Moi aussi, j'apprends des langues étrangères, en particulier le polonais et je sais qu'au début, c'est vraiment difficile de trouver des choses intéressantes à écouter. Dans les méthodes traditionnelles, on trouve souvent des histoires ennuyeuses parce que les professeurs qui écrivent ces livres pensent que le plus important, c'est la grammaire. Au contraire, moi je pense que le plus important, c'est le contenu. Si le contenu vous intéresse, alors vous aurez envie de continuer d'apprendre, vous resterez motivé. Et justement, la semaine dernière, j'ai reçu un message d'une auditrice, autrement dit d'une dame qui écoute le podcast.
Laissez-moi vous lire ce qu'elle a écrit. Salut Hugo, merci beaucoup pour tes merveilleux podcasts, je les adore. Je m'appelle Lim, je suis anglaise et j'habite en Angleterre. J'ai appris le français quand j'étais à l'école il y a trente-cinq ans. Toutefois, j'aime beaucoup la langue française et au cours des années, j'avais l'occasion de la parler de temps en temps.
Pas assez malheureusement. Et il est très facile d'oublier les mots et les phrases. Aussi, il est très difficile pour moi de comprendre le français quand les personnes le parlent à une vitesse normale. Et puis j'ai trouvé tes podcasts. Tu parles lentement et clairement pour me permettre de comprendre et s'il y a des mots ou des phrases difficiles, tu les expliques.
En plus, les sujets dont tu parles sont très intéressants et amusants. Ça m'a donné envie de rejoindre un groupe français de conversation afin d'utiliser la langue et pas seulement de l'écouter. Merci Lil pour ton message. Si j'ai décidé de vous le lire, c'est parce que ça me fait très plaisir de recevoir ce genre d'e-mails. Donc n'hésitez pas à m'écrire vous aussi si vous voulez me faire plaisir.
En plus, je pense que c'est un très bon exercice. Quand on essaye d'écrire, on se pose plein de questions sur la façon de dire ceci ou cela. Donc ça nous oblige à chercher du vocabulaire et de nouvelles structures. Ce qui me plaît aussi dans l'e-mail de Line, c'est qu'elle utilise beaucoup de connecteurs logiques. Les connecteurs logiques, ce sont des mots qu'on utilise pour structurer un texte, pour en montrer la logique et la progression.
Les Français pensent qu'ils sont très rationnels. Personnellement, je ne sais pas si c'est vrai mais en tout cas, c'est ce que nous croyons. Vous avez peut-être entendu parler d'un des pères du rationalisme moderne, René Descartes et si oui, vous savez sûrement qu'il était français. Bref, tout ça pour dire qu'en français, la structure d'un texte est très importante, elle est essentielle. Donc, pour la rendre plus visible, pour montrer comment les arguments s'enchaînent, on utilise ces mots qu'on appelle des connecteurs logiques.
Par exemple, dans le mail de Lime, il y avait toutefois, et puis, aussi, en plus, et caetera. Grâce à ces mots, le texte est beaucoup plus clair. On comprend bien les idées de Line et sa logique. À l'oral, on n'utilise pas vraiment de connecteur logique sauf si on fait un discours ou une présentation. Donc si un jour vous passez un examen de français, n'oubliez pas d'utiliser des connecteurs logiques.
Ça fera plaisir aux examinateurs et ça vous fera gagner des points. Mais n'en abusez pas non plus. Utilisez-les raisonnablement. Mais finalement, le plus important dans cet email, c'est la motivation de Line. Vous avez entendu, ça fait trente-cinq ans qu'elle a appris le français.
Je sais qu'il y a beaucoup de personnes dans son cas, dans sa situation. Peut-être que vous aussi, vous avez appris le français il y a longtemps et que vous l'avez un peu oublié. C'est dommage. Quand on a fait l'effort d'apprendre une langue, il faut essayer de l'utiliser pour la maintenir, sinon on a perdu notre temps. Et c'est vrai que l'utilisation passive n'est pas suffisante.
C'est très bien de lire des romans ou de regarder des films en français mais il faut aussi utiliser la langue pour communiquer. Je sais que ce n'est pas toujours facile à faire surtout si on ne vit pas dans un pays francophone. Mais c'est possible. Comme Lille, vous pouvez rejoindre un cours de conversation. Dans toutes les grandes villes, il existe des écoles de français avec ce genre de cours.
Le problème, c'est qu'il y a parfois trop de personnes dans le groupe donc on n'a pas beaucoup de temps pour s'exprimer. Et puis on risque aussi de répéter les erreurs des autres si le professeur ne les corrige pas. Personnellement, je pense que les cours individuels sont une méthode beaucoup plus efficace. Vous pouvez facilement trouver un prof sur des sites comme italki par exemple. Ou vous pouvez aussi m'envoyer un email car je donne des cours de conversation et de coaching via Skype.
