Aujourd'hui dans
affaires sensibles, les licenciements boursiers chez Michelin ou l'impuissance Septembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, l'économie française est à la croisée des chemins. Demain interviendra le temps de l'euro et de la mondialisation débridée. En attendant, le patronat français a toujours en travers de la gorge le passage aux trente-cinq heures décidé par le gouvernement de Lionel Jospin. François Michelin, lui, dirige depuis 50 ans la plus prestigieuse, la plus rayonnante, mais surtout la plus secrète des entreprises françaises. Il règne en maître sur l'Auvergne, entretenant la légende du Bibendum, sa mascotte.
Parce que Michelin, ce n'est pas que des pneus, des cartes, des panneaux indicateurs, un tortilla jaune et rouge, la Micheline ou des étoiles pour grande toque. Non, c'est tout un monde forgé dans un paternalisme d'un autre temps et c'est une ville mono-industrielle, Clermont-Ferrand, entièrement dévolu au seigneur du caoutchouc. Mais en septembre quatre-vingt-dix-neuf, le grand roman paternaliste prend fin brutalement. La direction de Michelin annonce une hausse de ses bénéfices en même temps, puis une suppression de sept-mille-cinq-cents emplois en Europe. Qui a pris cette décision qui choque tant Les patrons ou les actionnaires étrangers L'affaire prend évidemment une tournure politique et met au défi Lionel Jospin qui ne trouve pas d'autre réponse que ce constat qui désespère les travailleurs à qui il s'adresse, l'État ne peut pas tout.
Dès lors, la messe est édite. Notre invité aujourd'hui Marc Chevalier, rédacteur en du magazine Communic alternative économique, alter echo pour les intimes. Affaire sensible, une émission de France Inter diffusée en direct, récit documentaire Bastien Gens, rédaction en chef Franck Cognard, chargé de programme, Rebecca Denante, réalisation Frédéric Milano.
Fabrice Drouenne, affaires sensibles sur France inter.
Bonsoir, voici les titres de l'actualité de ce 9 septembre. Michelin supprime des emplois pour augmenter ses bénéfices, les réactions boursières sont très favorables, les réactions syndicales évoquent une provocation. C'est ce que l'on appelle la logique du marché, celle de l'économie libérale pour augmenter ses bénéfices il faut réduire ses coûts et donc diminuer ses effectifs pour Michelin qui a annoncé hier une hausse de dix-sept pour 100 de son résultat net semestriel cette logique conduit à supprimer des emplois sept-mille-cinq-cent en Europe. En bourse, on s'est félicité, mais à Clermont-Ferrand élus et responsables syndicaux s'indignent ou se révoltent.
9 septembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, la nouvelle fait l'ouverture du 20 heures. L'annonce de sept-mille-cinq-cents suppressions d'emplois, alors même que la direction de Michelin se félicite une hausse de près de 20 pour 100 de ses bénéfices semestriels à tout du scandale. Et le timing est aussi surprenant que la communication du groupe. Ce sont les analystes financiers et les actionnaires qui ont été avertis en premier. Michelin leur promet un délestage de 10 pour 100 de ses effectifs européens pour préparer la performance de demain et concurrencer le japonais Bridgestone et le tout puissant américain Goodyear.
Bien loin de saisir tous les enjeux de cette guerre mondiale du pneu, les sarrianari et clermontois ont sont réduits à faire des prédictions. Quelle usine va fermer Qui va perdre son poste Les ferments d'une nouvelle crise sociale sont posés et la rentrée de septembre s'annonce déjà mouvementée pour les membres du gouvernement socialiste de Lionel Jospin. Ceux-ci affichent pourtant une mine décontractée dans les aléboises et de Rambouillet pour leur séminaire gouvernemental de rentrée. Cueillis par la brutale actualité, les ministres voit né et guessot, une verte et un communiste, tout comme le chef du gouvernement lui-même sont bien obligés d'improviser une réaction scandalisée.
Le deuxième dossier, c'est Michelin où un plan social se prépare. La majorité plurielle est choquée, les ministres aussi.
Une entreprise qui fait des profits et qui licencie, c'est assez incompréhensible pour des gens normaux.
Insupportant de la prendre à la fois que des profits considérables sont réalisés et qu'on s'apprête à à régresser, à diminuer les effectifs, à licencier, ça se Je
sais façon de s'exprimer à l'égard de nos concitoyens assez étonnantes et qui fait se demander parfois si nos patrons mesurent bien ce qu'ils disent et le fait qu'ils vivent dans dans une société démocratique. De toute façon, il y a des règles dans notre pays.
3 jours plus tard, Lionel Jospin arrive tendu dans les studios de France Télévisions où il est attendu pour son grand oral de mi-mandat. Dans le 20 heures de Claude Serion, les premières questions tourneront évidemment autour de ce qu'on appelle désormais l'affaire Michelin. Depuis 3 jours, la classe politique de gauche, PS et PC, de concert avec la plupart des médias nationaux, s'insurge contre la décision des patrons de Michelin accusés d'être à la solde des actionnaires. Par la voix de Robert Hue à la fête de l'humanité, le parti communiste français relance l'idée de réinstaurer un contrôle administratif sur les licenciements. Le PS lui, plus mesuré comme d'habitude, fustige l'archaïsme de ce grand patronat qui mépris ses salariés et qui résonne comme au dix-neuvième siècle.
Le très libéral quotidien l'éco réplique. Dans son édito, Patrick Lam attaque les donneurs de leçons socialistes qui selon lui feraient mieux de réduire les charges et les impôts pour aider les entreprises plutôt que de saboter l'appareil de production français avec la loi sur les trente-cinq heures. Classique argumentation de droite. En tout cas, les patrons, l'État et le marché mondial, c'est peu de dire que l'affaire des licenciements chez Michelin est chargée de symboles et que la réaction de Lionel Jospin est attendue. Mais le Premier ministre se montre prudent, ne se détachant pas de son ton professoral.
