Aujourd'hui dans affaires sensibles, la crise des maternités de France. En cinquante ans, ce pays en a vu disparaître les trois quarts. En mille-neuf-cent-soixante-douze, on compte mille-sept-cent-quarante-sept structures qui pratiquent l'accouchement. Elles ne sont plus que quatre-cent-soixante-quatre en deux-mille-vingt-deux. La médicalisation de la grossesse et de l'accouchement avait pourtant permis de sauver des milliers de vies, mais les maternités ferment pour des raisons budgétaires ou parce qu'ils manquent cruellement en France de gynécologues obstétriciens et de sages-femmes.
Pour les régions rurales, la disparition de la maternité signe l'extinction des services publics de santé. Les protestations des habitants et des élus toujours vigoureuses n'inversent pas la tendance. Encore tout récemment, en deux-mille-vingt-trois, le rapport d'un collège de gynécologue rendu à l'académie de médecine préconisait la fin des accouchements dans les structures n'en pratiquant pas au minimum mille parents. Ainsi va le mouvement de concentration des maternités qui ne peut être pas terminé. Notre invitée aujourd'hui Lucie Casté, oui celle qui fut candidate pour Matignon au nom du nouveau Front populaire, arrivée en tête aux législatives de deux-mille-vingt-quatre, faut-il le rappeler, elle est haut fonctionnaire, elle fait partie du collectif nos services publics, d'où sa présence ici aujourd'hui.
Affaires sensibles, une émission de France Inter, diffuse en direct. Récit documentaire Sylvie Fagnard, rédaction en chef Franc-Cognard, chargé de programme, Rebecca Denante, réalisation Frédéric Milano.
Fabrice Drouelle. Affaires sensibles sur France inter.
Trente-et-un décembre mille-neuf-cent-soixante-deux, le général de Gaulle enchaîne les demi-sourires et les effets de voix dans son traditionnel message du nouvel an à la nation. Premier président de la cinquième république, il a de quoi se montrer satisfait alors que s'amorce cette nouvelle année mille-neuf-cent-soixante-trois. Quelques mois plus tôt en effet, le dix-neuf mars soixante-deux, les accords des lions ont soldé la guerre que la France menait à sa colonie algérienne. À présent l'armée nationale n'est plus engagée sur aucun champ de bataille, une première depuis vingt-cinq ans, que le général souligne résolument. Sur le plan intérieur également, De Gaulle a remporté de grands succès.
Sa réforme du scrutin pour l'élection du président de la République a largement été approuvée par le peuple à plus de soixante pour cent. En dépit de la fronde des parlementaires, la France est maintenant sur les bons rails voulus par le général. Bien, tous ces problèmes étant réglés, il est désormais temps de s'atteler à l'essentiel, la grandeur de la France.
Le progrès est aujourd'hui notre ambition nationale. Progrès démographique,
la
France moderne pourrait compter cent millions d'habitants. Combien seront donc bienvenus les bébés qui naîtront chez nous en dix-neuf-cent-soixante-trois.
Après le boom des naissances de l'immédiate après guerre, les bébés pointent moins nombreux depuis la fin des années cinquante. Et puis la politique familiale issue du conseil national de la résistance se met en place. Par exemple, dès le deuxième enfant, on a droit
à des allocations familiales. C'est le fameux modèle social français.
C'est la C'est là qu'il prend racine et les naissances repartent à la hausse. En mille-neuf-cent-soixante-quatre, on approche de nouveau les trois enfants par femme comme en quarante-sept ou en quarante-huit. Tout va bien, on a le moral, donc on fait des gosses. Mais surtout, dans ces années-là, la mortalité inventée dégringole. Au sortir de la guerre, onze pour cent des enfants mourraient avant leur premier anniversaire.
En mille-neuf-cent-cinquante, cinq ans plus tard donc, cette statistique se réduit de moitié puis continue à refluer. Merci les progrès de la médecine, les vaccins, les antibiotiques bien sûr, mais les circonstances de l'accouchement ne sont pas non plus étrangères à la survie des bébés et de leur mère qui se défont ainsi de la malédiction ancestrale de la mort en couche. Et puis plus ça va, plus ces mères donnent naissance à leurs enfants hors de chez elles. En cinquante-deux, pour la première fois dans l'histoire, elles sont plus nombreuses à accoucher dans une maternité qu'à domicile. Dix ans plus tard, ce taux passe à quatre-vingt-cinq pour cent des naissances.
Ce changement de paradigme n'est pas un hasard. Parmi les mesures natalistes des gouvernements d'après-guerre, on compte notamment la prise en charge par la sécu de l'accouchement quand il se passe en milieu médicalisé. Alors on construit, on arrondit, on rénove les maternités de France pour accueillir tous ces enfants qui vont contribuer à redresser le pays. Les responsables politiques sont même persuadés que la modernisation de ces établissements va augmenter le nombre de naissances pour atteindre l'horizon des cent millions de français tracés par le général de Gaulle. Comme ici, à Saint-Baleries-sur-Saône, en Picardie, où le directeur du centre hospitalier répond aux reporters de l'ORTF, venu l'interviewer dans les couloirs de sa maternité, remis à l'offre le dix-neuf janvier mille-neuf-cent-soixante-huit.
Monsieur le directeur, depuis quand date votre maternité
Vingt-cinq ans environ, mais sa rénovation est entreprise l'année dernière.
Depuis un an à peu près. Depuis un an mais c'est quoi a-t-elle porté
Surtout sur une personnalisation du service et nous avons voulu garder son caractère un peu familial et intime. Qu'entendez-vous par personnalisation Aucune chambre ne ressemble à une autre. Les couleurs sont différentes, le mobilier est différent, l'ambiance même est différente.
Alors votre personnel, il est nombreux.
Madame Gautée, sage-femme, une infirmière diplômée d'État et trois employés à plein temps qui assurent les soins aux mères et aux enfants.
Vous avez combien de chambres
Nous avons dix lits au total répartis en chambre à un et
deux lits.