Quoi qu'il en soit, je vous encourage vraiment à trouver quelqu'un avec qui vous vous sentez à l'aise et avec qui vous pourrez parler français régulièrement. Il y a deux jours, c'était Halloween. Je sais que la prononciation française est un peu bizarre mais j'espère que vous comprenez de quoi il s'agit. Halloween, c'est cette fête qui a lieu le trente-et-un octobre et où on se déguise, où on porte des costumes de monstres ou de personnages célèbres. Les enfants en profitent aussi pour aller demander des bonbons aux voisins.
Bon, en France, Halloween n'est pas une fête très populaire. Les magasins ont essayé de l'importer dans les années quatre-vingt-dix pour vendre plus de produits mais les Français n'y participent pas vraiment. Bien sûr, il y a quelques personnes qui organisent des fêtes costumées, mais largement moins que dans les pays anglophones. Je le sais car quand je vivais à Londres en Angleterre, j'ai vu à quel point c'est une fête importante dans ces pays-là. Ce que je trouve intéressant avec Halloween, c'est cette célébration de personnages effrayants et sa dimension morbide.
L'adjectif morbide signifie quelque chose de malsain, autrement dit de mal, de négatif. Pour Halloween, les gens veulent avoir peur. Ils veulent voir des monstres, des mauvaises actions, du sang, et caetera. Comme dans les films d'horreur. Halloween, c'est comme un film d'horreur grandeur nature avec nos amis et nos voisins.
Personnellement, je déteste les films d'horreur. Mais j'avais envie de comprendre pourquoi tellement de personnes sont fascinées par ça. Pourquoi aimons-nous avoir peur et voir des choses morbides Pour trouver la réponse, j'ai décidé de faire quelques recherches et de vous préparer un podcast. J'espère que ça va vous plaire. Et rassurez-vous, ça ne devrait pas vous faire peur.
Sauf peut-être certaines histoires. Mais je ne vous en dis pas plus. Allez, c'est parti. Notre fascination pour les choses effrayantes, les choses qui font peur, commence très tôt. Pendant l'enfance, nos parents nous lisent parfois des histoires fantastiques avec des princesses, des chevaliers, des dragons, des aventures.
Ces histoires s'appellent en français des contes de fées. Je me rappelle bien d'un de ces contes, un conte qui s'appelle Barbe Bleue. C'est l'histoire d'un homme très riche qui a une barbe bleue et qui vit dans un château. Il s'est marié avec plusieurs femmes, mais elles ont toutes disparu. Il en cherche donc une nouvelle mais à cause de la couleur de sa barbe, il ne trouve personne.
Oui, il faut savoir qu'à cette époque, les gens n'étaient peut-être pas aussi ouverts d'esprit que maintenant. Donc avoir une barbe bleue, c'était un vrai handicap. Bref, il finit par trouver une femme qui accepte de se marier avec lui. Elle s'installe dans son château. Un jour Barbe Bleue part en voyage et il laisse les clés du château à sa femme.
Ces clés ouvrent toutes les portes du château mais il y a une pièce qu'il lui interdit de visiter. Évidemment, dès qu'il part, sa femme décide d'aller dans la pièce interdite. Là, elle découvre les cadavres des précédentes femmes de Barbe Bleue. Un cadavre, c'est le corps d'une personne morte. Là, vous imaginez facilement sa réaction.
Elle panique un peu. Barbe Bleue rentre au château et il découvre que sa femme est allée dans la pièce interdite. Donc il décide de la tuer. Heureusement, les deux frères de cette femme arrivent pour la sauver et ils tuent Barbe Bleue. La femme hérite de sa fortune et tout est bien qui finit bien, comme on dit en français.
Ça vous dit quelque chose Est-ce que vous avez déjà entendu cette histoire Elle n'a rien d'extraordinaire, mais c'est un peu choquant qu'on la raconte aux enfants, non. Il y a ce personnage de Barbe Bleue qui est un vrai serial killer. À mon avis, n'est pas le genre d'histoire qu'on devrait lire aux enfants. Mais on le fait peut-être seulement en France. En France, on considère que les enfants sont de petits adultes et qu'on ne doit rien leur cacher.
Je ne sais pas si c'est une bonne idée et surtout je me demande comment ça se passe dans les autres pays. Bref, vous voyez que dès l'enfance, on est exposé à la peur à travers des histoires ou des dessins animés. Les enfants sont d'ailleurs très curieux. Ils se posent beaucoup de questions sur ce sujet. Ils veulent comprendre ce qu'est la mort.
