Peut-être que vous ou un de vos proches avez été malade Peut-être que vous avez perdu votre travail à cause du Covid Mais ce que j'essaye de dire de manière un peu maladroite, c'est qu'on est tous concernés par ce problème de près ou de loin et que ça risque de durer encore plusieurs mois Alors en attendant, on va essayer de se changer les idées, de penser à autre chose au moins pour les trente minutes qu'on va passer ensemble. Quand on pense au français, on les imagine souvent avec un verre de vin ou un café mais pas avec un joint. Un joint, c'est le même mot qu'en anglais, c'est une sorte de cigarette mais avec du cannabis à l'intérieur. On dit aussi un pétard ou un pet dans la langue informelle. Et moi, pour simplifier, je vais seulement utiliser le mot joint.
Alors peut-être que je me trompe mais j'ai l'impression que fumer des joints n'est pas un stéréotype qu'on a sur les Français. Pourtant, les Français font partie des plus gros consommateurs de cannabis du monde. Par exemple, parmi les Européens, c'est eux qui en fument le plus. D'un autre côté, il y a de plus en plus d'économistes et d'experts qui recommandent de légaliser le cannabis. Ils pensent que ça permettrait de mieux en contrôler la consommation, de faire disparaître le marché noir, les trafiquants de drogue, mais aussi de faire gagner de l'argent à l'État grâce aux taxes.
Bref, vous l'avez compris, c'est un sujet qui fait polémique dans l'hexagone. Donc moi, je vais vous aider à mieux comprendre les différents arguments de ce débat et on va se demander si la France compte légaliser le cannabis dans un avenir proche. Comme je vous l'ai dit, les Français sont les champions d'Europe en matière de consommation de cannabis. On peut le voir dans une étude publiée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. C'est l'institution de référence en France pour toutes ces questions.
Je vais souvent citer ses études. Du coup, pour aller plus vite, je dirais l'OFDT au lieu de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanie. Alors d'après les chiffres de l'OFDT, en deux mille dix-sept, parmi les Français âgés de quinze à soixante-quatre ans, onze pour cent avaient fumé du cannabis au cours de l'année précédente. Oui, ça fait beaucoup de chiffres et je sais que les chiffres en français, c'est pas le plus facile Et si vous avez des doutes, comme d'habitude, vous pouvez lire la transcription de l'épisode sur innerFrench.com Bref, on reprend. En deux mille dix-sept, parmi les Français âgés de quinze à soixante-quatre ans, onze pour cent avaient fumé du cannabis au moins une fois pendant l'année précédente.
Et ça, onze pour cent, c'est la part la plus élevée parmi les pays européens. Enfin, en réalité, on est champion d'Europe ex-aequo. Ex-aequo, ça veut dire à égalité avec le même score c'est une expression latine. On est ex-aequo avec les Espagnols qui sont aussi à onze pour cent de personnes ayant fumé du cannabis pendant l'année précédente. Et en troisième place, juste derrière, on trouve les Italiens avec un taux de dix pour cent donc seulement des pays latins dans le top trois Dans cette étude, il y a un autre indicateur qui s'intéresse à la consommation de cannabis au cours d'une vie Autrement dit, on demande aux gens s'ils ont déjà fumé de la marijuana au moins une fois dans leur vie s'ils ont déjà expérimenté Avec cet indicateur, les Français sont encore premiers.
Ils sont quarante-cinq pour cent à avoir essayé le cannabis dans leur vie. C'est énorme. Quarante-cinq pour cent, ça veut dire que quasiment la moitié des Français qui ont entre quinze et soixante-quatre ans ont déjà fumé du cannabis. Par contre, cette fois, c'est le Danemark qui est à la deuxième place avec trente-huit pour cent des Danois qui ont déjà fumé de la marijuana et l'Espagne en troisième position avec trente-cinq pour cent. Donc là, quand on regarde cet indicateur, quand on s'intéresse plutôt à l'expérimentation, au fait d'essayer, On voit que c'est une pratique plus répandue chez les Français que chez leurs voisins européens.
Et c'est une tendance qui est encore plus visible chez les jeunes. Chez les personnes de quinze à trente-quatre ans, cinquante-huit pour cent ont déjà essayé le cannabis. Là, c'est plus de la moitié. Plus d'un jeune sur deux en France a fumé du cannabis au moins une fois dans sa vie. Là aussi, ils sont à la première place en Europe devant les jeunes Estoniens pour qui ce chiffre est de seulement quarante-six pour cent.