Ça fait rêver. D'ailleurs, le maire aussi se félicite. Il n'a jamais autant signé d'acte de naissance, quarante pour cent de plus en un an. Deux-cent-quatre accouchements, c'est la première fois dans les annales de l'hôpital, insiste-t-il. Mais ça ne va pas durer longtemps.
Les petites maternités comme celle de Saint-Valéry-sur-Saône sont sur la sellette. Parce que ce n'est pas trois coups de peinture dans les chambres qui vont assurer la sécurité de nouveau-né. Au début des années soixante-dix, les autorités sanitaires s'inquiètent. Le taux de mortalité qui n'a cessé de fléchir depuis le dix-septième siècle, stagne désormais. Alors Marie-Madeleine Guénéch va prendre le problème à bras le corps.
Depuis mille-neuf-cent-soixante-neuf, cette femme est secrétaire d'état à l'action sociale et la réadaptation dans le gouvernement de Jacques chaban-Delmas. Après avoir été l'une des premières femmes élues à l'assemblée nationale, elle est devenue une habitude des ministères. Pharouche opposante à l'interruption volontaire de grossesse, elle veut au contraire promouvoir les naissances, mais dans des conditions de sécurité renouvelées. Parce qu'on ne voit plus l'accouchement comme une expérience féminine mille fois millénaire. Ce n'est plus non plus cette fatalité qui a pris l'avis de tant de femmes et de bébés non, l'accouchement devient un événement médical.
Dans une petite brochure de recommandation publiée par le ministère de la santé en soixante-douze, il est indiqué l'accouchement dit normal est une notion à posteriori. Jusqu'à l'événement, c'est une prévision. Tout accouchement comporte donc un risque et doit être surveillé. Dans le plan consacré à la périnatalité par Marie-Madeleine Dianesh, un fort accent est mis sur la prévention effectivement. La secrétaire d'État fait la promotion de la vaccination contre la rubéole qui entraîne des malformations foetales si on l'attrape pendant les premiers mois de grossesse.
Ce plan comporte aussi un important volet consacré à l'équipement des maternités. Le neuf mai soixante-douze, dans l'émission de l'o r t f aujourd'hui madame, Marie-Madeleine déniche, coiffure sévère et cardigançage présente ces nouvelles règles à une téléspectatrice présente sur le plateau dont l'enfant n'a pas pu être réanimé à la naissance.
Quand on a pris la mauvaise condition que l'enfant a les séquelles, on est obligé de garder cet enfant.
C'est ça, mais madame vous avez raison, il faut que nous fassions le maximum pour que de part les accidents ne se reproduisent pas. Et nous avons vu qu'effectivement, il y a à peu près la moitié des cliniques ou la moitié de des centres hospitaliers qui ne sont pas tout à fait au point où il manque soit du personnel, soit du personnel qualifié, soit d'un équipement. Alors grâce à ce programme finalisé, chaque année, nous pourrons améliorer et je pense que d'ici cinq ans, nous aurons tout de même un résultat bien plus satisfaisant. Mais vous avez raison d'insister sur l'importance pour une famille, le drame que cela est évidemment lorsqu'un accident à la naissance.
Le décret de soixante-douze, le premier à fixer des normes de sécurité dans les cliniques et les hôpitaux ont donné naissance et long comme bras. Il règle le moindre détail comme le matériau qui doit revêtir les murs et les sols, la qualité de l'eau et l'agencement des cuisines. Mais surtout, à partir de l'application de ce texte, les établissements ne peuvent plus compter moins de quinze lits et doivent tous détenir un bloc obstétrical pour pouvoir pratiquer une césarienne en urgence. Et puis dorénavant, un médecin doit être là, un médecin disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre
parce que
les bébés ne programment pas leur arrivée dans ce monde, c'est quand ils le sentent. Bonjour j'arrive. Sur les presque mille huit cents maternités que compte le pays au début des années soixante-dix, souvent situés dans les territoires ruraux, huit cents sont dirigés par les sages-femmes. Elles sont l'héritage de la pratique de l'accouchement à domicile qui a résisté plus longtemps à la campagne qu'en ville. Et bien ce sont ces tout petits établissements de quelques lits qui vont disparaître les premiers.
La maternité de Saint-Valéry-en-somme en est l'illustration, elle ferme ses portes en mille-neuf-cent-soixante-dix-sept. De mille-neuf-cent-soixante-quinze à mille-neuf-cent-quatre-vingt-cinq, le nombre de maternités est presque réduit de moitié. Au milieu des années quatre-vingt, on ne compte plus qu'un millier de maternités en France. Mais le nombre de lits hospitaliers à réserver la naissance ne baisse pas pour autant. Les fermetures vont de pair avec des regroupements, des concentrations de lits dans des structures mieux dotées.
Car la sécurité des bébés c'est bien l'objectif de cette politique hospitalière. Et c'est ce qui illustre ce reportage du vingt heures d'antenne deux, le neuf décembre quatre-vingt-trois à la maternité d'Apéno dans le barin, une maternité modèle selon Christina Ockrent qui lance le sujet.
Chaque année à Agnault naissent en moyenne deux mille enfants, Événement normal pour une région de quatre-vingt-mille habitants. Cependant Agnault n'est pas une ville tout à fait comme les autres. Située à deux pas des Vosges, bordée par la Forêt Noire, cette ville pour des raisons géographiques, draine à trente kilomètres alentour toute la population dans une seule et unique maternité. Que l'on soit de la ville ou de la campagne, que l'on soit
pauvre ou riche, que l'on
soit français ou étranger, c'est à la maternité publique de Haguenau qu'on accouche dans plus de quatre-vingt-dix pour cent des cas, quoi qu'il arrive. C'est pour cela que cet établissement est devenu un modèle national de lutte contre la prématurité.
Le plan de porte ses fruits. Au cours des années soixante-dix, les chiffres de la mortalité infantile baissent nettement. Ce plan change aussi la façon d'envisager une grossesse. Comme elle est un événement à risque, on la surveille, aidé en cela par le progrès technique. La pratique de l'échographie se répand et l'acte d'accoucher en lui-même évolue.