Se félicitant d'abord de son action pour réduire le chômage, il devient plus ambivalent au moment où Claude Siery, on l'amène sur le terrain de Michelin.
Première chose, est-ce que vous avez vraiment des marges de manoeuvre, vous gouvernement, vous l'état pour intervenir lorsqu'une entreprise comme Michelin décide de licencier au nom d'une rentabilité meilleure et au nom du fait que des fonds de pension lui commandent d'agir ainsi.
Je trouve cette décision choquante et je suis un peu surpris de voir qu'un certain nombre d'observateurs ou de commentateurs parfois d'acteurs font comme si c'était fait. Les patrons de cette entreprise ils viennent de voir comment ont réagi les Français, ils viennent de voir à quel point l'opinion elle aussi a été choquée. Les salariés existent, il y a des syndicats, il y a une mobilisation qui peut se mener. Donc je crois que il ne faut pas attendre tout de l'état ou du gouvernement, il faut aussi que se mobilisent à la fois l'opinion et les salariés de l'entreprise.
Il ne faut pas tout attendre de l'état. Certes un peu quand même, voire beaucoup, il ne faut pas tout attendre de l'état. La petite phrase du premier ministre pourrait sembler anodine. Elle énonce pourtant une terrible vérité qui ne fera que se confirmer dans les décennies suivantes. Mais n'allons pas trop vite en besogne, pour les salariés de Michelin, tétanisés par la certitude qui entoure le maintien de leur emploi, l'heure est cruciale, évidemment.
De la petite phrase de Jospin reprise en boucle dans les médias le lendemain, une seule analyse s'impose dans les esprits. Non seulement l'État ne peut pas tout, mais on pressent qu'il ne peut pas grand-chose, sinon rien. De l'aveu même du premier ministre, seule une mobilisation massive peut sauver les emplois de Michelin. Bien, sauf que dans une entreprise dans laquelle les grèves sont arlésisimes et où le taux de syndicalisation n'est que de 4 pour 100, c'est loin d'être gagné. Et puis, rappelons-le, nous sommes ici à Clermont-Ferrand, dans une ville qui a pris le pli de ne pas se rebeller contre la toute puissante dynastie Michelin, qui, rappelons-le loge et nourrit la moitié de la cité depuis 100 ans.
C'est l'une des plus grandes stars françaises. Sa silhouette
ou dîner a fait le
tour du monde. Le bonhomme Big Anum, la mascotte de l'entreprise Michelin, connaît depuis les années 50 une nouvelle notoriété. Il faut dire que le nouveau président des manufactures de Clermont-Ferrand, François Michelin, petit-fils du fondateur, compte bien laisser une trace dans le monde du pneu et faire passer un cap à l'entreprise familiale, alors que Michelin, rappelons-le, est déjà l'une des premières entreprises françaises. Sa gomme noircit les chaussées de tout l'Hexagone, sa célèbre Micheline a transporté des 1000000 de voyageurs sur les rails, tandis que son nom moins célèbre guide conseille les touristes du monde entier dans la forêt des restaurants et des hôtels français. Bref, Michelin, c'est l'art de vivre et le goût de l'aventure à la française.
Et c'est une réussite industrielle absolument extraordinaire connue mondialement, c'est ce qu'on appelle un fleuron. Dans les années 50, François Michelin rêve de conquérir le monde. Et pour cela, il va s'appuyer sur l'invention d'un ancien ingénieur de la firme, longtemps laissé dans les tiroirs, le premier pneu à carcasse radiale. Autrement dit, moins énergivore, plus durable qu'on doit un certain Marius Mignol, l'ingénieur. L'invention avait inquiété dans les couloirs de Michelin.
Comment sera plus durable et ça va à l'encontre des affaires. Un bon produit pour un industriel à l'époque, c'est un produit à obsolescence programmée. Mais si le produit est durable, les gens n'auront plus besoin de changer leurs pneus. Ça revient assis à la branche sur laquelle on est assis. Mais non, en fait, raisonnement basique, François Michelin, lui, voit plus loin.
Le monde occidental entre dans l'ère du tout automobile. Il n'y a aucune limite à ce marché. Encore faut-il le dominer. Alors, ni une ni 2, Michuun équipait Citroën 2 chevaux de ses pneus révolutionnaires. Et 10 ans plus tard, en Amérique du Nord, le pneu radial a conquis 100 pour 100 du marché.
Rien ne Rien ne peut arrêter alors l'ascension de l'entreprise Michelin, et certainement pas les revendications de mai soixante-huit, ni même cette grande grève de soixante-dix-sept des ouvriers clermontois qui s'offusquaient du nouveau rythme de travail imposé par la direction, incluant le samedi. Et pour cause, France et Michelin ne cèdent jamais sous la pression des syndicats, n'ont jamais ils n'acceptent de négocier. Les chiens aboient la caravane basse. Les grèves sont si rares à Clermont-Ferrand qu'elles sont particulièrement remarquées. Les commerçants de Clermont tirent alors le rideau, les rues sonnent creux, comme si pendant les quelques semaines durant lesquelles les ouvriers osent défier le patron, la ville entière retenait son souffle.
Mais en quatre-vingt-huit, 10 ans après la grève de soixante-dix-sept, 11 ans même, voilà qu'un nouveau mouvement de colère embrase la capitale auvergnate. Depuis mille-neuf-cent-soixante-dix-sept,
il n'y avait pas eu de mobilisation générale chez Michelin. Mais depuis hier, la colère gronde chez les salariés à la suite d'une augmentation de 20 centimes par heure accordée par la direction. Cet après-midi le négociateur a été sorti de son bureau et de l'usine par les militants en colère.