Comme d'habitude, je mettrai les sources sur la page de l'épisode si vous voulez vérifier tous ces chiffres ou si vous voulez voir à quelle place votre pays se trouve. Bref, en Europe, les Français sont les plus gros fumeurs de cannabis. Mais au niveau mondial, il y a d'autres pays où Peut-être que vous trouvez ces chiffres surprenants. Moi, avant, je pensais que les plus gros consommateurs de cannabis en Europe, c'étaient les Hollandais vu que là-bas, aux Pays-Bas, c'est une drogue légale comme au Canada depuis deux-mille-dix-huit et dans certains États aux États-Unis. Après tout, ça semblerait logique qu'il y ait plus d'usagers dans un pays où on peut en acheter légalement et facilement.
Mais non, ce n'est pas le cas. En France, au contraire, la législation en matière de cannabis est très répressive comme je vous l'ai dit. Le cannabis est considéré comme un stupéfiant, autrement dit une drogue, donc il est interdit d'en produire, d'en vendre, d'en acheter et d'en consommer. Ces interdictions, elles sont dictées par une loi qui date de mille-neuf-cent-soixante-dix, une loi sur la lutte contre les stupéfiants et la toxicomanie. La toxicomanie, c'est l'addiction aux drogues.
Cette loi dit que si vous consommez un stupéfiant comme par exemple du cannabis, vous risquez une peine d'un an de prison et une amende de trois-mille-sept-cent-cinquante euros. Un an de prison et presque quatre-mille euros d'amende pour avoir fumé un joint, ça semble plutôt dissuasif, non En fait, pas vraiment parce que ça, c'est seulement la théorie. En réalité, ces sanctions sont rarement appliquées. Rappelez-vous qu'il y a plusieurs millions de Français qui fument du cannabis. Ça veut dire qu'il faudrait mettre tous ces gens en prison.
Même si c'était seulement pour un an comme le prévoit la peine, on n'aurait pas la place pour le faire. Et pour l'amende de trois-mille-sept-cent-cinquante euros, il faut d'abord faire un procès au tribunal. Un policier ne peut pas distribuer cette amende directement à quelqu'un qui fume un joint dans la rue. Il doit arrêter cette personne remplir tous les documents nécessaires et après un certain délai une certaine période de temps la personne comparait à un procès et le juge décide de sa peine. Or, comme dans beaucoup d'autres pays, le système judiciaire français est déjà surchargé.
Les juges ont énormément de travail, les procédures prennent beaucoup de temps. Donc forcément, s'il fallait arrêter et juger toutes les personnes qui fument du cannabis, ça créerait un tsunami dans les tribunaux. D'autant plus que ces sanctions, elles semblent complètement disproportionnées compte tenu de la gravité du crime. Pour d'autres drogues plus fortes comme l'héroïne, ça pourrait sembler justifier, mais pour du cannabis, pas vraiment. Du coup, le gouvernement actuel a adopté une nouvelle loi en deux-mille-dix-huit, une loi qui est censée être plus efficace.
Cette loi, elle permet aux policiers de donner directement une amende sans arrêter la personne ni faire de procès. C'est ce qu'on appelle une amende forfaitaire. Si un policier contrôle une personne qui possède du cannabis ou une autre drogue, il peut lui donner directement une amende de deux cents euros qui peut monter jusqu'à quatre cent cinquante euros si elle n'est pas payée dans le délai prévu. Le gouvernement a justifié cette loi en affirmant qu'elle va permettre de gagner du temps et de libérer de la place dans les tribunaux. Mais elle est aussi très critiquée parce qu'elle renforce la politique du chiffre.
Ça, c'est peut-être une expression que vous avez déjà vue si vous lisez des articles sur la police en France. En France, les policiers sont encouragés à faire le plus possible de contrôle, d'arrestations, à distribuer des amendes. Ils ont des objectifs chiffrés comme les employés d'une entreprise. Donc parfois, ils contrôlent une personne non pas parce qu'elle a l'air suspect mais parce qu'ils ont un quota de contrôle à faire chaque jour ou chaque semaine. C'est ça ce qu'on appelle la politique du chiffre.