Ces questions sont évidemment toujours présentes quand on grandit. On continue de chercher des réponses à ce qu'on a vu ou entendu pendant l'enfance. Quelques années plus tard, à l'adolescence, on regarde nos premiers films d'horreur avec des amis, soit à la maison, soit au cinéma. Vous savez que les adolescents adorent les films d'horreur. C'est un genre très populaire parmi eux.
En regardant des personnes se faire tuer dans un film, ils peuvent démystifier la mort, lui enlever son côté mystérieux et inconnu. Quand vous voyez des dizaines de personnes mourir dans un film, forcément ça semble un peu moins dramatique. On peut quasiment s'habituer à l'idée de la mort. On peut aussi considérer ces films d'horreur comme un rite de passage, autrement dit une épreuve pour devenir adulte. Avant, il existait beaucoup de ces rites.
On testait le courage des jeunes pour voir s'ils étaient capables d'être enfin des adultes. Le service militaire, par exemple, quand les jeunes passent du temps dans l'armée, c'est aussi un rite de passage. Maintenant, il y a de moins en moins d'épreuves comme ça. Mais avec les films d'horreur, les adolescents combattent leurs peurs. Ils quittent l'enfance et passent à l'âge adulte.
On veut comprendre pourquoi la peur nous fascine tellement, il faut bien sûr observer notre cerveau. Vous savez, le cerveau, c'est cet organe qui est à l'intérieur de notre tête et qui contrôle tout notre corps, nos émotions, etc. Donc c'est aussi lui qui nous pousse à nous confronter à des choses qui nous font peur. Certaines personnes ne peuvent pas s'empêcher d'avoir peur. Ah, Quand vous dites Ça signifie que c'est plus fort que vous.
Vous êtes obsédé par votre ex et vous pensez à elle ou lui tout le temps. C'est pareil avec les films d'horreur. Il y a des gens qui détestent ça mais qui ne peuvent pas s'empêcher d'en regarder. Pour comprendre ce qui se passe dans notre cerveau quand nous voyons une scène morbide, des psychologues américains ont créé une expérience. Ils ont choisi des volontaires et ils leur ont infligé une petite douleur.
Ils les ont légèrement brûlés pour leur faire un peu mal. Ça peut vous sembler cruel, mais c'est pour la science. Évidemment, les volontaires étaient d'accord, les psychologues ne les ont pas forcés. Pendant qu'ils faisaient ça, ils ont utilisé un scanner pour voir ce qui se passait dans leur cerveau. Et ils ont remarqué deux choses.
La première, c'est que les zones du cerveau liées à la sensation douloureuse étaient activées. Là, vous me direz que c'est plutôt normal. Mais la deuxième chose plus intéressante, c'est qu'une autre zone, une zone liée au plaisir était elle aussi activée. Autrement dit, la douleur procurait une forme de plaisir. En fait, les chercheurs considèrent que le plaisir et la douleur fonctionnent ensemble et qu'il n'est pas possible de les séparer.
Finalement, quand nous voyons ou lisons quelque chose de morbide ou d'effrayant, nous ressentons un sentiment ambigu. D'un côté, nous partageons la douleur que l'on voit et de l'autre, nous éprouvons aussi du plaisir. Ces explications des neurosciences nous aident à mieux comprendre pourquoi nous sommes fascinés par la peur et le morbide. En fait, quand nous regardons un film d'horreur, nous vivons par procuration. Par procuration, ça signifie à travers quelqu'un d'autre.
Les personnages du film vivent des événements horribles et traumatisants, mais nous, nous sommes assis confortablement derrière l'écran en sécurité. Leur malheur n'est pas le nôtre. C'est un peu le même phénomène quand nous voyons un accident de voiture sur la route. En général, on essaye de ne pas regarder. Mais souvent, on ne peut pas s'empêcher de le faire.
Cet accident nous rappelle la chance que nous avons de ne pas être à la place des victimes. Nous sommes à l'abri de cet accident-là et c'est rassurant. En fin de compte, la curiosité morbide permet de ressentir une émotion, la peur, sans prendre de risque. Dans ce genre de situation, nous savons que notre vie à nous n'est pas en jeu. Il y a un auteur américain qui a écrit un livre sur ce sujet.
Il s'appelle Eric Wilson. Dans son livre, Wilson souligne que notre attirance pour le morbide est d'une certaine manière un désir d'expérimenter la souffrance de quelqu'un d'autre. Le désir d'avoir de l'empathie, de ressentir. Selon l'auteur, notre compulsion envers les événements sinistres pourrait nous aider à contrôler nos peurs Encore une fois, il s'agit du besoin de comprendre l'un des mystères les plus profonds de l'existence la mort. Ce qui est aussi intéressant, c'est que nous n'avons pas tous peur des mêmes choses.