Le mégot n'a pas un grand, vous prenez la responsabilité vous, qu'est-ce qui se passe aujourd'hui Si vous êtes pour la première fois à l'histoire de chez Michel à cette place aux alentours des travailleurs, c'est à vous, c'est votre faute.
Est-ce que vous allez négocier
Pour la première fois depuis 10 ans, les ouvriers Michelin osent braver la direction du géant du pneumatique. Il faut dire que la dernière coquetterie du patron est reçue comme une humiliation par les ouvriers. 20 centimes d'augmentation par heure. Après des semaines de mobilisation, c'est quand même un petit miracle. Pour la première fois, la direction accepte de négocier et fait rarissime sur la base d'une augmentation cette fois de 50 centimes de francs par heure.
Les journalistes de la France entière squattent alors non sans curiosité les abords des sites historiques des usines Michelin à Qatar ou, Chantemer, le Cambodge, Ravanche. Dix-sept-mille salariés travaillent entre ces murs et la grève en trouve une fenêtre pour entrevoir ce qui se passe dans la forteresse la plus secrète des entreprises françaises. Car depuis toujours, ce qui se passe chez Michelin reste chez Michelin et à Michelin. Aucun étranger, pas même le président de la République ne peut pénétrer dans l'enceinte de celle qu'on appelle dans la région la grande muette. Partout autour pourtant, la puissance et l'influence du Bibendum est perceptible.
Cité ouvrière, maternité, école, dispensaire, clinique coopérative, tout à Clermont-Ferrand a été plus ou moins construit par Michelin. Dans un esprit paternaliste qui a forgé la société clermontoise depuis le début du vingtième siècle d'ailleurs françois michelin ferment chrétien se plaît selon la légende à rappeler qu'il est ici le seul patron après dieu Monsieur François, comme on l'appelle dans les couloirs de l'entreprise, est un homme autant craint que respecté. Il cultive une certaine simplicité teintée de proximité avec les salariés, aussi omniprésent à l'intérieur de son entreprise que discret à l'extérieur. Les voix du seigneur Michelin sont impénétrables. Alors quand François, le pape du pneu, accepte enfin en mille-neuf-cent-quatre-vingt-treize de répondre aux journalistes de France Inter, le signe que quelque chose est en train de changer dans la culture entreprise Michelin.
J'ai rencontré, il y a, je fais ce métier, une attitude extrêmement bizarre vis-à-vis des, des chefs d'entreprise dans le domaine des licenciements. J'ai toujours eu l'impression que, encore récemment, que beaucoup de gens croyaient que les patrons avaient une joie sadique à foutre des gens à la porte.
C'est une passion que vous avez.
Ah oui alors, licencier du monde, c'est un drame épouvantable. Alors de croire qu'on peut avoir la joie de licencier du monde, je trouve ça absolument scandaleux. On est resté en huit-cent-quarante-huit ou un peu plus tard avec le manifeste de Karl Marx. Vous voulez dire que vous François Michelin, comme les autres chefs d'entreprise, vous ne licenciiez qu'en tout dernier recours. Exactement et généralement les banquiers et les actionnaires et les financiers nous disent que nous sommes trop charitables et un peu trop philanthropiques.
Mais les états d'âme de français Michelin ne pèsent pas lourd face à ce que lui dictent les oracles du marché. Depuis le début des années quatre-vingt, l'empire s'étiole. Le second choc pétrolier a mené le groupe au bord de la faillite. Entre mille-neuf-cent-quatre-vingt-deux et le début des années quatre-vingt-dix, les plans sociaux s'enchaînent. Plus de dix-mille postes ont déjà été supprimés à Clermont.
La production est délocalisée, seuls les cadres et les ingénieurs semblent avoir un avenir dans la capitale Auvergnata. Et si l'on en croit les quelques récits ouvriers qui ressortent de cette période, ces plans sociaux s'orchestrent avec une grande violence. En octobre quatre-vingt-treize, au moment même où François Michelin s'épanche au micro de France Inter, les petits chefs, les cols blancs, sont en quête de cent-quatre-vingt-trois nouvelles têtes à couper au sein des usines clermontoises. Dans son ouvrage autour du graphique intitulé matricule f deux-cent-soixante-seize sept-cent-dix, Jean-Michel Freaksan, quarante-trois ans de carrière dans l'entreprise, raconte cette journée spéciale d'octobre quand ton chef de service est venu lui annoncer son licenciement économique, non sans quelques mots doux en guise de cadeau de départ.
À mon sens, monsieur Frisson, vous n'êtes qu'un inutile parasite. Même le personnel de service de nettoyage possède tous le certificat d'études ou parfois même le BEPC.
J'étais abasourdi, hébété, sidéré, médusé. Au-delà du verdict, jamais je n'oublierai les mots prononcés par ce chef de service dans ce vomi de propos insultant et humiliant à la fois. Non, jamais je ne l'oublierai. En quelques secondes, un cyclone d'avilissement moral me dévastait, puis m'anéantissait. Détruit est bien le mot.
Je peux comprendre et admettre le licenciement, mais en aucun cas, je ne peux accepter et pour qui que ce soit un tel irrespect de la personne.
Des mots doux en forme de mots durs si monsieur Frixon échappe de peu au licenciement au prix d'un reclassement pour un petit poste en usine, sa voisine de bureau, elle, n'a pas la même chance. Elle est dégagée manu militari, elle et ses affaires emballées à la va-vite dans un grand sac en plastique, le tout dans un silence assourdissant. Elle se suicidera un mois plus tard. Mais c'est comme si la violence de ces agissements n'entamait jamais la popularité du patron. Dans le livre de Frissons, ce sont bien les petits chefs, les managers qui sont tenus pour responsables de la déshumanisation du
travail, jamais la direction. Et jusqu'à sa mort,
François Michelin sera toujours entouré François Michelin dissim François Michelin dissimule pourtant de moins en moins ses positions ultra libérales et son appétit insatiable.