Mais dans des unités plus importantes, les mamans sont peut-être moins dorlotées que dans les petits centres tenus auparavant par des sages-femmes. La critique des usines à bébés commence à s'exprimer. Et puis cette décennie progresse sur chiffres de la mortalité des bébés et de leur mère s'efface, ils se dégradent même. À la fin des années quatre-vingt, le ministère de la santé relance des enquêtes qui confirment l'inquiétant phénomène. Les maires meurent en couches plus souvent en France que dans le reste de l'Europe.
Au début de l'année quatre-vingt-quatorze, la ministre de la Santé Simone Veil présente un nouveau plan pour la périnatalité. Objectif d'ici l'an deux mille, diminuer de trente pour cent la mortalité maternelle, abaisser de vingt pour cent la mortalité périnatale. Dans le viseur de ce plan, les maternités qui pratiquent moins de trois cents accouchements par an, pour le ministère, elles ne sont pas suffisamment sécurisées. En accouchant trop peu souvent, les médecins perdraient en pratique et oublieraient les bons réflexes tandis que l'équipement médical, lui, ne serait pas assez renouvelé. Mais d'où vient ce seuil de trois cents accouche par an À partir des estimations des médecins qu'elle consulte, l'administration de la santé se fixe sur ce chiffre symbolique d'une naissance par jour en moyenne, mais sans l'appuyer par des études scientifiques.
Et pour cause, elle manque cruellement en France sur le sujet. Deux-cents maternités sont concernées, l'aréole en Gironde, Donfront dans l'Orne, Paimpol dans les Côtes d'Arles morts et d'autres encore sont menacés. La ministre Simone Veil sait que le sujet est sensible auprès des élus des territoires concernés. Alors elle l'assure en présentant son plan, aucune décision ne sera prise sans concertation. Mais dans certaines villes, la douche est quand même froide.
Beaucoup d'enfants sont nés dans ce service entre cent et cent-cinquante parents dont Marion la bienheureuse. Elle n'a pas encore une semaine que sa fiche d'état civil mentionne déjà qu'elle est native tout comme Alexandre de la mûre sur le plateau matesin né dans une maternité où des femmes accoucheraient aujourd'hui sans prendre de risque.
On ne garde ici que les cas normaux, les femmes qui peuvent accoucher normalement, on ne s'amuse pas à faire des choses qu'on ne peut pas faire. Donc je pense que l'on travaille bien. On a absolument tout ce qu'il faut au niveau du plateau technique pour s'occuper des mamans, vous avez vu, on a une table de réa, on a des incubateurs, on a une lumière blanche pour les ycters, on a une salle d'intervention, on a tout.
Dans le cas de la mûre, le nombre réduit d'accouchement n'est pas le seul élément pointé par l'administration de santé. Le statut du médecin accoucheur n'est pas dans les clous. Bien qu'il exerce dans cette maternité de montagne depuis plus de deux ans, ce praticien jordanien n'a pas la correspondance requise des diplômes. Cela fait trois ans que la direction de l'hôpital essaie de recruter un gynéco sans succès. Alors les futurs parents de la commune s'inquiètent.
Les personnels manifestent et défendent la valeur de leur travail dans des reportages à la télé, comme celui que nous venons d'écouter diffusé sur France trois le huit décembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatorze. Les élus eux essaient bien d'infléchir la décision administrative, mais rien n'y fait. La salle d'accouchement de la maternité de la mur ferme ses portes le trois janvier mille-neuf-cent-quatre-vingt-quinze.
Attendre que le ciel tombe dessus,
Vous écoutez affaires sensibles sur France Inter, aujourd'hui la disparition des maternités.
Affaire sensible, Fabrice Drouel.
Sur le plateau de la Matésie à l'ouest du parc des écrins, une jeune femme s'inquiète. Elle est enceinte de huit mois et depuis quelques jours, elle ne sent son bébé bouger. Le quatre mars mille-neuf-cent-quatre-vingt-quinze, elle se rend chez son médecin qui lui conseille de pousser jusqu'aux urgences de l'hôpital de la mûre à quelques kilomètres de là. Une sage-femme l'examine, le bébé présente en effet des signes de détresse foetale. On pourrait faire une césarienne sur place, le bloc chirurgical est toujours en fonctionnement même si la salle d'accouchement a fermé ses portes.
Mais il n'y aurait pas moyen de réanimer le bébé à la sortie. La sage-femme conseille alors de prendre la route pour Grenoble et son CHU. La mûre n'est existante que de trente-huit kilomètres de la capitale du Dauphiné, mais le chemin est mauvais, tortueux. En voiture, ça prend plus d'une heure. À l'arrivée de la jeune femme au CHU, médecins pratiquent des césariennes d'urgence, mais il est trop tard, l'enfant est mort.
Ces drames aiment toute la montagne et au-delà, les soignants le répètent à qui veut l'entendre, ils l'avaient bien dit, un tel drame ne pouvait qu'arriver. Pourtant, rien n'indique que le bébé aurait été sauvé si la salle d'accouchement de la mûre était encore en service. Mais le symbole est fort, si fort qu'un mois plus tard, en avril quatre-vingt-quinze, la ministre de la Santé Simone Veil annonce la réouverture de la maternité au complet dès qu'un médecin obstétricien sera trouvé. Ce qui ne sera jamais le cas. On n'accouche plus sur le plateau de la médecine depuis trente ans.
Parce que la tendance à l'époque n'est pas au ralentissement des fermetures de maternité, au contraire. En quatre-vingt-dix-huit, un nouveau décret défendu cette fois par la gauche, revenu au pouvoir édicte de nouvelles formes de sécurité, de Avec la même conséquence, le regroupement des structures. Illustration dans le journal de France Inter du onze octobre mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit.
