7 10. Wouah. Sur France Inter. Pierre
Haski bonjour. Bonjour Nicolas. Vous interrogez Pierre sur la crise politique qui a éclaté en Turquie.
2000000 de personnes dans la rue samedi à Istanbul, c'est massif et impressionnant et ce n'est pas fini. La coalition de l'opposition en Turquie annonce un programme de manifestations nationales et régionales tant que durera la détention de Krem Imamoglou, le maire d'Istanbul et candidat commun de l'opposition à la prochaine présidentielle. Le prix Nobel de littérature Oran Pamouk a décrit ainsi ce mouvement, ce qu'il reste de la démocratie turque lutte aujourd'hui pour sa survie. C'est dire si l'enjeu est important d'autant plus qu'il intervient dans un contexte de poussée autoritaire globale marquée par la nature autocratique de Donald Trump. Le président turc Recep Tayyip Erdogan est à la tête de la Turquie depuis vingt-deux ans, période au cours de laquelle il a façonné un pouvoir personnel sans partage et a progressivement réduit l'espace démocratique.
Un précédent leader d'opposition, Selakhrettine Dermitach, avait été arrêté après avoir remporté un score important en deux-mille-quinze, il croupit toujours en prison. Tout comme des figures de la société civile comme le philanthrope Osman Kavala et des milliers d'anonymes y compris ceux qui ont été arrêtés ces derniers jours.
Et le président turc peut-il reculer cette fois
Alors l'ampleur de l'opposition en Turquie depuis l'arrestation du maire d'Istanbul le dix-neuf mars montre qu'il existe toujours un ressort démocratique au sein de la société. Sera-t-il suffisant pour se faire entendre d'un pouvoir qui paraît décidé à éliminer un obstacle de taille sur sa route la popularité du maire d'Istanbul, seul capable de s'opposer à lui. L'issue de ce combat est incertaine. Les turcs savent qu'ils sont seuls. Le contexte international ne leur est pas favorable.
Donald Trump à Washington n'a aucune raison de s'opposer à une démonstration d'autoritarisme d'Erdogan c'est le cadet de ses soucis il a par le passé entretenu d'excellentes relations avec le président turc quant aux européens ils sont aujourd'hui soucieux de conserver la Turquie de leur côté dans le soutien à l'Ukraine et n'iront pas plus loin que des protestations verbales face à la dérive d'Erdogan.
En quoi la Turquie est-elle indispensable Depuis l'invasion de l'Ukraine il y a
3 ans Nicolas, la Turquie occupe une place à part. Elle a fourni à l'Ukraine les drones qui ont joué un rôle dans la résistance initiale à l'invasion russe. Elle a fait jouer ses prérogatives sur l'accès à la mer Noire pour bloquer toute possibilité de renforcer la flotte russe, mais dans le même temps, elle a maintenu le dialogue avec Moscou, refusé d'appliquer les sanctions occidentales et même tenté un temps de jouer les médiateurs. La Turquie a participé aux dernières réunions de la coalition des volontaires, prête à aider l'Ukraine, même sans les Américains. Et cette présence lui offre une garantie d'impunité face à ce durcissement intérieur, c'est du réalisme diplomatique en temps de crise, Erdogan en profite.
Les manifestants turcs sont donc seuls face à leur destin, mais ça ne les décourage pas. Le bras de fer engagé par Erdogan en embastillant et Kremlin Mammoglou sera tranché par les turcs eux-mêmes. L'issue de ce combat déterminera ce qu'il restera de la démocratie turque pour reprendre la formule éloquente de Rahn Pamouk. Pierre Haski merci.