Un simple et laconique communiqué pour annoncer le début d'un leadership mondial. Dans son rachat d'uni royale Goodrich, le bibendum a confirmé sa réputation de force tranquille de l'industrie française une force qui lui permet désormais de mener au point dans le combat de titans qui l'oppose depuis toujours à l'américain Goodyear et contre son vite fait, le chiffre d'affaires de Goodyear était en quatre-vingt-huit d'un peu plus de soixante-cinq 1000000000. En s'adjoignant uni royal, Michelin passe de cinquante-et-un à soixante-dix 1000000000.
Dans les années quatre-vingt-dix, François Michelin lance son entreprise avec perte et fracas dans le grand jeu des fusions-acquisitions aux États-Unis, à l'instar d'autres groupes français comme Gino, Lafarge, Accor, Axa ou Saint-Gobain. Résultat, les endettements sont énormes, les retours sur investissement ne sont pas à la hauteur et les directions françaises se voient obligées de composer avec les désirs des investisseurs étrangers. Alors, un seul mot d'ordre s'impose pour satisfaire les actionnaires, réduire les coûts. Afin de digérer l'acquisition de l'entreprise américaine Unier Royal Goodrich, qui met de nouveau le groupe au bord de la faillite, Michelin s'adjoint à les services d'un jeune cos killer, promit un avenir brillant, un certain Carlos Ghosn, envoyé aux États-Unis pour faire le ménage. Autrement dit, virer à tour de bras.
À ses côtés, François Michelin a placé son fils Edouard, son successeur désigné. Regarde et apprend, alors que le vieux François a forgé sa légende autour de ces quelques années de formation dans un atelier, au contact du caoutchouc et des ouvriers, c'est bien dans la violence sociale du néolibéralisme qu'il envoie son fils endurcir. Vous écoutez affaires sensibles sur France Inter. Aujourd'hui, les licenciements boursiers chez Michelin ou l'impuissance de l'État.
Affaires sensibles, Fabrice Drouel.
Mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-sept, François Michelin se fait vieux. Il est bientôt temps de quitter la scène, mais non sans mener un dernier combat. Les socialistes, avec leurs alliés communistes, sont revenus au pouvoir en France et ont fait resurgir une vieille idée de gauche qui a de quoi faire frémir le patronat français. La réduction du temps de travail hebdomadaire de trente-neuf à trente-cinq heures inscrite dans la loi. La menace fait effectivement exploser le CNPF, le syndicat des patrons.
Jean Grondois, son président, a claqué la porte des négociations avec l'État. De toute façon, François Michelin a toujours trouvé le CNPF trop mou face au pouvoir politique. Et d'ailleurs, il l'avait quitté suite aux accords de Grenelle en mai soixante-huit, accord jugé trop avec les salariés. Mais dans cette bataille des trente-cinq heures, il compte bien monter au créneau et défendre l'intérêt de sa caste, le patronat. Il profite ainsi de la venue du président Chirac à Clermont pour sortir de sa légendaire réserve et mettre de l'huile sur le feu, comme on peut l'entendre ici au micro des journalistes de France 2 à la fin du reportage.
La solution est dans l'aménagement du temps de travail qui dans le monde d'aujourd'hui ne peut pas être imposé, mais doit être négocié au cas par cas au sein des entreprises.
Le président de la République affirme donc à la fois son opposition à une loi contraignante pour la réduction du temps de travail et son encouragement au dialogue social. Une volonté d'apaisement qui n'est pas partagée par tous.
J'ai interrompu le dialogue, vous venez de le savoir, monsieur Gandhi a été floué, on lui a menti. Sa dignité c'était de tout le camp et il a eu raison. Et je peux vous dire une chose, c'est que la paire de chiffres qu'a reçu monsieur Gandoua, l'ensemble des patrons l'a reçu ainsi que l'ensemble de tous les responsables de l'entreprise y compris le balayeur qui est parfaitement conscient des difficultés du métier.
En quatre-vingt-dix-huit, alors que la loi Aubry est passée, François Michelin que vous venez d'entendre donc, fait paraître un livre entretien vendu à plus de cinquante-mille exemplaires qui s'affiche comme une réponse cinglante aux socialistes. L'industriel fait alors tomber le masque du doux paternalisme et ne cache plus sa conversion aux idées les plus absolues du néolibéralisme. Dans son brûlot, il répète sa haine viscérale du marxisme, déplore jusqu'à la présence même de la notion de lutte des classes dans les manuels scolaires, s'époumonne contre les idéologues au pouvoir de Bloom à Jospin en passant par The Gaulle qui se mêle de ceux qui ne les regardent pas. Et d'ailleurs, n'est-ce pas le passage de quarante-huit heures à 40 heures de travail hebdomadaire en mille-neuf-cent-trente-six qui a fait perdre la guerre à la France Les Allemands, eux, travaillaient pendant que les Français prenaient leurs congés. Pour Michelin, c'est clair, il n'y a de compte à rendre qu'aux clients et aux actionnaires.
Au-dessus de lui, il n'y a que Dieu et le marché bien sûr, 2 notions qui, dans son esprit, se confondent. Alors que le bonhomme Michelin fête ses 100 ans, la grande passation de pouvoir est orchestrée. Édouard Michelin, l'américain comme on le surnomme revient au pays plein de grandes idées pour faire entrer l'entreprise dans la modernité. Un cap qui pour les salariés sans le sapin.
C'est l'heure de la relève à l'usine de Qatarou, rituel immuable chassé croisé des ouvriers, un peu particulier aujourd'hui car la manufacture va changer de tête. Comme ça on s'y attendait un jour ou l'autre, c'est arrivé. On va voir ce que ça, ce que ça va apporter à l'entreprise maintenant.
