Mais je comprends quand même mon patron. J'ai décidé d'aller à la plage pour me baigner.
Là, j'ai retrouvé dans l'eau Marie Cardona, une ancienne secrétaire de mon bureau qui m'attirait à l'époque. Je crois que je lui plaisais aussi. Nous avons nagé ensemble, puis je lui ai demandé si elle voulait venir au cinéma le soir. Elle a accepté. Le film était drôle par moments et puis vraiment trop bête.
Vers la fin de la séance, je l'ai embrassée et elle est venue chez moi après le film. Quand je me suis réveillé, Marie était partie. Elle m'avait expliqué qu'elle devait aller chez sa tante. J'ai pensé que c'était dimanche et cela m'a ennuyé. Je n'aime pas le dimanche.
Alors j'ai fait la grasse matinée en fumant des cigarettes dans mon lit jusqu'à midi. Le reste de la journée est passé, je n'ai rien fait de spécial à part regarder les passants depuis mon balcon. J'ai pensé que c'était juste un dimanche de plus, que maman était maintenant enterrée, que j'allais reprendre mon travail et que finalement rien n'avait changé. Aujourd'hui, j'ai beaucoup travaillé au bureau. Le patron a été aimable.
Il m'a demandé si je n'étais pas trop fatigué et il a voulu savoir aussi l'âge de maman. J'ai dit une soixantaine d'années pour ne pas me tromper. À midi, je suis allé manger chez Céleste avec mon collègue Emmanuel. Il m'a demandé si ça allait quand même. Je lui ai dit que oui et que j'avais faim.
J'ai mangé très vite et j'ai pris du café. Puis je suis rentré chez moi, j'ai fait une sieste parce que j'avais trop bu de vin et en me réveillant, j'ai eu envie de fumer. Ensuite, je suis retourné au bureau et j'ai travaillé tout l'après-midi. En rentrant chez moi, j'ai croisé le vieux Salamano, mon voisin. Il était avec son chien.
Ils se ressemblaient tous les deux, mais ils se détestaient. Salamano passait son temps à battre son chien. Mon deuxième voisin, Raymond Sintes, est entré dans l'immeuble. Il était assez petit avec de larges épaules et un nez de boxeur, toujours bien habillé. On ne l'appréciait pas trop dans le quartier.
Il paraissait qu'il gagnait de l'argent grâce à des prostituées. Mais moi, je passais du temps avec lui car je trouvais qu'il racontait des choses intéressantes. Raymond m'a invité à manger chez lui et j'ai accepté. J'ai vu qu'il avait une blessure à la main et il m'a raconté qu'il s'était battu avec un homme qui l'avait provoqué dans la rue. Justement, j'ai un conseil au sujet de cette affaire à vous demander, m'a-t-il dit.
Si vous acceptez de m'écouter et de m'aider, on deviendra copain. J'ai répondu que ça m'était égal. Il a eu l'air satisfait et il a commencé à me raconter son histoire. J'ai connu une dame, c'était pour ainsi dire ma maîtresse. L'homme avec qui il s'était battu était le frère de cette femme.
Il m'a dit qu'il s'était occupé d'elle, qu'il payait pour le loyer de sa chambre et qu'il lui donnait de l'argent chaque jour. Mais elle disait que ça n'était pas suffisant, qu'elle avait besoin de plus d'argent, a-t-il ajouté. Alors je lui ai conseillé de trouver du travail, mais elle m'a répondu qu'elle ne voulait pas. J'ai commencé à avoir des doutes et j'ai trouvé des objets chez elle sans savoir comment elle les avait achetés. C'est là que j'ai compris qu'elle me trompait.
Alors je l'ai quitté. Mais d'abord, je l'ai battue. Pour lui, ça n'était pas assez. Il voulait la punir encore plus, c'est pour ça qu'il avait besoin de mes conseils. Son idée était d'écrire une lettre à cette femme pour la convaincre de revenir avec lui, puis de l'humilier une dernière fois.
Il voulait que ce soit moi qui écrive la lettre. J'ai accepté et je l'ai écrite tout de suite. Il a semblé très content du résultat et m'a dit que maintenant nous étions vraiment amis. J'ai bien travaillé toute la semaine. Hier, c'était samedi.
J'ai retrouvé Marie et nous sommes allés à une plage à quelques kilomètres d'Alger. Nous avons passé l'après-midi à jouer dans l'eau et à nous embrasser, puis nous sommes rentrés chez moi. Ce matin, Marie est restée et elle m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non. Elle a eu l'air triste.