Avec cette nouvelle loi, on imagine que les policiers vont être encouragés à contrôler un maximum de personnes pour distribuer des amendes. Et forcément, ce genre de politique, ça dégrade les relations elle est plutôt contraire aux tendances qu'on observe ailleurs. Dans beaucoup de pays européens, les citoyens ont le droit de posséder et consommer du cannabis pour leur usage personnel. Dans le reste du monde, il y a même des pays qui sont allés plus loin en décidant de légaliser la production et la vente de cannabis. Par exemple le Canada que j'ai déjà cité, l'Uruguay ou certains États nord américains comme Washington, le Colorado, la Californie, et caetera.
Mais contrairement à tous ces pays, la France préfère continuer de sanctionner les consommateurs avec une politique de répression. Sauf que quand on voit le nombre de personnes qui fument du cannabis en France, cette stratégie semble pas très efficace. Au contraire, c'est une drogue qui devient de plus en plus populaire. Par exemple, parmi les gens de mon âge, ceux qui ont entre vingt-six et trente-quatre ans, soixante pour cent ont déjà fumé du cannabis, 6 personnes sur dix. Alors que dans la génération de mes parents, les personnes ayant entre cinquante-cinq et soixante-quatre ans, cette part est de seulement vingt pour cent, donc trois fois moins.
Surtout que quand les gens de ma génération auront l'âge de mes parents, il y en aura d'autres qui auront essayé le cannabis entre temps donc cette part sera encore plus élevée Bref, vous voyez que la consommation de cannabis démocratise de plus en plus malgré la politique répressive du gouvernement. Donc maintenant, on va essayer de comprendre pourquoi. En France, l'OFDT estime que chaque année, l'alcool est responsable de quarante-et-un-mille décès, quarante-et-un-mille morts et le tabac soixante-quinze-mille. Pour le cannabis, le chiffre officiel est de seulement vingt-huit. Alors pourquoi l'alcool et le tabac sont légaux mais pas le cannabis Pour comprendre ça, il faut chercher la réponse dans l'histoire.
L'alcool et le tabac sont présents dans les sociétés occidentales depuis plusieurs siècles. Ils ont toujours été socialement acceptés et on a même encouragé leur consommation. Ça, j'en ai parlé dans ma dernière vidéo YouTube sur les enfants français et le vin. Au contraire, le cannabis est arrivé chez nous beaucoup plus récemment au dix-neuvième siècle Avec le développement du commerce international et surtout avec les guerres coloniales, les Européens ont découvert de nouvelles drogues comme l'opium et le haschich, autrement dit le cannabis. Ces drogues ont rapidement été adoptées dans les milieux artistiques de l'époque.
Par exemple, dans les poèmes de Charles Baudelaire, on trouve de nombreuses références aux hallucinations provoquées par l'opium. En mille-huit-cent-quarante-quatre, il y a même un docteur, le docteur Moreau de Tours qui a créé un club pour étudier les effets du haschich. Ça s'appelait le club des haschichins. Le docteur organisait des séances avec des personnes très influentes, des scientifiques, des hommes de lettres, des artistes. On sait par exemple que Flaubert, Balzac et le peintre Delacroix ont participé à des séances.
Alors à cette époque, ils ne fumaient pas le haschich, ils le mangeaient. Et après, ils discutaient des effets qu'ils ressentaient Personnellement, j'aurais bien aimé assister à une de leurs séances pour voir ce qu'ils racontaient ça devait être vraiment marrant. Quelques décennies plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, l'opium, la morphine et même la cocaïne ont commencé à être utilisés pour calmer la douleur des soldats blessés. Comme ce sont des drogues très addictives, les médecins ont vite remarqué que les et interdire leur consommation en dehors des hôpitaux. Et le cannabis a lui aussi été ajouté à la liste de ces narcotiques interdits.
Jusqu'aux années soixante, la consommation de cannabis était assez marginale en France mais il y a un événement qui a changé la donne mai Mai mille-neuf-cent-soixante-huit, ça a été un mois décisif dans l'histoire de la France. D'ailleurs, j'y ai déjà consacré un épisode, l'épisode quarante-trois qui s'appelle la Deuxième Révolution française Donc je vous invite à l'écouter si vous voulez mieux comprendre cet événement. Pour faire simple, en mille-neuf-cent-soixante-huit, il y a eu des grèves ouvrières et des manifestations étudiantes violentes dans tout le pays. La France était complètement divisée. D'un côté, il y avait les ouvriers et les étudiants qui réclamaient un changement radical.