Et ça va rien changer pour nous. C'est bien le même famille, c'est bien toujours, on s'est armé quand même.
Cette passation des pouvoirs, c'est le changement dans la continuité. Diplômé de l'école centrale, Edouard Michelin fait ses premières armes dans la manufacture en mille-neuf-cent-quatre-vingt-neuf. D'abord en France, mais très vite il part aux États-Unis de quatre-vingt-onze à quatre-vingt-treize, il complète outre-Atlantique son apprentissage de dirigeant d'entreprise. Disons qu'il a des idées plutôt américaines lui, que le père serait plutôt sur, pour maintenir par là, alors que le fils serait plutôt pour délocaliser.
Nous sommes en septembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, Edouard Michelin n'a pas traîné. D'ailleurs plus tard dans les colonnes de Paris Match, il regrettera une erreur de communication, mais ne reniera rien sur le fond. Non, il ne reniera en rien sa décision courageuse, dit-il, parce que dans l'intérêt du groupe, méprisant ceux qui médisent sur sa prétendue attitude de cow-boy biberonné au McDonald's américain, il se pose lui en homme moderne, prêt à faire entrer l'industrie française dans une nouvelle ère. Et en septembre quatre-vingt-dix-neuf, l'annonce des sept-mille-cinq-cent suppressions d'emplois couplées à des bénéfices records suscite l'indignation et la suspicion de tous, même du consultant économique de TF1.
Et pour revenir à à Michelin, Jean-Marc Sylvestre, on a vraiment besoin d'explications parce que jusqu'à présent, c'était quand même plutôt les entreprises qui réalisaient de mauvaises affaires, qui qui licenciaient ou qui supprimaient
les emplois. Là, dans le
cas présent, personne ne comprend et c'est d'ailleurs très choquant. On l'a vu 10 pour 100 d'effectifs en moins et dans le quart d'heure qui a suivi, 10 pour 100 et plus de plus-value boursière. Vous avez, ce qu'il faut savoir, vous savez, c'est que les dirigeants des grandes entreprises françaises aujourd'hui Michelin et des autres sont obsédés par la compétition internationale bien sûr, mais ils sont aussi obsédés par leur cours de bourse. Ils vivent sous la pression permanente des marchés financiers, des marchés financiers qui exigent des rentabilités financières toujours plus fortes. Et s'ils ne répondent pas à cette exigence, et bien le titre baisse et l'entreprise devient alors fragile, vulnérable.
Dans le métier, on appelle ça un coup de ciseaux, Mais pour le grand public du début des années 2000, pas encore habitué au grand jeu du libéralisme mondialisé, ce cynisme apparaît inédit. D'autant que très vite, un chiffre revient en boucle dans les médias, 12 virgule cinquante-quatre. C'est le pourcentage de la hausse de l'action de Michelin le 9 septembre quatre-vingt-dix-neuf, soit le lendemain de l'annonce des sept-mille-cinq-cents suppressions d'emplois. On ne parle pas encore de licenciement boursier, L'expression sera inventée 2 ans plus tard. Mais c'est bien en ce sens que la manoeuvre est comprise.
La suppression des emplois ne viserait au fond que les intérêts des actionnaires. Nous entrons alors de plain pied dans un monde où la valeur capitale l'emporte sur la valeur travail. Et le choc est d'autant plus brutal que Michelin n'est pas n'importe quelle entreprise. On l'a dit, symbole de la réussite de l'industrie française. Le bibendum apparaît encore comme un temple du capitalisme paternéraliste à l'ancienne.
Certes, la firme ne domine plus l'économie de la région comme elle le faisait dans les années soixante-dix quand elle employait près de 30000 personnes et générait 50 pour 100 des revenus fiscaux d'Auvergne, parce que 8 plans sociaux sont passés par là, mais tout dans la ville rappelle l'influence du fabricant de pneus, Et c'est tout naturellement que toute la cité se met à trembler quant au devenir économique de la région, Michelino, dépendante et déjà gangrenée par le chômage. Mais le malheur ne s'abat pas que sur les Auvergnats. Dans le Nord, à Soissons, la direction de Michelin a déjà annoncé la fermeture prochaine de l'usine Volbert, spécialisée en pneumatiques de vélo. Quatre-cent-cinquante-et-un ouvriers sont sacrifiés sur l'hôtel de la concurrence avec les entreprises chinoises. Quatre-cent-cinquante-et-un ouvriers sont
sacrifiés sur l'autel de la concurrence avec les entreprises chinoises.
Le vingt-et-un septembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, quatre-mille personnes défilent dans la petite commune de trente-mille âmes. Plus encore qu'à Clermont, où selon la direction, 2000 salariés prennent part à ce premier défilé contre l'annonce des suppressions d'emplois décidées par le fils Michelin. Et dans les rues de la capitale Auvergnate, Edouard devient Brutus, car il est bien question de tuer le père.
L'avenue Édouard Michelin rebaptisée avenue du plein emploi jour de colère chez Bibendum. Ils étaient deux-mille dans les rues de Clermont-Ferrand, l'annonce il y a quelques jours de sept-mille-cinq-cent suppressions d'emplois au moment où affiche dix-sept pour 100 de hausse de son bénéfice fait hurler les salariés.
Moi je dis que Michelin tout de suite il se fout de notre gueule puisque il a fait du bénéfice on atteint notre argent des participations on vaudra un petit peu du beurre qu'on mette dans nos épinards.
Il y
a Michelin et il y a les filiales. Volbert qui fabrique des pneus pour cycle à Soissons a annoncé la cessation de ses activités, cinq-mille personnes ont manifesté cet après-midi. Les magasins ont baissé les en signe de solidarité, opération ville morte.
Déjà dans le toit d'en soi-soleil est déjà suffisamment touché. Donc maintenant vous perdez, on ne va pas pouvoir se répéter, il n'y a rien soixante-deux.