Mais ensuite, elle a préparé le déjeuner comme si de rien n'était. C'est à ce moment que les bruits d'une dispute ont éclaté chez Raymond. On a d'abord entendu une voix aiguë de femme et puis Raymond qui disait, tu m'as manqué, tu m'as manqué, je vais t'apprendre à me manquer. La femme a hurlé si fort que tous les voisins sont sortis sur le palier. Marie et moi nous sommes sortis aussi.
La femme criait toujours et Raymond frappait toujours. Marie m'a dit que c'était terrible et je n'ai rien répondu. Elle m'a demandé d'aller chercher un policier mais je lui ai dit que je n'aimais pas les policiers. Un autre voisin est allé en chercher un. Il a frappé à la porte et Raymond a ouvert après un long moment.
Le policier a dit à la femme de partir et il a noté le nom de Raymond. Marie et moi avons fini de préparer le déjeuner, Mais elle n'avait pas faim, j'ai presque tout mangé. Elle est partie à une heure et j'ai dormi un peu. Vers trois heures, Raymond est entré chez moi. Il m'a raconté qu'il avait accompli sa vengeance, mais qu'après la femme l'avait giflé.
C'est pour ça qu'il l'avait battue. Je lui ai dit qu'il me semblait que maintenant elle était punie et qu'il devait être content. C'était aussi son avis. Il m'a demandé si je voulais sortir avec lui. Il m'a dit qu'il fallait que je lui serve de témoins devant les policiers.
Moi, cela m'était égal, mais je ne savais pas ce que je devais dire. Selon Raymond, il suffisait de déclarer que la fille lui avait manqué. J'ai accepté de lui servir de témoin. Nous sommes sortis et nous avons passé un bon moment. Je trouvais que Raymond était très gentil.
En rentrant, nous avons vu le vieux Salamano qui avait l'air agité. Quand nous nous sommes rapprochés, Quand Raymond lui a demandé ce qu'il avait, il a répondu que son chien s'était enfui pendant leur promenade. Raymond et moi, on lui a dit que son chien allait sûrement revenir. Mais le vieux avait l'air de plus en plus agité. Il avait peur que des employés de la fourrière trouvent son chien et le prennent.
Mais s'il me demande de l'argent pour le récupérer, le chien peut bien crever. Raymond et moi, nous sommes rentrés chez nous. Un moment après, le vieux Salamano a frappé à ma porte. Quand j'ai ouvert, il m'a dit, Ils ne vont pas me le prendre, dit monsieur Meursault. Ils vont me le rendre.
Qu'est-ce que je vais devenir sinon Je lui ai dit que la fourrière gardait les chiens trois jours à la disposition de leur propriétaire et qu'ensuite elle en faisait ce que bon lui semblait. Il m'a regardé en silence. Puis il m'a dit bonsoir. Il a fermé sa porte et après j'ai entendu qu'il pleurait chez lui. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à maman, Mais il fallait que je me lève tôt le lendemain.
Je n'avais pas faim et je me suis couché sans dîner. Raymond m'a téléphoné au bureau pour m'inviter à passer la journée de dimanche chez un de ses amis près d'Alger. Je lui ai répondu que je voulais bien, mais que j'étais censé voir Marie ce jour-là, alors il m'a dit de venir avec elle. J'ai accepté. Il voulait aussi m'avertir d'autre chose.
Il avait été suivi toute la journée par un groupe d'arabes parmi lesquels se trouvait le frère de son ancienne maîtresse. Si tu le vois près de la maison ce soir en rentrant, avertis-moi. Peu après, le patron m'a fait venir dans son bureau. Il avait l'intention d'installer un bureau à Paris et il voulait savoir si j'accepterais d'y aller. Cela me permettrait de vivre à Paris et aussi de voyager une partie de l'année.
Vous êtes jeune et il me semble que c'est une vie qui doit vous plaire a-t-il dit. J'ai dit que oui mais que dans le fond, cela m'était égal. Il m'a demandé alors si je n'étais pas intéressé par un changement de vie. J'ai répondu qu'on ne changeait jamais de vie, qu'en tout cas, tout se valait et que la mienne ici ne me déplaisait pas du tout. Il a eu l'air mécontent, m'a dit que je répondais toujours à côté, que je n'avais pas d'ambition et que cela était très mauvais pour les affaires Alors je suis retourné travailler Je ne voyais pas de raison pour changer ma vie.
En y réfléchissant bien, je n'étais pas malheureux. Quand j'étais étudiant, j'avais beaucoup d'ambitions de ce genre. Mais quand j'ai dû abandonner mes études, j'ai très vite compris que tout cela était sans importance réelle. Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait.
Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu, comme j'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. Pourquoi m'épouser alors a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n'avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D'ailleurs, c'était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui.
Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J'ai répondu non. Elle m'a regardé en silence, puis elle m'a demandé si j'aurais accepté la même proposition venant d'une autre femme à qui je serais attaché de la même façon. J'ai dit naturellement. Elle s'est demandée alors si elle m'aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point.
Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela, mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je n'avais rien à ajouter, elle m'a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu'elle voulait se marier avec moi. Ensuite, nous nous sommes promenés dans la ville jusqu'au soir. Marie est partie car elle avait des choses à faire. J'ai dîné au restaurant, puis en rentrant chez moi, j'ai trouvé le vieux Salamano.
Je l'ai fait entrer et il m'a appris que son chien était perdu car il n'était pas à la fourrière. Les employés lui avaient dit que peut-être il avait été écrasé. J'ai dit au vieux Salamano qu'il pourrait avoir un autre chien, mais il m'a dit qu'il était habitué à celui-là. Je lui ai posé quelques questions sur son chien, Il m'a dit qu'il l'avait eu après la mort de sa femme et il a commencé à me raconter sa vie. Il m'a dit que maman aimait beaucoup son chien.
En parlant d'elle, il l'appelait votre pauvre mère. Il a ajouté qu'il savait que dans le quartier, on m'avait mal jugé parce que j'avais mis ma mère à l'asile mais il me connaissait et il savait que j'aimais beaucoup maman. J'ai répondu que je l'ignorais mais que mettre maman à l'asile m'avait paru une chose naturelle puisque je n'avais pas assez d'argent pour la faire garder. D'ailleurs ai-je ajouté, il y avait longtemps qu'elle n'avait rien à me dire et qu'elle s'ennuyait toute seule. Oui, m'a-t-il dit.
Et à l'asile, du moins, on se fait des camarades. Puis il est rentré chez lui. Le dimanche, Marie est venue me réveiller et je me suis préparé pour aller chez l'ami de Raymond. La veille, nous étions allés au commissariat et j'avais témoigné que la fille avait manqué à Raymond. Il s'en est sorti avec un avertissement.
Les policiers n'ont pas contrôlé mon affirmation. Avant de partir pour la plage, Raymond m'a montré un groupe d'Arabes en face qui nous regardait en silence. Il m'a dit qu'un des hommes du groupe était celui dont il m'avait parlé. Mais il a ajouté que c'était maintenant une histoire finie. Marine ne comprenait pas très bien et nous a demandé ce qu'il y avait.
Je lui ai dit que c'était des Arabes qui en voulaient à Raymond. Elle a voulu qu'on parte tout de suite. Nous sommes allés vers l'arrêt d'autobus qui était un peu plus loin et Raymond m'a annoncé que les Arabes ne nous suivaient pas. Je me suis retourné. Ils étaient toujours à la même place et ils regardaient avec indifférence l'endroit que nous venions de quitter.
Nous avons pris l'autobus. Nous sommes descendus dans la banlieue d'Alger. La plage n'était pas loin de l'arrêt d'autobus. L'ami de Raymond habitait juste au bout de la plage. Il s'appelait Masson.
C'était un grand type avec une petite femme ronde et gentille à l'accent parisien. Il nous a dit tout de suite de nous mettre à l'aise et qu'on mangerait des poissons qu'il avait pêchés le matin même. Je suis allé me baigner avec Marie et Masson. Je me sentais bien avec Marie. Nous étions en parfaite harmonie dans la mer.
Ensuite, nous sommes retournés nous allonger sur la plage, puis nous sommes allés manger tous ensemble. Nous avons bu beaucoup de vin et au moment du café, j'avais la tête un peu lourde. Après le repas, Raymond, Masson et moi À un moment, Raymond a dit à Masson quelque chose que j'ai mal entendu. Mais j'ai aperçu en même temps, tout au bout de la plage, deux Arabes qui venaient dans notre direction. J'ai regardé Raymond et il m'a dit, c'est lui.
Nous avons continué à marcher. Les Arabes avançaient lentement et ils étaient déjà beaucoup plus rapprochés. Raymond a dit, s'il y a de la bagarre, toi, maçon, tu prendras le deuxième. Moi, je me charge de mon type. Toi Meursault, s'il en arrive un autre, il est pour toi.
J'ai dit oui. Et Masson a mis ses mains dans les poches. Quand nous avons été à quelques pas les uns des autres, les Arabes se sont arrêtés. Raymond est allé tout droit vers son type. J'ai mal entendu ce qu'il lui a dit, mais l'autre a fait semblant de lui donner un coup de tête.