Et de la même façon, nous ne sommes pas tous attirés par les mêmes peurs. Notre attirance dépend de nos angoisses personnelles. Certains sont attirés par les histoires paranormales parce qu'ils ont peur de ce genre de phénomène. D'autres préfèrent les films sur les serial killers parce qu'ils sont fascinés par ces personnages et leur psychologie. Il y a aussi des personnes qui aiment les sports extrêmes car elles risquent leur vie et elles aiment l'adrénaline que ça leur donne.
Vous savez qu'en France, il y a eu des attaques terroristes en deux-mille-quinze et deux-mille-seize qui ont fait beaucoup de victimes. Des attentats terribles. Mais le plus bizarre, c'est que les médias les ont décrits avec beaucoup de précision. Ils expliquaient comment tout s'était passé, minute par minute, dans le détail. Comme s'il s'agissait d'un film, d'un spectacle.
On peut se demander s'il était vraiment nécessaire de connaître tous ces détails. Pour le public, oui. Le sociologue Luc Boltanski explique que De voir la fragilité de l'existence nous donne le sentiment d'être encore en vie. On imagine qu'on aurait pu être à la place des victimes, au mauvais endroit, au mauvais moment. Alors imaginez ce scénario est une façon de confronter nos peurs.
Il y a une autre dimension dont je voudrais parler pour finir. Vous savez que nous vivons dans des sociétés de moins en moins violentes. Globalement, il y a moins de crimes, moins d'agressions. Dans beaucoup de pays, la peine de mort, autrement dit la possibilité d'exécuter un criminel a été interdite. Mais ça n'empêche pas que nous ayons en nous des pulsions violentes.
Les progrès de la civilisation n'ont pas pu les faire complètement disparaître. Alors, nous avons besoin de pouvoir les exprimer d'une façon ou d'une autre. Dans l'Antiquité grecque, par exemple, il y avait les tragédies. Les citoyens grecs allaient voir une tragédie comme Antigone ou Odipe pour obtenir leur dose de violence et de malheur. C'est ce que le philosophe Aristote appelait la catharsis, une pièce de théâtre pour se libérer de nos passions, de nos pulsions.
Maintenant, nous avons plein d'autres manières de le faire. Il y a les films d'horreur dont j'ai déjà beaucoup parlé, mais aussi les faits divers. Un fait divers, c'est un événement peu important mais qui est rapporté dans le journal parce qu'il est très choquant. En général, ce sont des meurtres très violents. Quand on y pense, on peut se demander à quoi ça sert de publier ce genre d'histoire Il y a sûrement des informations plus importantes.
Mais en réalité, le fait divers nous permet de partager nos peurs avec d'autres parce qu'on parle de ces histoires à nos amis ou nos collègues de travail. Comme ça, nous ne restons pas seuls face à l'angoisse. Nous la partageons collectivement. C'est un peu la même chose avec les tueurs en série. En ce moment, je regarde une série sur Netflix qui s'appelle Mindhunter.
Elle se passe dans les années soixante-dix au moment où le FBI commence à s'intéresser aux serial killers et à essayer de les comprendre. Le public adore ce genre de séries parce que nous sommes fascinés par ces personnages. Pour les adultes, les tueurs en série pour la communauté. Et cette peur renforce la communauté justement. Elle lui donne une identité commune.
Nous nous disons que nous ne sommes pas comme lui. Le tueur en série est la normale. Et cela nous rassure sur notre propre normalité. Mais ces crimes sont aussi parfois le reflet de ce qui ne va pas dans notre société, de nos vices les plus secrets. Nous arrivons à la fin de cet épisode, un grand merci de m'avoir écouté.
J'espère qu'il vous a plu et que vous n'allez pas faire de cauchemars ce soir. Si vous n'avez pas tout compris, je vous rappelle que la transcription est disponible sur mon site internet inner french point com. Il suffit de vous inscrire et vous pourrez lire la transcription gratuitement. Pour finir si vous aimez ce podcast et si vous trouvez qu'il est utile laissez une évaluation sur iTunes ou sur l'application que vous utilisez. Ça me donnera plus de visibilité et ça pourra aider d'autres personnes à me trouver.
Si vous avez des critiques ou des suggestions, vous pouvez aussi m'envoyer un email, ça m'aidera à l'améliorer. N'oubliez pas de faire un peu de français chaque jour et on se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode. Bye bye.