Donc il
faut qu'on vous batte pour garder ce qu'on a ici.
Les syndicats de Michelin attendent maintenant le comité central d'entreprise. Il aura lieu le vingt-neuf septembre prochain, mais Bib en appelle à la responsabilité de l'État français.
La responsabilité de l'État, elle est résumée par la déclaration d'impuissance et de démission de Lionel Jospin face au grand hôtel de la gauche social-démocrate qu'est l'État providence. Cette fameuse phrase, il ne faut pas tout attendre de l'État. Le pouvoir socialiste est bien sûr déstabilisé. La prestation de Lionel Jospin au JT de 20 heures a semé le trouble. Alors que l'ensemble de la classe politique de gauche s'insurge contre les manoeuvres de Michelin, appelant au boycott de leurs pieux et aux suppressions des aides publiques, le premier ministre serait-il en train de mollir face aux libéraux Le vingt-sept septembre, il est à Strasbourg pour un grand discours devant les parlementaires socialistes.
Et là, il rectifie le tir. L'État ne paiera pas un centime pour les plans sociaux de Michelin, affirme-t-il. Par la suite, le gouvernement multiplie les effets d'annonces. Des amendements dits amendements Michelin vont être apportés à la loi sur les trente-cinq heures. Un ensemble de mesures pour empêcher l'entreprise de licencier économiquement en cas de bénéfice.
On parle même d'un retour du contrôle administratif sur le licenciement comme il était en vigueur jusqu'en mille-neuf-cent-quatre-vingt-six. Mais ces mesures ne verront jamais le jour retoquées des mois plus tard par le Conseil constitutionnel. Quant aux ouvriers d'Hibba, ils comptent aujourd'hui leurs survivants. Le plan de mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf n'a été qu'une étape dans le lent démantèlement de l'origine de production en France, entamée il y a 30 ans au nom d'un besoin de compétitivité jamais rassasié. Alors, que peut réellement l'État face à l'inéluctable La phrase de Jospin n'est pas que symbolique.
Elle résonne également comme un lapsus, tant le jeu du pouvoir socialiste à l'égard des entreprises françaises et du marché est trouble. Dans le cadre des négociations sur l'application de la loi sur les trente-cinq heures, ordre est d'ailleurs donné au ordre est d'ailleurs donné aux ministres et aux parlementaires de lâcher la drape aux entreprises. Et si l'on creuse encore, comme le fait Bruno Amable dans son ouvrage, l'Inrésistible ascension du néolibéralisme, l'ambiguïté de la politique du gouvernement Jospin n'apparaît que plus éclatante. D'un côté en effet, la semaine de trente-cinq heures, propre à faire rêver la glorieuse mémoire de Léon Blum, mais de l'autre, les années Jospin se soldent par une campagne de privatisation massive des entreprises publiques, d'une série de mesures de libéralisation des marchés financiers et de nombreux compromis en faveur des néolibéraux sur la gouvernance d'entreprise. Autrement dit, la digue cède.
L'économie mixte à la française est condamnée. La disparition de son appareil productif est actée. Dès deux-mille-un, 2 nouveaux plans sociaux en effet secouent le pays mettant le gouvernement Jospin en prise avec son impuissance.
La méthode utilisée par Marc Sespencer pour annoncer mille-sept-cent licenciements n'a visiblement pas plu à Lionel Jospin.
Les responsables responsables des magasins en France ont été informés par la direction britannique en même temps que la presse et la bourse par un simple email.
Malheureusement les les collègues sont là, nous sommes sans emploi dans pas longtemps donc qu'est-ce que fait le gouvernement justement par rapport à ça Qu'est-ce que confère monsieur justement pour éviter que nous soyons à la rue et qu'on puisse retrouver très rapidement un emploi
C'est également la question que l'on se pose à l'usine LU de Calais, frappée de fermeture par le plan social version Danone. Découragé, les salariés attendent plus que des novices Premier ministre. C'est
bien, mais ce n'est peut-être pas encore assez parce qu'il a juste dit qu'il était contre, mais il n'a rien fait pour l'empêcher parce qu'il était plus ou moins au courant de ce plan.
C'est à la suite de ces annonces de licenciement collectif chez lui et Markens Spencer que le patron des députés communistes Alain Bocket invente l'expression de licenciement boursier. Sa formule, extrêmement pertinente, car elle correspond à une réalité factuelle, devient un hit médiatique, bientôt repris par toute la classe politique et resurgissant à chaque annonce de plan social considéré comme injuste. À vrai dire, ni dans le cas de Michelin, ni dans celui de Danone Lu, l'annonce des licenciements n'a eu un impact significatif et durable sur l'action en bourse des entreprises. Il paraît ainsi un peu rapide de considérer ces licenciements collectifs comme de simples cadeaux faits aux actionnaires. Mais d'expression, licenciement boursier reflète à merveille la sinistrose qui s'abat en France face aux lois du marché mondial et à l'impuissance de l'État.
Alcatel, Avantis, Valeo, Moulinex, EDF, Yulec-Pacard, Seb, Solvay, France Télécom, Heineken, Arcelor Mital, à chaque fois, des licenciements collectifs, des plans sociaux, des fermetures d'usines, puis des promesses déçues des hommes d'État. Michelin n'a fait qu'ouvrir la voie, d'aucun préféré quand ces Michelines occupaient les voies.
France
inter.
Affaires sensibles, Fabrice Drouelle.
Michelouin et les licenciements boursiers de notre invité aujourd'hui Marc Chevalier, bonjour.
Bonjour Fabrice.
C'est très acteur en chef du magazine Alternative Économique. Alors, on a été sévère avec l'État. On rappelle qu'à partir du moment où des grandes signatures sont effectuées dans le mécano-industriel mondial, l'État est dans une position difficile bien sûr bien sûr. Mais le cas Michelin en quatre-vingt-dix-neuf est symbolique d'accord, mais depuis quand les grandes entreprises françaises ont-elles commencé leur conversion, pratiques néolibérales mondialisées à votre avis parce que ça semble antérieur à Michelin.