Revenons maintenant sur la fermeture des petites
maternités françaises, celles
qui font moins
de trois cents accouchements
par an, le décret est paru celles qui font moins de trois-cent accouchements par an, le décret paru au journal officiel hier, il s'agit en fait d'une confirmation d'un plan déjà annoncé depuis plusieurs semaines par le ministre de la Santé Bernard Kouchner. Quatre-vingt-onze sont concernés et la plupart d'entre elles ont déjà pris les devants, c'est le cas dans le Var pour les cliniques de Fréjus et Draguignan et pour la maternité de l'hôpital de Saint-Tropez.
En reconversion, fusion, le paysage de la naissance est profondément remanié par ce décret de mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-huit. Les établissements sont désormais divisés en trois catégories. La catégorie un n'accueille que des grossesses dites à bas risque et des naissances sans problème particulier, la deux prévoit que les maternités accueillent les grossesses plus risquées et les nouveau nés à surveiller. Quant à la trois, elle peut faire face à toutes les naissances jusqu'au plus compliqué, les grands prématurés notamment grâce à une salle de réanimation néonatale obligatoire dans ces établissements. Au fil du temps, les maternités les plus sécurisées sont privilégiées par des parents inquiets de tout ce qui peut survenir au cours d'un accouchement, événement répétons-le par nature imprévisible.
Les établissements de niveau un voient le nombre de naissances baisser, ce qui les place sous l'épée de Damoclès d'une fermeture. Car la menace est aussi financière, lac à l'habiter, ici comme ailleurs. À la fin des années quatre-vingt-dix, on crée les agences régionales d'hospitalisation qui doivent notamment veiller à la bonne santé budgétaire des établissements hospitaliers. Quelques années plus tard, le système de financement change. On passe à la tarification à l'activité, la t deux a comme l'appellent les experts et les fonctionnaires.
Adoptée en deux-mille-cinq, elle cherche à rationaliser les finances du secteur hospitalier très endetté. Ça veut dire qu'on n'allouera plus un budget global à chaque hôpital, mais d'une année sur l'autre, les caisses de la sécu lui verser une somme correspond à son activité réelle de l'année précédente à un tarif spécifique pour chaque acte médical fixé par décret. Le souci c'est que les montants accordés pour les actes médicaux liés à l'accouchement sont très faibles, même surtout quand les accouchements se passent pour le mieux,
ce qui est quand même souhaitable. En face, il faut pourtant assurer un accueil jour
et nuit et parer à toute éventualité, ça coûte très cher. Surtout quand le nombre de naissances glisse à la baisse comme c'est le cas dans les petites maternités et que l'enveloppe de la Téloza diminue. Résultat, une à une, les maternités de type un présentent des déficits et c'est une autre raison de vouloir les fermer. Un argument massif pour l'a r h de Bretagne concernant la maternité de Carhaix.
Avec deux-cent-quarante-cinq accouchements l'an dernier, la maternité serait dans le collimateur de l'agence régionale d'hospitalisation, car elle coûte trop cher rapporté au nombre d'interventions.
On considère ou des études considèrent aujourd'hui qu'une maternité nécessite à priori de réaliser entre onze cent et douze cents accouchements. C'est vrai que du coup nous sommes assez loin de l'épure. Pour autant, un accompagnement financier ou autre, dans le cadre effectivement je dirais de, l'exception géographique, qui était reconnue jusqu'à présent à l'hôpital de Carré, pourrait permettre effectivement à cette maternité de continuer à exister.
La fermeture de la maternité de Caro est annoncée pour le mois de février deux mille huit. Mais la population parisienne se braque. Pas question de laisser fermer ce lieu de naissance. Là-bas, centre Bretagne, on veut naître, vivre et se soigner au pays.
Pendant des
semaines, les manifestations s'enchaînent, à Rennes et toutes les semaines à Quimper où les mécontents baladent une catapulte. Les commentaires du maire de la ville Christian qu'on retrouvera quelques années plus tard au premier rang des bonnets rouges, il dit Carré est entré en résistance. Le quinze juin deux mille huit, la justice donne raison aux résistants. Le tribunal administratif de Rennes annule l'arrêté fermeture. De cette victoire si rare d'un territoire contre l'administration, tire même un film Bowling sorti en deux-mille-douze avec Mathilde Seigner dans le rôle de la sage-femme au grand coeur et Catherine Fraud dans celui de la DRH venue s'abrer dans le budget.
C'est dit lire si les fermetures de maternité constituent un sujet qui touche bien au-delà du cercle des futurs parents. Mais si Carré sauve sa maternité sous les vivas, d'autres petites villes ne peuvent pas en dire autant. Et ce malgré la mobilisation à chaque fois de tout un territoire et des actions coup de poing. Addi dans la Drôme, le quatre juin deux-mille-neuf, des femmes enceintes s'enchaînent dans la salle d'accueil de la maternité menacée de fermeture.
L'action vise à dénoncer une nouvelle fois la fermeture annoncée de la maternité. À dix ou à Valence, ces futures mamans ne savent pas où elles accoucheront à partir du vingt-deux juillet. Elles ont d'ailleurs porté plainte pour mise en danger de la vie d'autrui. Enfant, j'ai fait sept kilomètres et sept kilomètres, c'était affreusement douloureux. Donc là, on perd soixante au minimum.
Je m'en, je m'en sens pas capable.
La maternité de Dick, celle qu'on a appelé tout au long des années deux mille la plus petite maternité de France ferme définitivement fin décembre deux mille dix-sept. Six mois plus tard, plus au nord, dans le département de l'Indre, la ville du Blanc vit le même choc. À l'annonce de la fermeture de la maternité locale en juillet deux-mille-dix-huit, les habitants envahissent la préfecture de Châtellerault. Soixante-douze maires du coin annoncent rendre leur mandat en signe de protestation. Quelques semaines plus tard à Paris, une étrange procession s'étire le long des rues des septième arrondissement, le quartier du ministère.