Ils voulaient une société nouvelle avec plus de liberté et moins d'inégalités. Ils étaient contre le gouvernement du général de Gaulle. Et de l'autre côté, il y avait les générations plus âgées qui ne voulaient pas de ces changements, les gens qui souhaitaient conserver le modèle de société existant et qui soutenaient le général de Les étudiants qui participaient à ces manifestations, ils étaient très influencés par le mouvement hippie né aux États-Unis quelques années plus tôt. Or, une des revendications du mouvement hippie, c'était la dépénalisation du cannabis, une drogue qui était très appréciée et consommée. Donc à partir de ce moment-là, on peut dire que le cannabis est devenu un symbole de liberté et de contestation pour les jeunes.
Mais pour l'autre camp, les hommes au pouvoir et les générations plus âgées, le cannabis est devenu le signe de la déviance de la jeunesse. C'est dans ce contexte, en mille-neuf-cent-soixante-dix, que le gouvernement français a approuvé la loi sur la lutte contre les stupéfiants que j'ai mentionné plus tôt et qui sert encore de référence. De nos jours, le cannabis est un sujet qui divise toujours autant les Français et les Françaises. D'un côté, il y a les parents qui s'inquiètent des effets de cette drogue pour la santé de leurs enfants. Les nombreuses études qui ont été faites sur le sujet montrent que la marijuana est dangereuse pour les adolescents parce qu'elle affecte le développement de leur cerveau.
C'était la conclusion d'une étude menée en Nouvelle-Zélande par des chercheurs de l'université de Duke et du King's College de Londres. Une étude publiée en deux-mille-douze dans les actes de l'Académie américaine des sciences. Cette étude a duré quarante ans et elle a mis en évidence que fumer du cannabis régulièrement à l'adolescence entraîne une baisse des capacités intellectuelles à l'âge adulte, notamment parce que ça cause des problèmes de mémoire et de concentration. Les personnes qui avaient commencé à consommer du cannabis à l'adolescence, bien ensuite, à trente-huit ans, elles avaient huit points de quotient intellectuel de moins que les personnes qui n'en avaient pas consommé. Donc c'est une différence assez significative.
Les résultats de cette étude ont été largement diffusés dans les médias et logiquement, ça a beaucoup inquiété les parents. En plus, un autre rapport de l'OFDT a montré que les jeunes qui sont dans une situation d'échec scolaire, les jeunes qui ne réussissent pas à l'école, ils ont statistiquement plus de chances de fumer du cannabis. Donc ça crée un cercle vicieux. De manière plus générale, on sait aussi que ces problèmes ne concernent pas seulement les adolescents. Chez les adultes aussi, le cannabis peut provoquer des troubles de la concentration, de l'anxiété, des crises de panique ou de paranoïa et des états dépressifs.
Et comme l'alcool, c'est une substance très dangereuse si elle est consommée avant de prendre le volant, avant de conduire, vu qu'elle provoque une baisse de la tension et un ralentissement des réflexes. On estime que conduire sous l'influence du cannabis multiplie par un virgule sept le risque d'être responsable d'un accident mortel de la route. Tout ça, ce sont des arguments qu'on retrouve dans le camp des personnes opposées à une légalisation ou même à une simple dépénalisation de la consommation de cannabis, on peut très bien comprendre les parents qui ont peur pour leurs enfants. Mais d'un autre côté, personne ne dit qu'il faut autoriser la vente de cannabis aux mineurs. Dans les pays où sa consommation est légale, elle reste interdite aux mineurs exactement comme les cigarettes ou l'alcool.
Justement, quand on connaît les effets nocifs de l'alcool parfaitement connus, c'est difficile de comprendre pourquoi en France, c'est un produit qu'on peut acheter et consommer librement un peu partout, tandis que posséder quelques grammes de cannabis est puni d'une amende de deux cents euros. On sait que l'alcool et le tabac sont des drogues plus addictives et dangereuses que le cannabis. Donc d'un point de vue scientifique, autoriser l'un et interdire l'autre, ça n'a pas vraiment de sens. En fait, l'explication est plutôt d'ordre culturel et historique. Comme on l'a vu, le cannabis est apparu beaucoup plus récemment dans nos sociétés que l'alcool et le tabac.
