Et c'est géopolitique, bonjour Pierre Hass.
Bonjour Nicolas. Pierre, vous
nous parlez des protestations qui secouent la Turquie et Israël.
Les pays sont différents, leur système politique aussi, les causes immédiates de la colère ne sont pas les mêmes non plus et pourtant Israël et la Turquie vivent depuis quelques jours au rythme de manifestations de masse contre les gouvernants. La motivation, elle, est la même, dénoncer, empêcher une dérive qualifiée au mieux d'illibérale, au pire d'autocratique. L'ombre de Donald Trump n'est jamais très loin, qui donne à ses pouvoirs les mains libres pour transgresser le droit. Hier les 2 pays ont franchi une nouvelle étape dans cette dérive. En Turquie le principal rival du président Recep Tayyip Erdogan, le maire d'Istanbul et Krem Imamoglou a été incarcéré après avoir été inculpé de corruption et de complicité avec un groupe terroriste, des centaines de manifestants ont été arrêtés ces derniers jours.
En Israël, le gouvernement a voté une motion de défiance contre la procureur générale Gali Bahara Vmiara première étape de sa destitution, une décision à laquelle s'oppose tous les procureurs précédents et presque tous les anciens ministres de la justice et ancien président de la cour suprême d'Israël.
Et pourquoi ces décisions Pierre
Dans les 2 cas on assiste à un assaut contre les contre-pouvoirs une démarche classique de la part des dirigeants dits illibéraux, une expression qui visait à l'origine les gouvernements populistes de Hongrie et de Pologne et qui s'est internationalisé. En Turquie, le maire d'Istanbul était sur le point d'être désigné comme candidat de l'opposition à la prochaine élection présidentielle en deux-mille-vingt-huit. Le président Erdogan ne peut théoriquement pas se représenter, mais peu d'observateurs considèrent qu'il est prêt à abandonner le pouvoir. En Israël, le Premier ministre Benyamin Netanyahou et sa coalition d'extrême droite tentent depuis plus de 2 ans de limiter les contre-pouvoirs. D'immenses manifestations avaient eu lieu en deux-mille-vingt-trois jusqu'à ce que le massacre du 7 octobre ne change radicalement la donne.
Les manifestations des derniers jours rappellent celles de deux-mille-vingt-trois malgré la reprise de la guerre à Gaza et l'impasse sur la question des otages restants. En Turquie comme en Israël, le pouvoir politique avance malgré l'énorme mobilisation d'une partie de la société au risque de polariser à l'extrême le pays.
En quoi excusez-moi Pierre en quoi l'ombre de Trump joue-t-elle
un rôle Alors la dérive libérale Nicolas est aussi ce que reproche une partie des Américains à Donald Trump depuis son retour à la maison blanche il y a 2 mois. Il tente lui aussi de contourner les contre-pouvoirs qui font la force de la démocratie américaine. L'exemple donné par le président des États-Unis désinhibe les tenants de l'autoritarisme à travers le monde qui se sentent pousser des ailes. Erdogan en Turquie n'a pas attendu Trump pour laisser parler ses penchants autoritaires, mais il va cette fois encore plus loin. Idem en Israël ou Netanyahou c'est que rien ne peut s'opposer à sa vision dès lors que les États-Unis sont avec lui.
C'est poussé illibérale et les protestations qu'elle suscite sont l'un des traits de cette époque de rupture qui voit la démocratie libérale en recul un peu partout. Ce ne sont pas des événements lointains, c'est une tendance mondiale y compris donc en Europe n'en doutons pas. Pierre Haski merci.