Cap couleur rubis et capuche blanche sur la tête, elles sont une trentaine venues du blanc justement, grimées en servantes écarlates, accompagnées d'une centaine d'habitants de la ville. Avec cette référence à cette dystopie américaine où la fécondité des femmes est sous contrôle, ils alertent sur la société à deux vitesses, où celles et ceux qui veulent devenir parents ne sont pas logés à la même enseigne partout dans la France.
Ils étaient une centaine toute la journée pour encore lancer une bouteille à la mer au gouvernement. Après plusieurs manifestations dans l'Inde, les membres du collectif C'est pas demain la veille ont pris le bus tôt ce matin pour que leurs revendications portent enfin jusqu'à Paris.
Le problème, c'est qu'ils ne veulent pas venir. On les a invités à venir. Les maires ont demandé à être reçus, n'ont jamais été reçus. Donc imaginez-vous des élus de la République qui ne sont même pas reçus par des ministres. Je trouve ça mais hallucinant.
Si eux ne viennent pas chez nous et bien nous on va venir à eux.
Paine perdue, la maternité du blanc a bel et bien fermé ses portes et définitivement et les habitants de la ville doivent faire de la route pour donner naissance à leur bébé. Dans le département, la maternité la plus proche est à Chotteroux, distant de plus de cinquante kilomètres, cinquante-six minutes de trajet en moyenne, mais la majorité des patients poussent même jusqu'à Poitiers ou à Limoges à plus d'une heure. Dans certains coins de France, aucune maternité n'est accessible à moins de quarante-cinq minutes de voiture. Alors les soignants se sont adaptés. Les formations des pompiers intègrent désormais des modules autour de la délivrance et des premiers soins prodigués à un nouveau-né.
Plusieurs sages-femmes devenues pompiers volontaires assurent des gardes dans ses bouts de nièvre du lot de Corse ou des Vosges. Les patientes, elles gardent en tête tout au long de la grossesse qu'au stress habituel de l'accouchement s'ajoutera celui de ne pas arriver à l'hôpital à temps. Alors les sages-femmes tentent de les préparer à toute éventualité, comme dans ce reportage pour interception sur France inter où le rencontre Marina qui attend son troisième enfant et qui doit accoucher à l'hôpital d'Oriac après d'une heure de son domicile.
Effectivement ça arrive sur la route vous êtes parti vous avez fait vingt kilomètres et et vous sentez que la naissance est imminente votre mari vous lui dites de faire le cent douze et il sera mis en relation avec les équipes concernées. Bien entendu dans la voiture c'est un petit peu plus périlleux parce que l'espace est restreint. Moi ce que je vous conseille de faire dans ces cas-là, c'est de reculer le plus possible votre siège, d'incliner un petit peu le dossier de votre siège et éventuellement poser le pied sur le tableau de bord pour avoir un petit appui et laisser faire les choses et là il n'y a pas de doute que vous serez en relation alors peut-être pas vous directement, mais peut-être que votre mari sera en relation avec la sage-femme d'astreinte qui va pouvoir lui prodiguer les premiers conseils, ce qui fait qu'aussi en amont dans votre valise vous aurez un petit peu anticipé les choses. Vous mettrez sur le dessus une serviette de toilette et puis une couverture. Cette serviette de toilette, elle servira à sécher votre bébé lorsqu'il arrivera, s'il arrive de façon inopinée.
Si elle fout le sel des reportages sur la fermeture des maternités, ces naissances inopinées restent extrêmement minoritaires. À peine un demi pour cent des naissances pour l'année deux-mille-vingt-et-un. Mais en deux-mille-treize, elles ne représentaient que zéro vingt-trois pour cent des naissances. Dans un rapport administratif, le ministère de la santé reconnaît que dans certaines régions comme en Franche-Comté, leur nombre a doublé sur la même période. Dans le même temps, le nombre de femmes résidant à plus de quarante-cinq minutes d'une maternité a lui aussi doublé pour atteindre plus de trois-cent-mille.
Néanmoins, le maintien des petites structures assurant cent ou deux-cent accouchements par an à grand coup d'argent public ne ferait pas de miracle. Aujourd'hui, ce ne sont plus directives ministérielles et normes de sécurité qui ont raison des lieux d'accouchement. C'est le manque de soignants. Ces petites maternités à échelle humaine n'attirent pas les obstétriciens. Dans les grosses structures, ce sont les sages-femmes qui font cruellement défaut.
Elles quittent l'hôpital pour exercer en libéral. Les conditions de travail dans les usines à bébés sont trop dures à supporter. À l'automne deux-mille-vingt et alors qu'elles sont les grandes oubliées des revalorisations du Ségur post-crise covid, Elles le font savoir dans une vidéo pour les réseaux sociaux à la manière de la série bref.
En douze heures je peux faire trois accouchements.
Juliette arrive.
Zipos il arrive. C'est super.
Vas-y chérie vas-y vas-y vas-y.
Passer d'une émotion à une autre.
Allez on y va, on va voir là Nicolas.
Ouais j'arrive.
Remplir la paperasse, surveiller les monitaux, penser aux antibio, suturer, perfuser le gynéco.
Un galop d'auteur du poil.
Allez à la César des jumeaux. Félicitations. Dépister les maladies de la grossesse, déclencher.
Tenez les filles, il
y a deux patientes à déclencher aujourd'hui.
J'ai regardé ma collègue, on a regardé nos salles libres, on s'est fait un gros câlin, je n'avais pas bu, pas mangé et très envie de pipi. En allant aux toilettes, je croise une patiente qui a envie de pousser. Regarde Regarde les toilettes, regarde la patiente, regarde les toilettes, la patiente a accouché. De rien, j'ai toujours pas poussé.
Depuis les sages-femmes ont obtenu une maigre revalorisation de cent euros net, mais elles manquent toujours aux maternités publiques. On estime que dans une structure sur cinq, on vend au moins dix postes vacants. Il reste quatre cent soixante-quatre maternités en France dans un système bancal où l'offre de soins de proximité disparaît quand les centres les plus en pointe pensés pour accueillir les bébés les plus en danger servent de maternité de premier recours. Ajoutez à cela un système de financement qui fabrique le déficit. Les seules options mises sur la table consistent pourtant en davantage de fermeture.