Raymond a frappé alors une première fois et il a tout de suite appelé maçon. Masson est allé à celui qu'on lui avait désigné et il l'a frappé. Pendant ce temps, Raymond aussi frappait l'autre. Raymond s'est retourné vers moi et a dit Tu vas voir ce qu'il va prendre. Je lui ai crié Attention, il a un couteau.
Mais déjà Raymond avait le bras ouvert et la bouche tailladée. Nous nous sommes arrêtés. Les deux Arabes reculaient en nous menaçant avec le couteau et puis ils se sont enfuis. Nous sommes rentrés et Raymond est parti avec Masson voir un docteur qui n'était pas loin. Je suis resté pour expliquer aux femmes ce qui était arrivé.
Madame Masson pleurait et Marie était très pâle. Moi, cela m'ennuyait de leur expliquer. J'ai fini par me taire et j'ai fumé en regardant la mer. Vers une heure et demie, Raymond est revenu avec Masson. Le docteur lui avait dit que ce n'était rien, mais Raymond avait l'air très sombre.
Il est parti vers la plage et je l'ai suivi. Nous avons marché longtemps sur la plage. Le soleil était maintenant écrasant. Nous sommes arrivés enfin à une petite source d'eau qui coulait dans le sable derrière un gros rocher. Là, nous avons trouvé nos deux Arabes.
Ils étaient couchés. Ils avaient l'air tout à fait calmes et presque contents. Notre venue n'a rien changé. Celui qui avait frappé Raymond le regardait sans rien dire. Raymond a pris son revolver, mais l'autre n'a pas bougé.
Raymond m'a demandé Je le tue Je lui ai répondu Il ne t'a pas encore parlé, tu ne devrais pas tirer comme ça. Puis Raymond a dit, alors je vais l'insulter et quand il répondra, je le tuerai. Non, ai-je dit à Raymond, prends-le d'homme à homme et donne-moi ton revolver. Si l'autre intervient ou s'il tire son couteau, je le tuerai. Raymond m'a donné son revolver.
J'ai pensé à ce moment qu'on pouvait tirer ou ne pas tirer. Mais brusquement, les Arabes sont partis. Raymond et moi sommes alors rentrés chez Masson. Raymond semblait aller mieux et il a parlé de l'autobus du retour. Moi ça m'était égal d'être ici ou là, mais j'ai décidé de retourner vers la plage.
Il faisait très chaud. J'ai marché longtemps. J'ai fini par arriver au rocher où nous avions vu les Arabes. C'est là que j'ai vu que le type de Raymond était revenu. Il était seul allongé sur le sable.
J'ai été un peu surpris. Pour moi, c'était une histoire finie et j'étais venu là sans y penser. Dès qu'il m'a vu, il s'est levé un peu et a mis la main dans sa poche. Moi naturellement, j'ai serré le revolver de Raymond dans ma veste. J'ai pensé que je pouvais juste repartir et que ce serait fini.
Mais le soleil brûlant et la longue plage derrière moi me décourageaient. J'ai attendu. C'était le même soleil que le jour où j'avais enterré maman, et comme ce jour-là, j'avais mal à la tête. Pour éviter le soleil qui me brûlait, j'ai fait un pas en avant. Et cette fois, l'arabe a sorti son couteau.
La lumière s'est reflétée sur la lame et m'a aveuglé, d'autant plus que j'avais les yeux couverts de sueur. C'est alors que tout a basculé. J'ai tiré sur l'arabe. J'ai compris que j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. Alors j'ai tiré encore quatre fois sur son corps qui ne bougeait plus.
Et c'était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur. Pas mal non Je suis sûr que vous voulez connaître la suite. Si vous ne voulez pas attendre, vous pouvez trouver sur YouTube une lecture complète faite par Albert Camus lui-même. Bon, elle dure presque trois heures donc il faut être motivé, mais je pense que c'est un très bon exercice. Je vais mettre le lien dans la description du podcast.
Et bien sûr, je vous encourage aussi à lire le livre vous-même si vous avez le temps. En tout cas, merci beaucoup de m'avoir écouté. Je vous rappelle que si vous voulez m'aider, vous pouvez laisser une évaluation du podcast sur iTunes ou sur Facebook. N'oubliez pas non plus de vous abonner pour recevoir automatiquement tous les nouveaux épisodes. Et si vous avez des questions, envoyez-moi un email à l'adresse Hugo at inner french point com.
On se retrouve dans deux semaines pour la suite de cette histoire. Et en attendant, n'oubliez pas de faire un peu de français tous les jours. À bientôt, bye bye.