Ça fait déjà plusieurs siècles que l'alcool et le tabac sont des drogues socialement acceptées mais le cannabis a encore sa mauvaise image liée aux mouvements contestataires et aux sous cultures comme les hippies. Ce sont des choses qui mettent du temps à changer dans l'imaginaire collectif. Mais comme on l'a vu, l'expérimentation du cannabis se développe de plus en plus d'une génération à l'autre. Aujourd'hui, c'est plus une drogue réservée aux marginaux. En France, c'est même le contraire.
Comme on l'a vu dans l'étude que j'ai citée précédemment, pour les personnes de mon âge, si vous avez jamais fumé de joint, vous faites partie de la minorité des quarante pour cent qui n'ont jamais essayé. Comme la consommation de cannabis démocratise, les opinions évoluent. Il y a encore une dizaine d'années, la majorité des Français étaient opposés à sa légalisation. Mais d'après des études d'opinion récentes, aujourd'hui, c'est plutôt cinquante cinquante. La moitié des Français et des Françaises y est favorable et l'autre moitié y est défavorable.
Cette division, elle correspond vraiment à un clivage générationnel, une différence d'opinion entre les générations. Mais la tendance va plutôt dans le sens d'une plus grande tolérance de l'opinion publique vis-à-vis de cette drogue. Il y a aussi la question de l'usage thérapeutique du cannabis, par exemple pour soulager la douleur des patients atteints de certaines maladies chroniques. Là, l'opinion publique y est nettement favorable. Dans une enquête publiée en deux-mille-dix-huit, huit Français sur dix étaient pour une autorisation du cannabis sur ordonnance médicale, autrement dit avec la recommandation du médecin.
Donc ça, c'est quelque chose qui est déjà largement accepté. Alors attention, je ne dis pas que c'est bien ou mal. J'encourage personne à fumer de l'herbe, surtout pas aux adolescents qui écoutent ce podcast. J'essaie simplement de vous décrire la position de mes compatriotes quant à cette question. Du côté des politiciens, les mentalités évoluent encore moins vite.
Parmi les parties de gauche, il y en a quelques-uns qui souhaitent dépénaliser le cannabis, c'est-à-dire faire en sorte que consommer du cannabis ne soit plus considéré comme une infraction. Mais globalement, c'est un sujet qui fait peur aux politiciens parce qu'il est très risqué, surtout pour ceux qui ont un électorat âgé. Vous savez que l'opinion publique est très divisée sur cette question, donc ce n'est pas un sujet qui est souvent débattu à l'Assemblée nationale. C'est aussi le cas pour le cannabis thérapeutique. Je vous ai dit que huit Français sur dix y sont favorables, mais pour le moment, c'est toujours pas autorisé en France.
Il devait y avoir une première expérimentation cette année pour voir si c'était faisable d'un point de vue logistique pour prescrire et distribuer les produits aux patients. Mais elle a été repoussée à l'année prochaine à cause du Covid. Maintenant, il y a un dernier point très important dont on n'a pas encore discuté, c'est la dimension économique du cannabis. Parce que oui, comme pour les autres produits, le cannabis, c'est un marché. Il y a des producteurs, des distributeurs et des clients.
Évidemment, comme c'est un produit illégal, c'est un peu difficile de connaître la taille exacte de ce marché. Mais la dernière étude sérieuse l'estimait à un virgule un milliard d'euros, soit la moitié du total du marché des drogues en France. Sachant que c'est une étude qui date de deux-mille-dix, on peut imaginer que le marché est encore plus grand aujourd'hui. Pour comparer, le marché des compléments alimentaires en France, c'est environ deux milliards d'euros comme le marché des drogues. Donc vous voyez que le poids économique du cannabis est loin d'être négligeable.
Mais le pire, c'est qu'il coûte aussi de l'argent à l'État, donc aux contribuables, aux Français qui payent leurs impôts. Et oui, pour faire respecter la loi et combattre les trafiquants, les dealers, il faut des policiers. Et puis, il faut aussi arrêter les gens, faire des procès, les garder en prison. On estime que chaque année, il y a deux cent mille arrestations liées au trafic ou à la consommation de cannabis. Au total, tous ces coûts, ça représente un budget d'environ cinq-cent-soixante-dix millions d'euros pour l'État.