Oui c'est ce que préconise à Mimo la cour des comptes quand elle estime le seuil de rentabilité d'une maternité à mille-deux-cents naissances par an. Dans les mêmes clous, un collège de médecins gynécologues estime en deux-mille-vingt-trois que la limite assurant la sécurité des mères et de leurs enfants se situe à mille naissances par an. L'adoption d'un tel seuil signerait la fermeture d'une centaine de maternités supplémentaires, tout cela au nom de la rentabilité. Est-ce vraiment la vocation d'un hôpital public d'être rentable
France
Inter,
affaires sensibles, Fabrice Drouel.
Aujourd'hui la crise des maternités en France et au-delà celle des services publics dont nous parlons avec Lucie Castelet. Bonjour.
Bonjour.
Vous êtes haut fonctionnaire et vous faites partie du collectif Nos services publics pour la pérennité des services publics, donc c'est bien de cela dont nous allons parler. Alors la fermeture des maternités est un sujet complexe. C'est toujours un drame local qui provoque la mobilisation d'une population, de ses élus, que représente symboliquement la fermeture d'une maternité selon vous
Je pense que la fermeture d'une maternité, quelle que soit la raison, représente toujours la disparition d'un service public par lequel nous passons, sauf exception, vous l'avez dit, tous et toutes, surtout toutes
Surtout toutes. Toutes, ce qu'on met
au monde, mais surtout tous lorsqu'on vient au monde. Et c'est c'est aussi un marqueur d'inégalité dans l'accès aux services publics et un marqueur très souvent de la relégation des des territoires ruraux.
Oui.
Et cette relégation qui touche déjà les territoires concernés, qui, enfin ces territoires ruraux sont souffrent déjà de la désertification des services publics et donc lorsqu'il y a la fermeture d'une maternité, ça c'est simplement Exactement, c'est une double peine et puis c'est souvent vécu comme une injustice, comme un témoignage du recul de l'État dans nos vies quotidiennes. Ici, dans les moments les plus importants de de la vie, une injustice qui est ressentie comme telle, d'autant que parfois, il y a très peu de concertation avant la décision de de fermeture. Et donc ça, ça pose des problèmes. Qu'on soit bien clair et je pense que ça ça ça ça ça transparaît très bien dans votre reportage. Souvent la décision de fermer une une maternité est justifiée pour des raisons de de sécurité.
Enfin
c'est un sujet complexe et donc il ne faut pas avoir un réflexe totalement pavlovien, il n'est pas toujours, il est il est parfois nécessaire de fermer une maternité. En revanche, ce qui est certain, c'est qu'il faut de la démocratie sanitaire, c'est-à-dire il faut de la concertation avant que ce soit, que la décision soit prise, il faut que la décision soit expliquée et puis il faut aussi qu'elle soit accompagnée. Parfois, il n'y a pas de solution alternative qui est proposée et on ne pense pas système de soins comme un système d'ensemble auquel on doit apporter des des réponses. Et puis enfin, je dirais que ça explique aussi en partie pourquoi les élus locaux se mobilisent très légitimement en cas de de fermeture d'une maternité, c'est que parfois l'hôpital public et la maternité sont le principal employeur d'un territoire et donc évidemment ça peut être une question économique dans les territoires qui sont qui sont concernés. Mais ce que je retiendrai en premier lieu, c'est la question du symbole du départ d'un service public fondamental d'un territoire donné.
Alors, vous parlez de territoires ruraux, mais pas seulement en milieu urbain aussi, je pense à la maternité des lilas en Seine-Saint-Denis qui est menacée depuis plus de dix ans. Donc il n'y a pas que, il n'y a pas que les territoires ruraux.
Non, vous avez très, vous avez raison de le de le signaler, il existe globalement les territoires qui sont qui souffrent le plus de la désertification des services publics, sont les territoires ruraux d'une part et aussi les territoires dans les périphéries des grandes villes. On sait que par exemple dans le département de Seine-Saint-Denis, il y a des investissements publics qui sont lacunaires notamment dans les dans les services publics comme ceux de l'université. Il y a globalement on investit moins dans ces territoires-là et on en parle très peu. Le le l'État est de moins en moins présent dans ces territoires alors que c'est des ces territoires qui souffrent déjà de d'inégalités importantes. On a tendance à présenter ces territoires comme des réceptacles importants de grandes politiques d'investissement public, ce n'est pas du tout le cas.
C'est des territoires qui ont déjà des difficultés et qui cumulent les difficultés parce qu'il y a une présence de l'État qui est moindre que dans d'autres territoires, donc vraiment les les territoires urbains périphériques et les territoires ruraux sont les deux grands délaissés, les deux grandes victimes de la désertification des services publics.
Alors j'ai découvert quelque chose moi qui m'a vraiment étonné, le taux mortalité des mères et des jeunes enfants reste important en France, plus important que ceux de certains de nos voisins européens, comment on explique ça
Alors ça s'explique par beaucoup de raisons, on sait que on sait que le déterminant de la mort de des mères pendant le, avant l'accouchement, pendant l'accouchement et dans les jours qui suivent l'accouchement ne sont pas directement forcément liés à la question de la maternité elle-même. Les déterminants de santé sont sont très nombreux et sont souvent liés à des des aspects sociologiques. On sait que par exemple, la première raison de la de la mortalité maternelle est le suicide en France. Ça a longtemps été la l'hémorragie de la délivrance, c'est-à-dire une hémorragie au moment de l'accouchement de la mère. Désormais, c'est le c'est le suicide et donc on sait qu'il y a énormément de causes qui peuvent conduire au suicide et qu'il y a beaucoup d'éléments qui sont, qui entrent en jeu bien en amont de l'intervention de la maternité comme en tant que structure de
ce qui
accueille le lieu de l'accouchement. Et quand on sait que la la la désormais la première cause de mortalité des mères en France, c'est le suicide et qu'on regarde l'état de notre psychiatrie par exemple, on peut expliquer en partie cette ce phénomène-là, mais globalement les déterminants de de santé sont sont très larges comme je le disais, il y a beaucoup d'étapes en amont qui comptent, par exemple le mode de vie, l'alimentation, la qualité de l'environnement, et caetera, de nombreux facteurs sociologiques. Or, on sait que la désertification médicale augmente, on l'a dit tout à l'heure, qu'on investit insuffisamment dans la prévention, la médecine de ville et hospitalière et plus largement dans dans la médecine scolaire, dans la PMI, et caetera. Et donc ces sous-investissements-là peuvent avoir des conséquences en termes de mortalité des mères et puis aussi en termes de mortalité des bébés. Sur les mortalités des bébés, c'est, les chiffres sont sont inquiétants, on est sur la mortalité infantile, la France est passée de de la troisième place en deux-mille-douze à la vingtième place en deux-mille-vingt-deux.