Effectivement c'est un processus qui a été très progressif et dont on peut dire que le coup d'envoi a été donné en mille-neuf-cent-quatre-vingt-six lorsque la droite est revenue au pouvoir et là elle a voulu revenir en fait sur le mouvement des nationalisations qui avait été très important mise en place par François Mitterrand quand il était arrivé à la présidence de République et donc on a commencé à privatiser beaucoup d'entreprises françaises. Ce mouvement s'est poursuivi tout au long des années quatre-vingt-dix et le et votre documentaire le soulevait en fait, ça n'a pas été, il n'y a pas eu d'inflexion en fait sous sous le gouvernement de Lionel Jospin lorsque la gauche est revenue au pouvoir. Donc ça c'est un c'est un élément très structurant parce que ça a impliqué beaucoup de choses. On a d'abord mis en place ce qu'on appelait des des comment des des enfin des les entreprises étaient liées entre elles, mais des entreprises privatisées et puis finalement ces noeuds se sont se sont déliés et c'est là où en fait où les entreprises ont commencé à à s'émanciper un peu de leurs de leurs racines, les grandes entreprises de leurs racines nationales. Donc et et dans le même temps il y a un, notre mouvement de fond c'est l'internationalisation, tout tout le monde s'est lancé dans dans dans l'internationalisation et pour ça il fallait des moyens.
Donc les entreprises qui qui étaient privatisées ont ouvert leur capital à des actionnaires souvent étrangers. En mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuf, on estimait qu'il y avait trente-six pour 100 du capital des entreprises françaises, des grandes entreprises, celle du cac 40 qui étaient possédés par ce qu'on appelle des non résidents, c'est-à-dire
Un investisseur étranger.
Voilà des investisseurs étrangers en quatre-vingt, en deux-mille, un an plus tard, on était monté à 40 pour 100. Donc ce taux, c'est, n'a cessé de s'élever durant la première décennie deux-mille jusqu'à atteindre presque 50 pour 100 aujourd'hui, il est dû à peu près à ce niveau-là à 40 pour 100, mais on voit bien que c'est un mouvement qui qui vient de loin, je vous dis qui commence en en quatre-vingt-six à peu près.
Oui, dans les années quatre-vingt, plus Jacques Chirac était dans une période où il adhérait vraiment au au libéralisme et on est dans la décennie marquée par l'arrivée de Ronald Reagan au pouvoir et qu'il dit, l'une des ses premières déclarations, il dit statisme, le problème, c'est l'État. Donc cette volonté de réduire la part de l'État dans les agents économiques.
Exactement oui.
Et on est vraiment là-dedans quoi donc la France est embarquée dans ce dans ce mouvement-là.
D'autant qu'à la suite des des nationalisations de quatre-vingt-un en fait il y avait le le secteur public, les entreprises publiques, c'était un gros employeur en France. Donc réduire en fait la place de l'état dans l'économie française ça voulait dire effectivement vendre des entreprises qui étaient des entreprises publiques c'est comme ça que tout un tas de fleurons ont disparu. Mais ce mouvement en fait il y a eu des conséquences effectivement en cascade c'est-à-dire que quand on a ouvert le capital de ces entreprises et qu'on a fait rentrer des investisseurs très souvent anglo-saxons, les fameux fonds de pension qui sont devenus un peu presque un bouc émissaire quand quelque chose allait mal effectivement quand une décision semblait prise qui semblait aller contre l'emploi et caetera en France, ça a eu des conséquences sur effectivement la gestion des entreprises. Alors peut-être pas aussi mathématique ou ou systématique que ce qu'on disait sur la à travers la notion de licenciement boursier, vous l'avez dit quand Michelin a annoncé des licenciements, l'action a augmenté le lendemain. Mais quelques jours après ce qu'on oublie c'est qu'elle a baissé et 6 mois après quand ils ont publié leurs résultats qui montraient les résultats qui étaient en baisse à cause du coût des plans sociaux, l'action a baissé.
Donc ça fait absurde.
Voilà, mais ça ne veut pas dire que ces ces ces investisseurs comme les appelle comme les fonds de pension n'ont pas eu d'influence effectivement sur la gestion des entreprises françaises, ils demandaient plusieurs choses, ils demandaient de la clarté d'abord, donc ils demandaient très souvent les entreprises françaises c'était des gros conglomérats, c'est-à-dire qu'elles faisaient plein de choses, L'ancêtre d'Alcatel Alstom, c'était la campagne la CGE, ce qu'on appelle la CGE, elle était présente dans des tas de La compagnie générale des eaux. La compagnie générale des eaux. Et et donc on a on a demandé à ces entreprises de se séparer de toutes leurs activités annexes. Et c'est un peu ce qui était finalement ce que ce que fait Michelin en fait en en se séparant de cette usine qui fabrique des cycles enfin des des ponts de vélos sont des des éléments sans sans grande valeur ajoutée, on se dit bon ben ça c'est pas dans votre coeur de métier donc débarrassez-le.
Et pourtant, fabriquer des pneus, ça reste le coeur de métier.
Oui, mais c'était des pneus pour vélo, à l'époque le vélo ce
n'était pas C'est fallacieux quand même comme argument.
Voilà, bon oui, c'est c'est c'est fallacieux effectivement, mais c'est c'est leur logique, c'est-à-dire ils veulent des des entreprises avec des périmètres d'activité clairs, donc tout ce qui ne semble pas être leur coeur de métier, on peut le redéfinir loisir doit disparaître, ils veulent de la transparence sur les comptes et ça, on l'a vu, vous l'avez dit vous-même que Michelin était le roi de l'opacité en fait aussi dans toute la gestion de l'entreprise. Donc c'est c'est c'est des exigences qui effectivement petit à petit sont intégrées par les grandes entreprises françaises et c'est un choc culturel massif en France parce que c'est conjugué à une culture très technocratique de des des élites qui sont à la tête des entreprises qui ont une conception de management très autoritaire et très verticale.