En plus, les économistes ont montré que cette politique de prohibition est un échec complet. Au lieu de faire baisser la consommation de cannabis, la stratégie répressive du gouvernement l'a favorisé. Vous vous souvenez, je vous ai dit que la part des personnes qui expérimentent avec le cannabis augmente d'une génération à l'autre et que la France est le pays européen où cette part est la plus élevée. Et ça, ça s'explique en grande partie par le fait que c'est une drogue que les mineurs peuvent acheter facilement. Oui, vous imaginez bien que les dealers ne demandent pas à leurs clients de montrer leur carte d'identité et ils ont bien compris que les collèges et les lycées sont des endroits très lucratifs pour leur business.
C'est pour toutes ces raisons que de plus en plus d'économistes recommandent une légalisation du cannabis en France. C'était notamment la conclusion d'un rapport publié en deux-mille-dix-neuf par le centre d'analyse économique, un institut d'études indépendants, les auteurs de ce rapport ont estimé que la légalisation pourrait rapporter au minimum deux milliards d'euros à vous pouvez dire mon investissement me rapporte x euros. Mais pourquoi la légalisation du cannabis rapporterait-elle de l'argent à l'État français Grâce aux taxes bien sûr. Aujourd'hui, c'est un produit illégal, donc forcément l'État ne peut pas le taxer. Mais si ça changeait, l'État pourrait fixer une taxe assez élevée, par exemple quarante ou cinquante pour cent.
En tout cas, c'est ce que recommandent les économistes du centre d'analyse économique. Ils pensent qu'avec une taxe aussi élevée, il serait plus facile de réduire progressivement la demande. C'est déjà cette stratégie qui est en place pour les cigarettes dont le prix augmente chaque année et qui est devenu assez dissuasif. Beaucoup de personnes ont arrêté de fumer parce que les cigarettes coûtaient trop cher. Et pour aller encore plus loin, les économistes recommandent que l'État est le monopole de la production et de la distribution de cannabis.
Non seulement ça créerait de nouveaux emplois, mais ça permettrait surtout de mieux contrôler la qualité du produit et les clients. Par exemple pour interdire aux mineurs d'en acheter. Avec l'argent gagné grâce à la vente de cannabis, l'État pourrait financer des campagnes pour la prévention et l'éducation des jeunes. Comme la politique de répression qui existe depuis cinquante ans a pas fonctionné, les experts pensent que ça vaut le coup d'essayer autre chose. Pour finir, le dernier avantage de la légalisation et pas des moindres, ça serait la disparition du marché noir ou en tout cas une diminution drastique.
Aujourd'hui, il existe des quartiers en France qui sont contrôlés par les trafiquants et où même la police n'ose pas aller. Les habitants de ces quartiers vivent un enfer. Il y a une violence quotidienne, des crimes et tous les autres problèmes liés au trafic de drogue. Les économistes pensent que si une alternative existait, la plupart des clients préféreraient acheter leur cannabis légalement dans une boutique spécialisée. Donc progressivement, le marché noir diminuerait et les trafiquants perdraient cette source de revenus.
Pour conclure cet épisode, on peut dire qu'aujourd'hui la relation des Français et des Françaises avec le cannabis est plutôt compliquée. Nous faisons partie des plus gros consommateurs au monde, mais notre législation est l'une des plus répressives. Fumer son premier joint est devenu une chose banale pour les adolescents et les parents s'inquiètent des dangers de cette drogue pour leur santé. Les économistes recommandent de légaliser la production et la consommation de cannabis, mais les politiciens refusent d'en entendre parler. Bref, à l'heure actuelle, il est difficile de savoir comment les choses vont évoluer mais il est certain que le débat sur le cannabis ne fait que commencer.
Si je me risque à faire une prédiction pour répondre à la question posée en début d'épisode, à mon avis, il y a peu de chances que la France légalise le cannabis dans les prochaines années. Voilà, on va s'arrêter là. C'était un épisode assez dense avec beaucoup de chiffres, donc j'espère que vous n'avez pas trop mal à la tête. Merci de m'avoir écouté jusqu'au bout et on se retrouve dans quelques semaines pour le prochain épisode. À bientôt.