Ça, ça s'explique, c'est c'est vraiment multifactoriel, il n'y a pas un facteur simple, ça s'explique par beaucoup de choses, mais ça s'explique aussi parce qu'il y a, on va en reparler, de moins en moins de personnes qui souhaitent travailler à l'hôpital et donc les conditions notamment de formation du personnel qui travaille à l'hôpital sont de plus en plus complexes. Je sais qu'il semble qu'une infirmière qui travaille en néonatologie devrait normalement être formée pendant deux ans. Or en réalité, c'est très peu le cas parce qu'on a du mal à trouver des infirmières qui veulent travailler parce que les conditions de travail sont très difficiles, vous l'avez dit dans votre reportage. Et donc ça ça a des conséquences notamment sur la santé des bébés.
Mais alors est-ce que les agences régionales de santé, les fameuses ARS ont ont rationalisé tout ça Est-ce que ça a apporté quelque chose Les ARS c'est un peu polémique, on entend tout et son contraire sur les ARS.
Ce qu'on peut dire c'est qu'à partir des années quatre-vingt-dix, il y a eu vous l'avez dit dans votre reportage un mouvement qu'on pourrait qualifier de rationalisation, une volonté de rationaliser le secteur hospitalier, On ne peut pas considérer que l'hôpital public va mieux aujourd'hui qu'à la fin du du vingtième siècle, à la fin du siècle dernier, rappelons-le, l'hôpital public français marchait plutôt bien, c'était d'ailleurs une source de fierté nationale que j'espère que nous retrouverons bientôt
Avec des grands exploits médicaux d'ailleurs. Dans le service public.
Et l'excellence du système hospitalier français était était reconnue, la population française était globalement satisfaite du service public hospitalier et le système de santé français était même classé parmi les meilleurs du monde. On a vu depuis une dégradation importante. Je pense que c'est lié en partie à la question, à de notions de gestion et de rentabilité à l'hôpital. Les exigences de reporting, la le l'introduction de nouveaux indicateurs prend beaucoup de temps aux soignants et ça conduit à une dégradation de la qualité du travail au quotidien. Il y a moins de temps octroyé par les soignants aux patients.
Puis plus globalement, vous l'avez dit, ça construit une forme de déficit et ça construit une pression à la réduction des coûts. Et donc ça, ça a des conditions délétères sur l'organisation du travail. Puis on pourra y revenir, mais la question de l'introduction de la t deux a, de la tarification à l'activité Oui,
on en a parlé dans le
Ouais, vous l'avez très bien décrit, a pour conséquence de conduire à des actes qui ne sont pas guidés en premier lieu par des nécessités médicales. On peut avoir tendance à privilégier des actes qui sont très bien tarifés en vertu d'une nomenclature qui a été établie de manière technocratique et bureaucratique, conduire à à des actes qui ne sont pas guidés par des nécessités purement médicales. Budgétaires. Mais budgétaires et donc en plus de rajouter de de la lourdeur bureaucratique dans le quotidien des soignants, ça peut avoir pour conséquence de de mener des actes qui ne sont pas absolument nécessaires et à l'inverse d'en négliger certains autres qui peuvent avoir une grande importance et je pense par exemple aux actes de coordination et d'organisation des soins qui peuvent être très importants, par exemple dans la prise en charge de pathologies rares ou très lourdes ou des pathatologies chroniques et donc on peut avoir tendance à privilégier des soins des soins ambulatoires qui sont très facilement programmables et caetera et donc ça a une influence sur la qualité des soins qui sont donnés. France Inter
Affaire sensible. Ici Castellon, dernier, on a pas mal parlé de démographie. Alors qu'on fait de moins en moins d'enfants en France, le président de la République appelait ce qu'il appelle un réarmement démographique. Est-ce qu'il y a un lien entre la baisse de la natalité et la fermeture des maternités
Bon, on peut dire que s'il y a beaucoup moins d'enfants à accueillir, alors ça, on ne on ne parvient pas à avoir le nombre minimum d'accouchement par an qui justifie le maintien d'une d'une maternité, mais c'est un raisonnement un peu simpliste, ce n'est pas le seul facteur parce que le lien n'est pas clair parce qu'on sait que même si le nombre de bébés qui naissent est en baisse, on sait qu'on prend en charge des pathologies qui sont de plus en plus lourdes dans les maternités, notamment parce que la médecine progresse, c'est plutôt une une bonne nouvelle. On arrive à accueillir des enfants qui sont par exemple prématurés, de plus en plus prématurés parce que la médecine a progressé, donc on arrive à les accueillir et à les à les maintenir en vie, à les soigner. Puis aussi parce que les femmes ont des enfants de plus en plus tard et donc parfois ça ça implique davantage de complications. Et donc le besoin de santé publique ne baisse pas malgré le la baisse du nombre de bébés. Donc l'équation est un peu plus complexe que la simple le simple rapport à la démographie.
Et puis on sait aussi que les séjours tendent à être de plus en plus longs, ce qui ne va pas dans le sens de davantage de fermeture de maternité, ils sont de plus en plus longs pour les raisons que que j'évoquais juste précédemment.