Alors est-ce que c'est ce phénomène qui est à l'origine non pas de la disparition de l'industrie française, elle n'a pas disparu, mais de l'affaissement de l'industrie française ou est-ce que ce sont et c'est d'abord le processus de désindustrialisation qui compte Où est-ce que les 2 sont liés finalement
Le processus de désindustrialisation, il n'a pas commencé avec avec cette comment dire cette transformation des grands groupes français.
Et ce
qui est sûr, c'est qu'effectivement ce processus y a contribué puisque que ça ça voulait dire éliminer plein d'activités, ça voulait dire puisqu'on s'internationalise qu'on veut s'implanter en Chine par exemple c'était le canal Catel, on ferme des usines en France pour aller servir le client au plus au au plus près au au plus près. Donc effectivement ça a eu des des conséquences en termes d'accélération de de la désindustrialisation.
France inter, affaires sensibles.
Marc Chevallier avant de d'aborder l'aspect le plus politique de cette affaire autrement dit la phrase de Lionel Jospin et tout ce qu'elle sous-tend rappelons quand même que Michelin en tant qu'entreprise paternaliste a été un énorme succès. Ça a commencé au début du siècle avec le le Tour de France, je crois Michelin a trouvé un des pneus pour les vélos plus faciles à réparer que ceux qu'on utilisait à l'époque. Et puis après, il y a eu les cartes Michelin, enfin tout ce que tout ce que vous connaissez. Tout à fait. Et là oui, bien sûr.
Et donc, ce cette entreprise paternaliste qui organise la vie sociale de la ville dans laquelle sont implantées les usines autour de laquelle sont implantées les usines. Est-ce qu'il reste des modèles comme ça aujourd'hui en France
Il en reste, mais pas pas pas de cette taille-là, de cette de de la taille de Michelin, c'est vraiment plutôt une exception dans le champ des des des grandes entreprises compris un un tournant plus enfin il y a oui effectivement la présence du capitalisme familial est plutôt à des niveaux d'ém e voilà.
Alors l'état ne peut pas tout. Comment comment interpréter cette phrase au moment où elle est dite qu'est-ce que selon vous elle elle sous-tend, qu'est-ce qu'elle nous dit cette phrase
Alors il
n'a pas vraiment prononcé déjà. Mais c'était c'est intéressant qu'on ait retenu en fait de ce qu'il a dit, qu'on l'ait résumé sous cette formule-là puisqu'il a dit plutôt il faut pas tout attendre de l'état
Il y a tout
attendre de l'état.
Ouais et du gouvernement et je ne crois pas qu'on puisse administrer désormais l'économie. Je pense que ça voulait dire plusieurs choses, ça voulait dire par rapport à ce qui était le logiciel du socialisme français jusqu'ici et qui avait été très marqué par les nationalisations en quatre-vingt, on en parlait tout à l'heure, ça voulait dire on ne va pas refaire ça, on ne va pas renationaliser, on ne va pas intervenir dans l'économie de cette manière. Donc lui était plutôt porteur de d'un discours qui disait on on va faire, on va mener une politique sociale démocrate, c'est-à-dire un socialisme qui accepte l'économie
de marché. Ce qu'on appelle l'économie sociale
de marché.
Ce n'est
pas tout à fait la même chose. La société c'est plus une option politique.
Oui j'entends bien, mais je ne parlais pas de l'option politique, je parlais de l'adhésion à une certaine forme d'économie, la part des socialistes parlaient souvent de économie sociale de marché. Ce sont des mots, allez-y, continuez.
Donc oui, une politique sociale démocrate, donc un peu inspirée par ce que ce qu'on ce qu'on pu mettre en place par par par les pays scandinaves ou la Allemagne par exemple et mais ce qui est paradoxal c'est qu'en fait ce qui ressemble à un aveu d'impuissance il est il est contemporain vous l'avez dit de la mise en place des trente-cinq heures. La mise en place des trente-cinq heures c'est quand même la C'est
un élément très important.
Oui c'est la dernière grande politique publique d'emploi qui a été mise en place en France donc c'est paradoxalement c'était une démonstration de puissance de l'état qui était assez importante. Mais effectivement ce que disait Jospin c'est en fait on ne va pas intervenir directement au niveau des stratégies industrielles de chaque entreprise. Et il se référait finalement à la social démocratie, il y avait un un comment dire de sa part une forme d'impensé ou alors il n'est pas allé jusqu'au bout, c'est-à-dire que un des outils importants dans les pays qui ont mis en place enfin qui se revendique de la social démocratie, c'est ce qu'on appelle le principe de la co-détermination, c'est-à-dire la participation des salariés aux organes de pouvoir des entreprises. Ce qu'aurait pu faire à ce moment-là le gouvernement Jospin, c'est aller dans ce sens-là. En Allemagne, la totalité des très grandes entreprises compte entre 30 et 50 pour 100.
Et cogère, cogère avec les syndicats, typiquement le modèle allemand.
Entre 30 et 50 pour 100 des sièges au conseil de surveillance, l'équivalent des conseils d'administration sont occupés par des représentants des salariés. Ça implique un mode de gestion totalement différent des entreprises, l'emploi est beaucoup plus géré dans la durée et caetera.
Mais merci infiniment, au revoir. C'était affaires sensibles aujourd'hui, licenciement chez Michelin ou l'impuissance de l'État, une émission que vous pouvez réécouter en podcast bien sûr. À la technique aujourd'hui, il y avait Loïs Moreau.