Alors il y a quarante-cinq ans en mille-neuf-cent-quatre-vingt ça fait bien quarante-cinq ans. Ronald Reagan est arrivé au pouvoir aux États-Unis et l'une de ses premières déclarations c'est, le problème c'est l'État. Donc le vert était dans le fruit, ce sont des paroles qui ont raisonné de façon très agréable aux oreilles de madame Thatcher qui est une cheval de Troie de cette, on est d'accord pour l'instant de cette idée. Et puis il y a eu l'Europe qui au nom de l'ouverture à la concurrence a dérégulé les services publics. Est-ce que c'est ça l'enchaînement de ce qui a abouti à la situation aujourd'hui Est-ce que vous voyez comme ça
Ce qui est certain, c'est que ce qu'on appelle le nouveau management public qui procède directement de ce que vous venez de de décrire a eu pour conséquence de considérer que la façon dont ont été gérées les entreprises était toujours, quoi qu'il arrive, plus efficace, plus efficient que la manière dont les services publics étaient gérés. Cette pensée a conduit à l'introduction notamment de la tarification à l'acte qui répond au doux nom de t deux a dans un langage plus technique. Mais ça a conduit aussi, je le disais tout à l'heure, à l'introduction de tout un tas de nouveaux indicateurs pour suivre l'activité des hôpitaux, parce qu'on a considéré que les hôpitaux n'étaient pas suffisamment rentables. Et donc cette introduction a conduit, je le disais, à des effets pervers qui sont notamment la multiplication des actes de bureaucratie qui ont conduit les soignants à avoir moins de temps à octroyer à leurs patients. Et puis aussi à des à des effets pervers qui sont la codification d'actes, la tentative de de codifier de plus en plus d'actes qui sont bien rémunérés pour donner du budget à l'hôpital et la négligence d'actes qui sont moins bien rémunérés, soit la négligence d'actes moins bien rémunérés ou soit on les fait parce qu'ils sont absolument indispensables à la santé des patients et c'est une bonne chose qu'on les fasse, et donc qui conduit les établissements à être en déficit.
On sait qu'aujourd'hui, il y a énormément d'hôpitaux publics qui sont en en déficit, mais ils sont en déficit compte tenu du système de tarification existant. Et donc ça, ça a pour effet un fonctionnement délétère de l'hôpital public et en fait on se rend compte que l'hôpital public ne doit pas fonctionner comme une entreprise, on se rend compte que la logique de rentabilité doit être extérieure à la question de du fonctionnement des services publics qui ont un objectif qui est servir l'intérêt général et répondre aux besoins, en l'occurrence les besoins de de santé de la population. Et donc on doit on doit résolument s'orienter vers d'autres méthodes de de de financement de nos hôpitaux publics et aussi d'autres méthodes de de recrutement de nos agents publics qui aujourd'hui font cruellement défaut parce qu'on a un énorme problème d'attractivité dans la fonction publique en lien notamment avec la dégradation des conditions de travail qui sont liées, qui dégradation qui est elle-même liée notamment à l'introduction de ces indicateurs multiples qui pèsent au quotidien sur le travail des soignants.
Est-ce que, alors bien sûr il y a l'hôpital, dans le service public, on s'attache à l'hôpital parce que c'est ce qu'il y a de plus précieux, c'est ce qui est de de de plus indispensable. D'autres services publics souffrent en France, lesquels ce serait quoi la la cartographie des services publics aujourd'hui entre ceux qui tiennent, ceux qui souffrent, ceux qui sont en danger
Je pense qu'on peut dire que que tous les services publics aujourd'hui souffrent en France. Je pense que l'exemple des maternités est éclairant pour évoquer la situation de l'accès à la santé en général, mais aussi pour pour évoquer la question des d'autres types de services publics. C'est des, on on observe des caractéristiques communes dans la crise des services publics dans la santé et ailleurs. Déjà il y a la question, j'en disais deux mots tout à l'heure de la désintensification de la présence des services publics, la désertification des services publics sur le territoire. On a un énorme problème d'inégalité d'accès aux soins, mais aussi à d'autres types de services publics.
On sait qu'il y a énormément d'écoles par exemple qui ferment, il y a énormément de classes qui ferment et pas que là aussi, on a un point commun, pas que pour des raisons démographiques. Parfois, on profite de la baisse du nombre d'enfants pour fermer une classe et donc on ne profite pas de la baisse du nombre d'enfants pour améliorer la qualité du service public qui est rendu, notamment la qualité de l'enseignement. Et puis vous vous le mentionnez tout à l'heure, il y a la question de la de l'omniprésence désormais des enjeux budgétaires dans la gestion des services publics qui peut conduire à des décisions de politiques publiques qui sont aberrantes au regard des besoins des besoins de la population. Et puis là, un des un des phénomènes qui se retrouvent partout de manière transversale dans la fonction publique, on en a déjà dit deux mots aussi, à la fois à l'hôpital, mais aussi dans d'autres secteurs, c'est la question de l'attractivité de la fonction publique. Vous avez dit deux mots tout à l'heure de du fait que les sages-femmes ont été revalorisées de cent euros par mois, c'est dérisoire quand on voit l'importance de leur rôle social et je pense que ça va bien au-delà de la question de la rémunération et des conditions de travail.
C'est aussi une sorte d'indicateur de de l'importance relative qu'on donne à ces personnes-là dans notre société. Or, elles ont un rôle fondamental qui n'est pas du tout assez valorisé. Au lendemain du Covid, on aurait pu espérer après les avoir applaudi à vingt heures tous les soirs à nos fenêtres que cette revalorisation allait être plus importante, elle ne l'est pas et c'est fondamental de s'atteler à cette question.
Et ce sera le mot d'affaires, monsieur Castelet. Merci pour votre présence dans notre émission, au revoir. C'était affaires sensibles aujourd'hui, la crise des maternités en France, une émission que vous pouvez réécouter en podcast bien sûr. À la technique aujourd'hui, il y avait Fabrice Desmar.